Ne banalisons pas Tahirou Sarr…
Derrière des lunettes carrées et un visage rond, Tahirou Sarr développe une vision brutale du Sénégal, qui repose généralement sur la haine anti-Peul Fouta, une xénophobie décomplexée et « débonnaire » envers les Guinéens. Sous le vernis d’un nationalisme et d’un patriotisme feints, les fondamentaux de l’ancien du « Rewmi » d’Idrissa Seck n’ont rien à envier à Zemmour, le panache livresque et la culture en moins.
A force de raccourcis, d’amalgames et de fantasmes permanents, ses discours xénophobes irriguent désormais un large spectre du champ politique, notamment chez de nombreux « Patriotes », mais aussi médiatique.
L’aspect le plus évident du problème, c’est que ce monsieur est une création médiatique. De ce point de vue, il est un prototype de tous ces xénophobes, haineux qui prennent leur envol sur des plateaux médiatiques pour ensuite prétendre à un destin national.
S’il écumait avant les chaînes YouTube, il est devenu maintenant un bon client des grandes TV dakaroises dont les plateaux sont quadrillés par les rentiers de la polémique, la culture du « bad buzz/inculte » ou par un silence complaisant quand ce Zemmour de Petersen, comme l’appelle un Twittos ayant le sens de la formule, déroule et politise la peur.
Au nom d’un droit de la liberté d’opinion, des TV déroulent le tapis rouge à ces propos discriminants, stigmatisants, sans que la contradiction leur soit toujours portée.
Malgré l’apparent sérieux dont se prévalent ces Talkshows du Ramadan, il s’avère que ces émissions loin d’être des espaces de débats et de confrontation d’idées. Elles deviennent de plus en plus souvent un spectacle, un monologue dans lequel TS développe ses outrances. Elles dissolvent la confrontation d’idées et la bataille d’arguments au profit d’interviews en solo, sans contradictions réelles.
Et pour un ancien du groupe Walfadjri, j’avoue que je suis outré d’y voir TS. Car quand la presse lui déroule le tapis rouge, on normalise et légitime ce discours haineux. Samedi 30 mars 2024, l’ancien « sniper » des pages forum de Seneweb a pu développer, sans une relance sérieuse des journalistes, sa rhétorique et son agenda xénophobe et d'extrême droite, en les drapant d'un soi-disant « nationalisme » ou d’une quelconque proximité, avec Ousmane Sonko, le PANAFRICAIN.
Un narratif propre aux xénophobes de l'extrême droite
A la limite, certains journalistes se sont parfois transformés en conseiller, en recommandant à TS d’adopter un « message plus digeste », peut être pour mieux banaliser ce discours d’extrême droite. « En fait, ce que tu dis n'est pas mal, mais c'est la manière de le dire qui pourrait poser problème », semblent dire ces messieurs, qui n’ont jamais relevé le discours nauséabond du sieur Sarr.
Ce n’est finalement pas étonnant que TS déroule et arrive même à dire dans les médias qu’il ne prend pas un taxi quand le chauffeur n'est pas sénégalais. Finalement, la surexposition de TS en est un révélateur en soi et sa banalisation, un catalyseur.
Malheureusement pour tous les désœuvrés et déclassés des douze années du « mackysme », TS a apporté des solutions simplistes aux problèmes complexes que vit notre pays, en diabolisant les Guinéens et en les désignant comme boucs émissaires.
Donc si tu n’as pas de maisons, c’est la faute au Peul Fouta. Si tu ne travailles pas, c’est la faute aux Ndring. Si l’inflation n’est pas maîtrisée, la faille incombe à « Diallo boutiquier » de la Médina. Si les fruits ne sont plus accessibles à la classe moyenne dakaroise, c’est naturellement la faute de « Diallo banana ». Si certaines ruelles de Rebeuss sont sales, cet écart porte la signature d’un bambin aux traits clairs de Pita, qui en a fait des WC en plein air.
Avec ce Matteo Salvini tropical, la défense des Sénégalais de souche rime avec une dénonciation facile. Il ne se pose jamais les vraies questions, comme pourquoi certains emplois sont délaissés par les « boys town », notamment la boutique, l’étal de fruits, le café ambulant, la petite lingerie du quartier, les livreurs « thiak thiak », les kiosques à pain-thon ou le business des laveurs de voiture.
In fine, pour sa théorie qui s'adapte aux haines du temps, les plus fragiles et les oubliés du fameux Plan Sénégal Emergent doivent regarder du côté du boutiquier peul fouta, la raison de leur déclassement social.
En fait, Tahirou Sarr reprend ainsi tout le narratif propre aux xénophobes de l'extrême droite nationaliste dont sont quotidiennement victimes des milliers d'immigrés sénégalais à travers le monde, du modou-modou de Brescia en Italie, le requérant d’asile en France au pauvre étudiant sénégalais en Occident...!
Instituer des cartes de séjour
Partout ailleurs la mécanique des xénophobes et racistes est la même. Un groupe visé (en l'occurrence ici Peul Fouta), identifié comme autre et étranger est désigné bouc-émissaire et perçu comme menace nationale. Dans le déroulé xénophobe et stigmatisant de Tahirou Sarr, le Peul Fouta qui est aujourd'hui dans son viseur, sera demain le Peul/ Pulaar de Fouta Toro, et après demain ce sera le Peul du Kolda...! Dans un pays où ces groupes ethniques sont intriqués, TAH de Seneweb devient une menace publique à traiter.
Au mépris des textes de la CEDEAO, notre dialecticien des fractures sociales et républicaines pense qu’il faut instituer des cartes de séjour pour limiter ce qu’il considère comme une invasion des étrangers. Dans son délire verbal et ses tirades abjectes, il ne met pas de gants pour se prémunir de sa méconnaissance de l’histoire de ce pays, particulièrement le démembrement de certains royaumes en Afrique de l’Ouest.
Allez dire aux Peuls Fouta de la zone de Kédougou ou du Fouladou qu’ils doivent dorénavant se faire délivrer ce qu’un ami appelle « un certificat d'une sénégalité perfide ».
C'est dire l'urgence qu'il y a pour nos hommes et femmes de media d'être à la hauteur de leur mission et de savoir s'interdire tout simple citoyen ou agent public vecteur de discours de haine. La société civile est aussi invitée à veiller sur un pareil personnage et sur toutes autres postures xénophobes ou anti-cohésion nationale en œuvre dans l'espace public.
Sur la matière, notre pays est État partie à la Convention internationale pour l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale, il est ainsi lié notamment aux deux pertinentes recommandations générales du Comité pour l'élimination de la discrimination raciale à savoir la Recommandation générale numéro 30 et 35 sur la discrimination et la lutte contre le discours de haine.
En attendant, à l’ère du règne du tout-opinion sur les réseaux sociaux, ce formatage à bas coût du « débat » offre à cet usurpateur une caisse de résonance plus forte que ces obsessions fatales.
Pour finir, je rappelle que j’ai voté « Sonko » le 24 mars dernier et je voterai certainement pour lui en 2029 In’Sh’Allah. Mais cet « Accompagnateur d’investisseurs en Afrique » est l’angle mort de Pastef et de la Coalition « Diomaye Président ». Et les « Patriotes » doivent se réveiller, faute de quoi ce marchand d’illusions sera forcément le symptôme de notre défaite intellectuelle.
Face à ce poison, qui a désormais un nom et un visage, il faudra se battre. C’est un devoir de résistance.
Zak Alfa Diallo est Journaliste, Suisse romande
PS: Mon choix, mon combat, ma liberté…
Aux amis et camarades qui me reprochent de n’écrire que sur les Peuls Fouta, laissez-moi au moins cette liberté de choisir mes combats. Un combat, une utile recension face aux intolérables postures et discours de haine de nationalistes mal éclairés ! Fussent-elles l'œuvre d'illuminés ou de personnes sans consistance, ces attitudes ne doivent guère être minorées.
Bref, ce Sénégal post Macky Sall, notre SENEGAL, est en train d'enregistrer des dynamiques et contradictions qui mettent à rude épreuve ce qui était jusqu'ici ce commun vouloir de vie commune! Alors oui, je choisis mes luttes et J’ASSUME!