Régime sous tension
Le président de la République, Bassirou Diomaye Faye, a présidé le mardi 10 septembre 2024 la réunion hebdomadaire du Conseil des ministres marquée par des annonces importantes. Alors que le pays est endeuillé par deux tragédies - le naufrage d'une pirogue à Mbour et un accident mortel à Bambey - le président a rendu hommage aux victimes et a présenté les condoléances de la nation. Toutefois, l'absence de déplacement officiel sur les lieux des drames suscite des critiques, tandis que les enjeux religieux et politiques continuent de peser lourdement sur l'agenda gouvernemental.
Le Conseil des ministres du mardi 10 septembre 2024, présidé par le chef de l’État, Bassirou Diomaye Faye, a été marqué par des annonces importantes dans un contexte de deuil national. Le président s'est incliné devant la mémoire des victimes du naufrage tragique survenu au large de Mbour, qui a fait 89 morts, selon des sources non officielles ainsi que celles de l'accident de la route à Ndangalma, dans le département de Bambey, ayant causé 16 morts et 52 blessés.
Ce drame maritime et cet accident routier, qui continuent de bouleverser le pays, ont retenu l'attention de la population et des médias, alors que le président de la République a exprimé sa solidarité avec les familles touchées.
Toutefois, les réactions dans les médias et parmi la population révèlent un sentiment de frustration face à l'absence de visites de terrain par le président ou le Premier ministre.
Le drame de Mbour et l'indignation populaire
Le naufrage d’une pirogue au large de Mbour est un énième épisode tragique de la migration clandestine au Sénégal. Le nombre de victimes, en constante évolution, a atteint au moins 89 décès confirmés, tandis que des opérations de recherche sont toujours en cours. Cette tragédie a ravivé les débats sur les conditions socioéconomiques qui poussent des jeunes Sénégalais à tenter de rejoindre l’Europe à bord d'embarcations précaires, au péril de leur vie. Le silence relatif des autorités, en dehors des condoléances exprimées par le chef de l'État, a été critiqué par de nombreux observateurs.
Les médias sénégalais ont réagi vivement, organisant des émissions spéciales et diffusant en continu des images et témoignages bouleversants. Ces dernières 72 heures ont été marquées par une couverture médiatique intense, tant sur les chaînes de télévision que sur les stations de radio qui ont insisté sur l'urgence de mesures concrètes pour prévenir de telles catastrophes.
Des voix se sont élevées pour appeler le président Bassirou Diomaye Faye ou son Premier ministre Ousmane Sonko à se rendre sur place pour montrer leur solidarité. Si, pour l’accident de la route à Bambey, le bilan est désormais fixé, celui du naufrage reste incertain, attisant encore plus les frustrations.
Le respect des cultes et la tension religieuse
Parallèlement à ces tragédies, le Conseil des ministres a abordé la question du respect des cultes, notamment à l'approche de la célébration du Maouloud, l'anniversaire de la naissance du Prophète Mohammed (PSL). Le chef de l’État a réitéré l'engagement du gouvernement à assurer la sécurité et la bonne organisation des événements religieux à travers le pays. Il a également rappelé le rôle central des chefs religieux dans la consolidation de l'unité nationale et le rayonnement international du Sénégal, soulignant l'importance de perpétuer leur mémoire.
Cette déclaration fait écho aux tensions récentes entre Cheikh Oumar Diagne, directeur des Moyens généraux de la présidence, et certaines communautés religieuses, notamment à Touba. Ses propos jugés maladroits à l'encontre des chefs religieux et du grand Magal ont déclenché un tollé au sein de la communauté mouride. Le chef de l'État, dans sa déclaration, semble vouloir désamorcer cette crise en relevant l’importance du respect des valeurs religieuses sénégalaises, un pilier fondamental de la paix sociale dans le pays.
Dans ce climat de tension, le Premier ministre Ousmane Sonko s’est rendu lundi dernier à Touba, la capitale spirituelle de la confrérie mouride, pour une visite surprise auprès du khalife général Serigne Mountakha Mbacké. Cette rencontre s’inscrit dans un contexte politique et religieux tendu, marqué par les polémiques autour des déclarations de Cheikh Oumar Diagne, mais aussi par des discussions sur la dissolution de l’Assemblée nationale, un dossier particulièrement sensible, révèle la presse sénégalaise.
Selon le journal ‘’L’Observateur’’, cette visite de Sonko chez le guide religieux pourrait signaler une tentative d’apaisement entre le gouvernement et les autorités mourides, en vue de désamorcer l’affaire Diagne. Les chefs religieux ont une influence considérable au Sénégal et toute déclaration les visant peut rapidement dégénérer en crise nationale. Le Premier ministre semble avoir pris la mesure de l’importance de maintenir des relations harmonieuses avec ces figures spirituelles, surtout à l’approche des grandes fêtes religieuses.
Le Maouloud et la continuité des institutions
Le Maouloud, célébré avec ferveur par la communauté musulmane, est un événement d’une importance capitale pour le Sénégal. Il est prévu dans la nuit du dimanche 15 au lundi 16 septembre.
À cet effet, le chef de l’État a insisté, lors du Conseil des ministres, sur la nécessité de prendre toutes les dispositions sécuritaires, sanitaires et logistiques pour assurer le bon déroulement des festivités. Il a également annoncé son intention de visiter plusieurs cités religieuses, notamment Kaolack, Tivaouane et Ndiassane pour des rencontres avec les khalifes et chefs religieux locaux. Ces visites, en plus de renforcer les liens entre l'État et les foyers religieux, visent à perpétuer la tradition de respect et d'honneur accordée aux guides spirituels du pays.
En parallèle, le président Faye a abordé des sujets institutionnels en rappelant l’importance du respect des prérogatives constitutionnelles entre le pouvoir Exécutif et le Législatif, conformément à l’article 55 de la Constitution. Dans un contexte politique où des discussions sur une possible dissolution de l’Assemblée nationale sont en cours, cette déclaration réaffirme l’engagement du chef de l'État à assurer la continuité de l’État et le bon fonctionnement des institutions, quel que soit le climat politique.
L'affaire de la dissolution de l'Assemblée nationale, enclenchée par le président Bassirou Diomaye Faye avec la saisine du président Amadou Mame Diop pour "avis", reste une question majeure dans l'actualité politique du pays. Dans cette optique, le président a appelé le gouvernement à redoubler d'efforts pour répondre aux urgences sociales, notamment en matière d’emploi des jeunes et de gestion des ressources naturelles. La stabilité politique et institutionnelle est plus que jamais primordiale pour la mise en œuvre de ces politiques publiques, dans un contexte où les attentes sociales sont pressantes.
Amadou Camara Gueye