Publié le 27 Jun 2023 - 20:43
RÉENGAGEMENT TOUS AZIMUTS DANS LES FORCES DE DÉFENSE ET DE SÉCURITÉ

La sécurité, obsession du gouvernement ?

 

Après la police et la gendarmerie en début d’année, l’armée a annoncé le réengagement de militaires libérés pour augmenter les effectifs des troupes. Une nouvelle étape dans l’anticipation du gouvernement de manifestations futures ?

 

Mars 2021. Le Sénégal vient de vivre l’une des émeutes les plus violentes de ces 30 dernières années. Partout dans les grandes villes du pays, des scènes de chaos ornent un décor inimaginable quelques jours plus tôt. Même des brigades de gendarmerie ont été attaquées par des populations en colère, le contexte politico-économique explosif (arrestation du plus grand opposant politique Ousmane Sonko, ras-le-bol général des restrictions imposées dans le cadre de la Covid-19) expliquant les débordements.

Depuis, une deuxième vague tant redoutée est survenue le 1er, 2 et 3 juin 2023. Et au sein du gouvernement, la sécurité est dans toutes les bouches. Dans les faits, cela se traduit par un renforcement tous azimuts des forces de défense et de sécurité.

Hier, c’était au tour de l’armée nationale d’annoncer sa volonté d’augmenter ses effectifs. Cinq contingents de soldats libérés au terme de leur durée légale (2019/3, 2020/1, 2020/2, 2020/3 et 2021/1) vont être rappelés sous les drapeaux. 

Selon un communiqué du ministère des Forces armées, ils effectueront leur retour à l’activité à compter du 1er juillet. La décision est signée par le ministre des Forces armées Sidiki Kaba et le chef d'État-major général des armées. Les services militaires concernés ont déjà reçu des instructions pour exécuter la décision.

Avec 16 morts officiels selon le gouvernement (23 morts documentés par Amnesty International), les violences du début de ce mois ont été plus meurtrières que celles d’il y a deux ans.

Clôturant le Dialogue national, samedi dernier, le président de la République a qualifié la gravité de ce qui s’est passé sur ces trois jours : ‘’Il y a eu des atteintes graves, des dommages sur les biens publics et privés, sur les personnes d'innocents citoyens dont certains ont malheureusement perdu la vie. Il est établi que ces faits, assimilables à des actes terroristes, ne resteront pas impunis."

Ce discours suit la logique de celui des autorités chargées de la sécurité nationale. Selon le ministre de l’Intérieur, au lendemain des dernières émeutes, des “forces occultes” ont “tenté de saboter l'usine de Djender qui produit plus de 12 000 m3 d’eau”. Antoine Félix Diome estime même que ce qui s’est passé ‘’dépasse la politique ; c'est la République et l'État qui sont attaqués. Et sur instruction du chef de l'État, nous allons prendre les dispositions nécessaires pour faire régner l'ordre".

Parmi ces dispositions, le renforcement du personnel des forces de défense et de sécurité qui ont été débordées aussi bien en mars 2021 qu’en juin 2023. En début d’année, l’État s’engageait déjà sur cette voie.

C’est ainsi que la 46e promotion des élèves de la police nationale a fourni, en janvier 2023, 1 262 nouveaux éléments au corps de la police pour la sécurité des biens et des personnes. Parmi eux, 16 commissaires de police, 56 officiers de police, 275 sous-officiers de police et 909 agents de police.

Président la cérémonie de sortie de promotion, le ministre de l’Intérieur avait indiqué que ce recrutement massif des fonctionnaires de police entrait dans le cadre du programme de montée en puissance de notre police nationale, le tout en promettant le recrutement de 4 000 fonctionnaires de police pour renforcer davantage la police nationale. Ceci, en plus de l’acquisition d’importants moyens matériels et logistiques, ainsi que de la construction et la mise en fonction de nombreux services de police sur toute l’étendue du territoire national.

En plus de l’armée et de la police, la gendarmerie bénéficie également du renforcement de ses effectifs. Début 2023, les contingents libérés de plusieurs promotions ont été rappelés. En effet, les autorités de la gendarmerie ont lancé la procédure pour le réengagement des gendarmes auxiliaires des contingents 2015, 2016, 2017, 2018, 2019, 2020/1 ayant déjà effectué la durée légale du service militaire. Ce qui fait un total de six contingents.

Malgré l’accalmie notée, la tension sociale reste très préoccupante. Le président de la République a annoncé l’officialisation de sa décision de se présenter ou non pour un troisième mandat après la fête de Tabaski, le 29 juin prochain. Si la décision de briguer un nouveau mandat est potentiellement source de tensions, la situation autour d’une participation du leader de l’opposition, Ousmane Sonko, à la Présidentielle en est une autre. Et ces deux points n’ont nullement été réglés au niveau du Dialogue national.

Face à l’incertitude des lendemains qui attendent le Sénégal, les forces de défense et de sécurité prennent des devants.

Lamine Diouf

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