Publié le 24 Apr 2023 - 06:24
CAISSE NOIRE DU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE ET FONDS POLITIQUES DES PRÉSIDENTS D'INSTITUTION

Le Sénégal peut-il se payer le luxe d’une telle aberration ?

 

Cette question nous pousse à s'interroger sur l'utilité et le fonctionnement de la caisse noire du président de la République, comme pour les fonds politiques des Présidents des Institutions que sont l'Assemblée nationale, le Conseil économique, social et environnement, et le Haut conseil des Collectivités territoriales. Le problème avec ces Institutions, c'est qu'il n'y a aucune comptabilité qui régit la gestion des fonds qui sont alloués à ces Présidents.

Ce qui signifie également que les Sénégalais n'ont aucun droit de regard sur leur propre argent. Quelle catastrophe alors si le Président de la République a la possibilité d'enrichir ces Présidents qui ont là une occasion rêvée pour s'enrichir, sans être inquiétés à travers la gestion qu'ils auront à faire de ces fonds. Cette pratique ne fait-elle pas penser, à ce que le juge Youssou Ndiaye avait appelé un enrichissement sans cause. C'est pire encore pour le Président de la République qui, en plus de son pouvoir discrétionnaire qui lui permet de nommer qui il veut, quand il veut et où il veut, peut aussi à cause de sa caisse noire enrichir qui il veut. Le Président de la République peut encore démolir ou protéger qui il veut, à travers les corps de contrôle qui ont en charge la vérification administrative et financière des services publics.

 Si on prend l'exemple de l'Inspection générale d'Etat qui est placée sous l'autorité directe du Président de la République, il peut à tout moment l'utiliser pour frapper fort sur un allié, un partenaire encombrant, un dissident ou un opposant qu'il veut liquider politiquement. On peut le prendre ainsi si on sait que le Président de la République peut utiliser ces rapports qui sont classés confidentiels pour les utiliser à des fins politiques. Il ne pourra alors rien se passer pour les fauteurs tant qu'ils seront d'accord avec le pouvoir en place. C'est aberrant mais c'est comme ça que les choses se passent dans ce pays. Il nous faut alors revoir le fonctionnement de ces Institutions, qui ne peuvent continuer ainsi, comme si nous étions dans une République qui a les attributs d'une monarchie. Et le Président de la République pourra toujours à travers sa caisse noire et son pouvoir discrétionnaire avoir la main mise sur les caisses de l'Etat et la destinée des humains. On peut bien comprendre quand il s'agit de questions de sécurité pour garantir la paix et la sécurité du pays. Et là encore faudrait-il qu'il y ait des précautions à prendre, des garanties à assurer et un minimum de règles à respecter.

 Mais on a l'impression que les politiciens de tous bords, qu'ils soient de l'opposition ou du pouvoir ne semblent pas vouloir changer le mode de fonctionnement de ces Institutions, par peur de perdre les avantages qui y sont rattachés, et surtout le butin de guerre qui peut servir au positionnement politique. Il suffit pourtant de quelques réformes pour mettre fin à cette absurdité qui est en train de se dérouler au sommet de l'Etat, et au vu et au su de tout le monde. Mais à la place, les politiciens ont réussi à faire croire aux populations, qu'il est normal que le Président de la République et les Présidents de ces Institutions budgétivores de l'Etat se servent comme ils veulent de l'argent du contribuable sénégalais. Comme si ces concernés n'étaient pas des serviteurs de la République qui méritent un traitement salarial et des avantages raisonnables qui sont liés à leurs fonctions. A l'exemple de tous les autres fonctionnaires de l'Etat, qui sont au service de la communauté.

Par malheur cette pratique est finalement entrée dans les mœurs politiques du pays, en même temps qu'elle s'est emparée de l'imaginaire populaire des sénégalais.

On se rappelle encore de cette phrase lapidaire qui a été prononcée par un des acteurs de la première alternance de 2000, et qui n'était pas des moindres: "Nos soucis d'argent sont terminés." Ce dernier ne voyait à cet instant, non pas une occasion de développer le pays, mais un moyen de se faire plein les poches, lui et ses affidés, ses thuriféraires et ses ouailles.

Osons le dire ce pays a besoin d'être laver à grande eau, et ça passera forcément par la refonte du mode de fonctionnement des Institutions du pays, et en premier l'Institution que représente le Président de la République. Quand le chanteur Youssou Ndour disait dans l'une de ses chansons, et à l'endroit du Président de la République et n'importe lequel, Alalou Rewmi momou loko (l'argent du pays ne t'appartient pas), disons que cette phrase a son pesant d'or, et seules la réforme de ces Institutions et la révision des pratiques y afférentes, pourront nous épargner de certains travers qui ont jusque-là été constatés dans la gouvernance du pays. Il en restera encore et encore, mais nous aurions au moins déjà fait un pas.

BABACAR PAPIS SAMBA- AUTEUR ET ADEPTE DE LA PENSÉE COMPLEXE