Qui sème le vent...
L’O.S. s’est-il ramolli ?
Le juge Sabassy Faye a jeté un nouveau pavé dans la mare des affaires politico-judiciaires. Alors que l’on pensait définitivement closes les tribulations politico-judiciaires d’Ousmane Sonko, il vient d’en rajouter une.
De mon point de vue, ceci est au moins révélateur d’une chose : les magistrats sénégalais sont sous l’emprise des turpitudes de nos hommes politiques. Majorité comme opposition affectionnent l’utilisation de la justice à des fins de règlements politiques. Il ne faut pas se voiler la face : de nombreux jeunes magistrats sont, aujourd’hui, des militants passifs de l’opposition, car tous partisans d’une volonté inébranlable de changement et surtout d’alternance générationnelle au profit de celle à laquelle ils appartiennent.
Voulus ou non, il apparaît, manifestement, que les clivages, sinon la cassure que l’on observe au sein de la société et au niveau de la scène politique se constatent aussi dans le monde de la justice. Et cela prouve à mes yeux qu’Ousmane Sonko et ses partisans qui ont, toujours, fui la bataille au niveau du prétoire, ont eu tort de s’entêter dans cette posture qui les a complètement bloqués dans l’impasse dans laquelle ils pataugent actuellement. Car après avoir refusé par deux fois de déférer aux convocations de Dame Justice pour les affaires Sonko-Adji Sarr et Sonko-Mame Mbaye Niang, Ousmane et ses partisans s’accrochent, maintenant, comme des désespérés sur les juridictions de cette vieille dame à laquelle ils ont dénié depuis 2021 toute honorabilité, dignité et sagesse. Cette volte-face de Sonko et de ses avocats n’a qu’un seul dessein : celui de se faire repêcher pour une participation à la prochaine Présidentielle.
Donc, plus d’appel à la rue, à la désobéissance civile, à la révolte et à l’insurrection. C’est pitoyable et affligeant à la fois de voir des postures variant au gré des vents comme une girouette secouée par l’harmattan.
Cette dernière volte-face du leader des radicaux montre, par ailleurs, que son erreur stratégique découle du fait qu’il ait voulu affronter l’État dans sa toute-puissance, alors qu’il avait comme seul adversaire à combattre Macky Sall, l’APR et sa majorité présidentielle. Espérons pour lui qu’il ne connaîtra pas le même sort que Mor Lam, le ‘’zéhéros’’ perdant femme et os dans le conte d’Amadou Coumba que raconte l’éblouissant écrivain Birago Diop.
Leurres et frayeurs
Depuis son avènement, la législature en cours a transformé l’Assemblée nationale en cirque où violence verbale, affrontements physiques en ont fait une nouvelle arène pour des gladiateurs politiques en manque d’inspiration et de programme.
Les avancées de la démocratie sénégalaise se mesurent, ainsi, avec ces tristes spectacles d’alliés de circonstance capables de nouer des pactes et des mésalliances selon leur humeur du moment ou leurs intérêts de circonstance. Triste pays où la classe politique ne s’implique jamais ou ne prend jamais en compte les problèmes sociaux et économiques des populations et du pays, mais se donne toujours en spectacle et ne fait du spectacle que pour leurs privilèges, avantages ou prébendes. Le clash récent entre les socialistes de Khalifa Sall et les extrémistes d’Ousmane Sonko ne fait, donc, que nous rappeler une chose : les politiciens sénégalais sont tous pareils. Du pouvoir comme de l’opposition, il n’y a que leur intérêt du moment qui prime.
Alors que l’inflation et le coût de la vie sont en passe de faire de tous les Sénégalais de nouveaux pauvres, pourtant, les politiciens et les religieux n’ont jamais eu droit à autant de sinécures octroyées par l’État et la société qui en ont fait quasiment des intouchables. La rentrée des classes s’est faite avec maintes tribulations : déficit criant d’enseignants, infrastructures en déshérence, menace d’année blanche planant sur l’école avec les grèves annoncées des syndicats et pourtant aucun élu ne s’approprie les revendications légitimes des jeunes qui craignent pour leur scolarité et des parents alarmés par les menaces obscurcissant le ciel scolaire. Le social est totalement ignoré par la classe politique et la société civile qui ne se mobilisent et ne mènent des combats que pour enrichir encore plus leur besace pas pour la défense du prix du pain et de l’électricité, par exemple.
L’une des meilleures choses que les électeurs pourraient s’autoriser lors du prochain scrutin présidentiel serait de voter blanc pour sanctionner l’ensemble de la classe politique actuelle, afin de faire sortir des limbes une nouvelle génération de dirigeants beaucoup plus obnubilés par les problèmes de développement et non plus par la guerre des places ou alors maintenir au pouvoir de gré ou de force Macky Sall qui a pris de la bouteille dans ses habits d’homme d’État en plus d’une grande expérience qui a fait de lui, ces dernières années, l’un des dirigeants les plus écoutés et sollicités de la planète.
Je sais que cette opinion va en choquer plus d’un. Tout de même, je pense que l’une de nos plus grandes faiblesses en tant qu’Africains est celle de ne jamais faire preuve de pragmatisme et d’audace dans la prise en compte de notre souveraineté et la défense de nos intérêts. Et cela devrait commencer pour nous par le refus d’accepter des standards de bonne gouvernance et de démocratie définis uniquement par l’étranger. Certes, les dés sont jetés et on ne peut plus retourner en arrière, Macky Sall est hors-jeu, mais acceptez avec moi que dans nos pays où l’on peut être président de fédération sportive, de Dahira ou khalife général à vie, député ou maire sans limitation de mandats, pourquoi, forcément, estampiller une présidence de la République sur dix ans en deux mandats consécutifs ?
La situation explosive au Moyen-Orient où Israël fait feu de tout bois contre les Palestiniens, l’inflation infernale et galopante qui a conduit à la crise économique actuelle ébranlant la planète depuis la fin de la crise du Covid-19 et le début de la guerre Iran-Irak, la montée du populisme et des extrémismes en Europe, les ravages de la politique économique chinoise avec ses nouvelles routes de la soie ont fait de la période actuelle un véritable tournant de l’humanité avec la montée des périls multiformes faisant craindre un embrasement du monde.
Je ne pense pas que ce soit le moment de se séparer de ceux qui ont l’expérience et les connaissances déjà éprouvées dans la gestion des affaires publiques et des relations internationales. Le patriotisme devrait toujours précéder la démocratie. Les Occidentaux ne se sont jamais scandalisés et n’ont jamais dénoncé les 16 ans de pouvoir de Mme Merkel, le troisième mandat de l’actuel président chinois ou la durée au pouvoir d’Erdogan.
Abdoulaye Bamba DIALLO