Publié le 5 Apr 2023 - 21:52
REWMI - BBY

La fin de la récréation !

 

Après Oumar Guèye, Pape Diouf, Oumar Sarr et Déthié Fall, Idrissa Seck pourrait perdre un autre lieutenant, à cause de son entrisme. En toile de fond, il y a la Présidentielle de 2024 et une proximité politique entre le ministre des Sports (désormais ancien vice-président de Rewmi) et le président de la République qui n’en finit pas de déranger. Plus que jamais, le compagnonnage entre les deux ‘’amis’’ est compromis.

 

Beaucoup ne l’auraient pas cru. Le couple jusque-là semblait filer le parfait amour. Mais depuis samedi, avec la dernière réunion du Secrétariat national de Rewmi, les signaux d’un mariage qui bat de l’aile ont commencé à échapper et à alimenter le débat public. D’abord, à travers des fuites dans la presse, on apprenait que le président du Conseil économique, social et environnemental (Cese) avait remonté les bretelles à ses deux ministres qui siègent dans le gouvernement, à savoir Yankhoba Diatara et Aly Selleh Diop. Il leur aurait été reproché d’avoir failli dans la mise en œuvre des instructions de leur chef.

Alors qu’on n’avait pas fini de parler de cette affaire, revoilà Idrissa Seck qui, trois jours seulement après la tenue du Secrétariat national, revient à la charge. Cette fois, le linge sale se lave dans la rue et non entre quatre murs. Dans un communiqué, le président de Rewmi informe : ‘’Monsieur Abdoulaye Ndoye, Coordonnateur départemental de Saint-Louis, est nommé deuxième vice-président du parti en remplacement de monsieur Yankhoba Diatara appelé à d’autres fonctions. Le secrétaire général et le secrétaire national en charge des structures sont chargés de l’exécution de la présente décision.’’

Quel a été l’élément déclencheur de ce limogeage ? Pour le moment, les principaux concernés se refusent à tout commentaire. Une chose est sûre : il intervient quelques heures seulement après une sortie du ministre sur Sen TV, dans laquelle il semble plutôt défendre la légalité d’une troisième candidature du président Macky Sall. ‘’La candidature du président de la République Macky Sall, disait-il, pour un deuxième quinquennat, est valable juridiquement. Maintenant, il faut attendre de voir la décision du président de la République. Ensuite, il reviendra au Conseil constitutionnel de trancher’’.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que cette déclaration sonne comme un pied de nez à l’endroit de son mentor dont l’ambition de se présenter en 2024 n’est presque plus un secret.

Interpellé récemment aux États-Unis sur la question, il répondait diplomatiquement, non sans rappeler son combat en 2012 contre Wade pour qui il a un grand respect : ‘’Un pilier du projet Sopi, qui était absolument central, était que nous devions faire du Sénégal une démocratie majeure où la transmission du pouvoir se fait sans violence, à un rythme régulier dont la fréquence n’excède pas deux mandats de cinq ans, pas trois.’’ Dans la foulée, Idy avait même annoncé une conférence de presse avant de la reporter sine die. Beaucoup espéraient que cette conférence devrait être l’occasion non seulement de déclarer sa candidature, mais aussi de se prononcer de manière plus claire sur la validité de la troisième candidature du président Sall.

Hier encore, comme pour se démarquer des propos de son lieutenant tenus la veille, alors même qu’il avait déjà fait une publication pour souhaiter une bonne fête, le président de Rewmi a cru bon de faire un autre post pour, dit-il, s’adresser aux jeunes. Toujours dans ses allusions, il déclare : ‘’Macky nous a ramené la coupe d’Afrique. Voulez-vous m’accompagner pour aller chercher la Coupe du monde dans quatre ans, après une belle moisson de médailles aux JOJ de 2026, les premiers organisés en terre africaine ? À réformer le système de santé et d’éducation ? À m’occuper de l’environnement pour atténuer les effets du changement climatique ?’’

Selon ce proche, il faut bien comprendre le président de Rewmi pour saisir ses messages. ‘’C’est quelqu’un qui a une communication fragmentée et graduelle… Pour le moment, il faut se contenter de ce qu’il a dit. Dans les prochains jours, vous serez édifiés’’.

Diatara s’éloigne-t-il d’Idy pour le ‘’Macky’’ ?

Fidèle parmi les fidèles d’Idrissa Seck, le ministre des Sports ne semble en tout cas pas s’inscrire dans la même dynamique. Il ne rate presque plus une occasion pour faire l’apologie de la troisième candidature. Ce qui lui vaut pas mal de critiques. Revenant sur sa dernière sortie sur le plateau de Sen TV, ce frère de parti explique : ‘’Il y a une volonté manifeste de défiance. Lors la dernière réunion du secrétariat, il leur a carrément dit que s’ils sont ministres, c’est grâce au parti. Qu’ils ne devraient pas le perdre de vue… Sur la question du mandat, il a fait savoir qu’il est dans une alliance qu’est Benno Bokk Yaakaar. Des négociations sont en cours. On ne peut donc pas se prononcer comme ça. Comment il peut se précipiter à la télévision en catimini, pour faire des déclarations qui n’engagent que lui ? En quoi cette question d’une troisième candidature de Macky Sall peut concerner notre parti ? Je peux comprendre que des militants de l’APR investissent Macky Sall comme candidat, mais en quoi cela peut regarder quelqu’un qui se réclame de Rewmi ? C’est une faute lourde, à mon avis.’’

Selon lui, M. Diatara n’avait même rien à faire à cette émission. ‘’Aussi bien dans le gouvernement que dans la coalition, il y avait des gens plus habilités. Le porte-parole du gouvernement est là ; les responsables de l’APR sont là ; nous n’avons rien à faire dans ce débat. Et certains le lui ont dit’’.

En fait, avant même ces derniers épisodes, il convient de noter que les premiers conflits dans le ménage remontent aux élections territoriales de janvier 2022. Battu à plate couture par la coalition Yewwi Askan Wi, après plus de 20 ans de règne, des voix s’étaient déjà élevées pour tout mettre dans le dos du lieutenant. La sanction n’avait pas tardé, puisqu’aux Législatives, Idy avait choisi Mor Ndiaye pour coordonner le parti au niveau départemental. Dans un article daté du 18 avril, ‘’Jeune Afrique’’ renseignait : ‘’Idrissa Seck verrait d’un œil inquiet l’importance qu’a prise Yankhoba Diatara au sein du gouvernement…’’ Selon le site panafricain, cet activisme de Diatara, qui faisait tout pour plaire au chef de l’État, dérangeait jusque dans l’entourage du président. ‘’Certains, confiait ‘JA’, s’agacent également des efforts du ministre pour se faire bien voir auprès du président. En mars (2022), dans le cadre des missions de BBY dépêchées à l’intérieur du pays, Yankhoba Diatara avait été choisi par Macky Sall pour dissiper les frustrations dans le département d’Oussouye, en Casamance…’’ 

Les derniers développements semblent surtout confirmer cette thèse. Depuis quelque temps, Yankhoba Diatara est devenu un fervent défenseur du président Sall, de son bilan, mais aussi de sa candidature. N’en déplaise à celui grâce à qui il est devenu membre du gouvernement. Aussi, confirme-t-il la jurisprudence Oumar Guèye, Pape Diouf (membres du gouvernement) et Oumar Sarr. Anciens membres de Rewmi, ils avaient tous opté, au début de la deuxième alternance, quand leur mentor avait pris la décision de se séparer du régime, de rester pour conserver leur poste.

Un compagnonnage en sursis !

À Rewmi, les entrées et sorties dans le gouvernement sont souvent accompagnées de séparations douloureuses. Outre les cas Pape Diouf et Oumar Guèye qui sont restés dans la mémoire collective, il y a le cas spécifique de Déthié Fall qui, lui, avait préféré prendre ses distances, au moment où Idrissa Seck prenait la décision de rejoindre le régime.

A cette époque, c’est Yankhoba Diatara qui était en première ligne pour lui mener la guerre. Le traitant de ‘’khous maa niapp’’, il disait : ‘’J’ai pitié de Déthié Fall, parce que c’est mon jeune frère et c’est moi qui l’ai emmené dans le parti. Ses parents, qui sont à Saint-Louis, quand ils entendront que Déthié a pris un chemin différent de celui d’Idrissa Seck et de Diatara, ils vont se poser des questions. S’il est aujourd’hui député… je prends à témoin Idrissa Seck et Thierno Bocoum ; nous étions trois. Idrissa Seck nous a dit : ‘J’ai un poste. Discutez entre vous et choisissez un. On s’est retiré et tous les deux avaient convenu de me laisser le poste. On a regagné Idy pour lui faire part du consensus. Il m’a dit : ‘Je te le redemande pour le donner à Déthié.’ Je lui ai dit que je suis d’accord. Je n’en ai jamais parlé. Au contraire, je l’ai toujours accompagné. Par devoir et par loyauté envers le président Idrissa Seck.’’

Par-là, il voulait simplement dire que Déthié a boudé simplement parce qu’il n’avait pas été désigné pour siéger au gouvernement. ‘’Le président de la République et le président Idrissa Seck ont discuté. Le président, dans sa générosité confie au président (de Rewmi) deux postes dans le gouvernement. J’ai été cité. S’il était grand, s’il avait une mémoire, il m’aurait dit : ‘Diatt., vraiment, c’est ton tour.’ Malheureusement, cela ne lui a pas fait plaisir et c’est pourquoi il a quitté’’, révélait-il.

Mais qu’est-ce qui fait donc courir les hommes politiques, au point que souvent, ceux qui goutent au pouvoir préfèrent ne plus en sortir, quitte à se séparer des partis qui les avaient mandatés ? Ce n’est certes pas encore le cas de Yankhoba Diatara, mais beaucoup évoquent l’éventualité.

En tout cas, les conséquences peuvent être néfastes pour la démocratie et la vitalité démocratique. Car ces pratiques de transhumance ou de débauchage tous azimuts ne contribuent, en effet, qu’à rendre les partis au pouvoir plus hégémoniques, les oppositions de plus en plus faibles.  L’exemple du PDS en est une parfaite illustration. 

MOR AMAR

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