Khalifa Sall, retour à la maison « natale » de Keur Léopold ?
Les responsables du Parti socialiste et Khalifa Sall semblent bien décidés à enterrer la hache de guerre et à se retrouver autour de la restauration de la maison de Keur Léopold. Toutefois, ces retrouvailles pourraient rencontrer quelques oppositions, notamment au sein de Taxawu Sénégal.
Le comité des sages du Parti socialiste semble ouvrir la porte à des retrouvailles entre le PS et Taxawu Sénégal de Khalifa Sall. Lors d'une réunion du bureau du Conseil consultatif des sages du Parti socialiste (PS) tenue ce jeudi 9 mai 2024, les sages du parti ont réfléchi à "l'avenir du Parti socialiste, face à l'évolution démographique et à son long retrait de la scène politique, en particulier du leadership de l'État et de la nation". Dans leur résolution finale, les sages ont salué "l'heureuse rencontre, à l'initiative de M. Khalifa Ababacar Sall, accompagné de MM. Barthélemy Dias et Jean-Baptiste Diouf, avec Mme Aminata Mbengue Ndiaye, secrétaire générale du Parti socialiste".
Dans la même dynamique, les sages souhaitent réunir la grande famille politique de Léopold Sédar Senghor. Bien que les contours de ces retrouvailles au sein de la grande famille restent flous, de nombreux observateurs politiques ont appelé à cette réunion pour perpétuer l'héritage socialiste au sein de la classe politique sénégalaise.
Malgré son revers net lors de la dernière présidentielle, avec seulement 1,56 % des voix, Khalifa Sall et son parti Taxawu restent bien implantés dans le département de Dakar et à Saint-Louis. Ainsi, l'ancien maire de la capitale peut toujours compter sur son réseau de maires dans la capitale (Grand-Yoff, Yoff, Mermoz Sacré-Cœur, Point E) et sur le soutien de Barthélémy Dias, maire de Dakar, pour tenter de rebondir politiquement.
Tandis que l'implosion probable de Benno laisse peu d'opportunités au Parti socialiste, qui, au cours des 12 dernières années sous Macky Sall, a vu son potentiel électoral s'effriter au profit de l'APR, plus dominant électoralement. Le PS, qui risque de devenir le moteur de Benno, a été relégué au rang de supplétif de la machine APR au fil des élections au cours de la dernière décennie.
Néanmoins, le PS conserve une bonne structure (sections, fédérations), qui assure un bon maillage territorial et quelques bastions sur la Petite Côte et à Yenne. Selon Mamoudou Wane, responsable socialiste des Parcelles Assainies, l'histoire du PS est faite de scissions et de retrouvailles, et il est dans l'intérêt de tous de tendre vers une réconciliation après les violents incidents survenus à la maison du parti en 2016, ayant entraîné l'exclusion de Khalifa Sall.
"Je pense que cette démarche de réconciliation devrait même inclure d'anciens camarades comme Sitou Touré, Abdoulaye Makhtar Diop, pour réunir la grande famille socialiste", déclare le secrétaire national à la vie politique du parti.
Ainsi, ces retrouvailles devraient insuffler un nouvel élan à la maison de Keur Léopold, qui a beaucoup souffert de la scission avec certains cadres tels que Khalifa Sall (2017) et Aïssata Tall Sall (2018). Les ambitions présidentielles de Khalifa Sall ont jeté de l'huile sur le feu et ont déclenché une forte hostilité entre les partisans de la coalition au pouvoir, autour de Tanor Dieng, et les jeunes socialistes ambitieux, autour de Khalifa Sall.
Quant à la forme future de cette nouvelle entité qui devrait sceller l'alliance entre le PS et Taxawu, Mamoudou Wane précise que cette décision ne peut être prise qu'après des discussions approfondies. "Certains parlent d'une union au sein d'un grand parti senghorien, tandis que d'autres évoquent la réintégration au sein du parti d'origine. Je pense que toutes les options sont sur la table, et maintenant que nous sommes tous dans l'opposition, cela devrait faciliter les choses. Nous prévoyons bientôt un séminaire d'évaluation de l'élection présidentielle, et je pense que toutes ces questions seront abordées", affirme-t-il.
Scission au sein de Taxawu Sénégal entre partisans et opposants au rapprochement avec le PS
Du côté de Taxawu Sénégal, la prudence est de mise sur cette question. D'autant plus que le journal "Les Echos" évoque des dissensions entre partisans et opposants au rapprochement avec le PS. Certains partisans du statu quo estiment que l'ancien maire de Dakar peut réussir sans l'appui du PS, tandis que d'autres pensent que la machine du PS pourrait servir les desseins politiques de Taxawu, rapporte toujours le journal.
Dans le même ordre d'idées, d'autres sources estiment que d'éventuels blocages pourraient venir de personnes n'ayant jamais été au PS et ayant rejoint le projet de Khalifa Sall après son départ du PS, tandis que de nombreux militants de Taxawu Sénégal, qui ont leur loyauté envers le PS, pourraient souhaiter un retour à la maison mère.
Pour Abba Mbaye, porte-parole du Parti Taxawu, aucune déclaration officielle du parti n'a été faite sur cette question. "Nous sommes engagés dans un processus d'évaluation de la présidentielle. Après ce processus, le Président Khalifa Sall pourra s'exprimer sur cette question (retrouvailles avec le PS). Mais pour l'heure, le parti ne peut pas communiquer sur cette question", déclare le député de Saint-Louis.
L'arrivée au pouvoir du duo Diomaye-Sonko a complètement reconfiguré la classe politique sénégalaise, en plus de la perspective d'aller rapidement vers des élections législatives, après le mois de septembre. Dans cette optique, une nouvelle alliance entre le PS et Taxawu Senegal pourrait constituer une bouée de sauvetage pour le mouvement socialiste, qui aura fort à faire pour résister à la déferlante Pastef, lors de ce scrutin. Il s'agit également d'un moyen pour Khalifa Sall de s'imposer un peu plus comme l'une des figures majeures de l'opposition au duo Sonko-Diomaye et d'acquérir ainsi un second souffle politique.
MAMADOU MAKHFOUSE NGOM