Publié le 23 Nov 2023 - 11:08

La politique africaine d’Emmanuel Macron dans le viseur des députés

 

Les parlementaires ont débattu mardi 21 novembre des « partenariats renouvelés entre la France et les pays africains », appelant à sortir la politique étrangère du « domaine réservé » du chef de l’Etat.

 

L’échange est suffisamment rare pour être souligné. Mardi 21 novembre, au soir, un débat sur la stratégie diplomatique de la France en Afrique s’est tenu à l’Assemblée nationale entre les députés et deux ministres du gouvernement. Les différentes prises de parole se sont appuyées sur la trentaine de propositions élaborées par les députés Bruno Fuchs (MoDem) et Michèle Tabarot (LR) dans un rapport de la mission d’information parlementaire présenté mercredi 8 novembre, qui alertait sur la doctrine « illisible » de la France en Afrique.

En introduction, la ministre de l’Europe et des affaires étrangères, Catherine Colonna, a appelé à « bâtir des partenariats respectueux et responsables dans lesquels chacun assume ses intérêts réciproques ». Dans le contexte de remise en cause des positions que Paris croyait établies, la cheffe de la diplomatie a assuré que la politique française sur le continent africain « porte ses fruits », tout en jugeant « légitimes les questionnements qu’ont pu susciter les différentes crises qui se sont succédé au Sahel ».

Tandis que les soldats français déployés au Niger sont « en cours de rapatriement », comme s’y est résolu Emmanuel Macron le 24 septembre sous la contrainte des putschistes au pouvoir à Niamey, le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a pour sa part insisté sur le risque terroriste que « fait peser la situation au Sahel » sur l’Europe, bien qu’aucun attentat n’a été commandité depuis cette région, et sur le « risque migratoire » qui la menacerait.

Sortir la politique étrangère du domaine réservé du chef de l’Etat

Soucieuse de ne pas « réduire l’Afrique au seul Sahel », Catherine Colonna a notamment mis en avant le rapport piloté par Vincent Duclert sur la part de responsabilité de la France dans le génocide des Tutsi au Rwanda en 1994 et les efforts de restitution d’objets d’arts africains.

Seule personnalité politique de premier plan à être venue s’exprimer dans l’hémicycle, Marine Le Pen a dénoncé « l’absence de politique africaine de la France ». « Sous Emmanuel Macron, a souligné la présidente du groupe Rassemblement national à l’Assemblée, cette politique a disparu dans un magma d’erreurs, d’incohérences et de contradictions, dont la sinistre mésaventure nigérienne de ces derniers mois aura été le point d’orgue. »

Michèle Tabarot, députée LR et corédactrice du rapport de 175 pages qui préconise un « changement de style », a aussi épinglé les médias publics à qui elle reproche d’être « malgré eux » une caisse de résonance des discours antifrançais sur le continent. La députée de la 9circonscription des Alpes-Maritimes estime en outre que la politique du gouvernement souffre du « péché originel du discours de Ouagadougou qui prétendait tout réinventer et qui a clairement échoué ». « Il faut aérer la politique étrangère, ouvrir le domaine réservé pour en faire un domaine partagé », a-t-elle ajouté, en proposant qu’au moins deux débats parlementaires sur l’Afrique se tiennent chaque année.

Réformer la politique des visas et l’aide au développement

La critique de la concentration des décisions à l’Elysée et le manque de concertation dans l’action du gouvernement résonnent aussi de l’autre côté de l’hémicycle. Plusieurs députés de gauche ont notamment appelé à renforcer le rôle des parlementaires dans l’élaboration de la politique étrangère française, à l’image d’Anna Pic (Socialistes et apparentés) qui a plaidé pour une « décentralisation décisionnelle ».

Même son de cloche au sein de La France insoumise qui, par la voix d’Arnaud Le Gall, a suggéré d’en « finir avec la tradition des débats erratiques et purement formels, puisqu’ils ne sont suivis d’aucun vote ».

En résonance avec le rapport de la mission d’information parlementaire, plusieurs recommandations ont ainsi surgi du débat, notamment sur la nécessaire réforme en profondeur de l’aide publique au développement, la remise à plat de la politique des visas, perçue comme « humiliante » par les élites africaines, et la fin annoncée du franc CFA. 

LE MONDE

 

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