“L’heure est grave”
Au Sénégal, on pratique toujours la mutilation génitale féminine, malgré tous les efforts consentis par l’État pour éradiquer ce genre de pratique. Ce qui a suscité l’alerte du directeur de l’ONG ActionAide qui estime que la situation est alarmante.
Le directeur d’ActionAide s’est offusqué de l’existence de poches de résistance à l’interdiction des mutilations génitales féminines dans le territoire national. ‘’L'heure est grave, parce que nous avons remarqué, bien qu’il y ait une loi (la loi 99-05) qui lutte contre les mutilations génitales féminines, il y a toujours des poches de résistance au Sénégal. Et cela malgré les sensibilisations, les ateliers de formation, mais également les initiatives en termes de renforcement de capacités ou renforcement de pouvoirs économiques et politiques des femmes. Nous constatons que le taux national avoisine les 16 % et ce taux stagne, depuis pratiquement une dizaine d’années. On est pratiquement autour de 15 à 16 %’’, fulmine Zakaria Sambakhé.
Sur cette lancée, M. Sambakhé indique que, dans ce combat, il y a encore des efforts supplémentaires à faire pour voir le bout du tunnel, avec l'abandon de cette pratique de mutilation géniale féminine.
En effet, précise-t-il, ‘’nous avons constaté qu’il y a beaucoup de dégâts néfastes, des problèmes concernant les survivantes, celles qui subissent cette pratique et il va falloir continuer la sensibilisation, parce que, rien ne justifie une telle forme des violations des droits des filles dans un pays qui se dit très progressiste en matière de droits humains. Il faut qu'au XXIe siècle, ces pratiques soient carrément éradiquées’’.
Pour ce faire, renseigne le directeur d’ActionAide, ‘’il y a plusieurs stratégies que nous mettons en œuvre. Parmi celles-ci, il y a le renforcement du pouvoir économique. Il y a aussi la mobilisation pour l'éducation des filles. Parce que nous avons constaté que l'éducation est un des moyens pour lutter contre les mutilations génitales féminines. Donc, dans les zones où nous travaillons, nous mettons des clubs de jeunes. C’est une manière de pouvoir préparer les filles à s'affirmer, voire également à défendre leurs droits’’.
Pour lui, l'État fait des efforts, parce que le Code pénal a été révisé pour renforcer les sanctions liées à ces pratiques-là. Il y a aussi des initiatives au niveau national, sous-régional et international. Il y a même eu un sommet africain qui a été tenu au Sénégal pour mettre fin aux mutilations génitales.
Les parlementaires impliqués dans la lutte
Le directeur de l’ONG est convaincu que cette lutte ne peut être gagnée que si les représentants du peuple à l’hémicycle y sont enrôlés. ‘’C’est pourquoi nous avons jugé nécessaire d'impliquer davantage les parlementaires, parce que leur mission, leur responsabilité, c'est de suivre les politiques publiques, donc d’évaluer l'action du gouvernement en matière d'application de ses politiques, application de ses lois. Ils ont la lourde mission de plaider pour que l'État puisse prendre plus d'actions envers l'abandon de l'excision’’, déclare Zakaria Sambakhé.
D’ailleurs, la députée Fatou Guèye s’engage à porter le plaidoyer auprès de ses collègues pour une application effective de la loi. ‘’La loi est appliquée, mais ça reste. Il faut qu'on change de méthode, parce qu'après, on pourra déterminer une stratégie pour lutter contre cette pratique. Ce que je vois, c'est d'échanger avec les populations, parce que cette pratique est devenue une tradition. Pratiquement ceux qui font ces pratiques trouvent comme prétexte que cela est issu de la tradition. Mais ça fait des dégâts. Donc, comme ça cause des problèmes, il faut discuter avec eux pour qu'ils puissent laisser ces pratiques, mais également le fait de faire ces pratiques en cachette’’, ajoute M. Sambakhé.
IDRISSA AMINATA NIANG (Mbour)