Barthélemy Dias tire sur le Cnoss
Ce mardi, Barthélemy Dias a un peu surpris son monde. L'ancien député, qui a tenu une conférence de presse, a peu parlé de politique, consacrant ainsi l'essentiel de son temps de parole à l'organisation des prochains Jeux olympiques de la jeunesse Dakar-2026, sur laquelle pèse apparemment une menace à coups de milliards. Monsieur Dias, pour faire court, exhorte le Comité national olympique et sportif sénégalais (Cnoss) à la transparence sur les 80 milliards F CFA alloués par le CIO aux JOJ. L'ancien édile de Mermoz Sacré-Cœur n'aime pas aussi l'idée qu'aucun “héritage olympique” ne demeurera, une fois les jeux clôturés.
Les Jeux olympiques, fussent-ils de la jeunesse, revêtent toujours une saveur particulière, surtout pour la ville hôte. Mais pour Dakar, tout simplement la première ville africaine à devoir abriter des olympiades, ce n'est pas encore gagné. En tout cas, de l'avis de l’ancien maire de la capitale, Barthélemy Dias, cette nébuleuse autour des 80 milliards de francs CFA alloués par le CIO à l'organisation de l'événement rend l'atmosphère un peu délétère, à quelques encablures du Jour J.
“Si d'aucuns prévoient d'utiliser sur cette somme importante 20 milliards F CFA pour seulement la restauration et les billets d'avion, là il y a problème. En tant que maire de la ville hôte, je ne pouvais rester sans rien faire. Je commencerai à parler, parce qu'il faut que les Sénégalais ouvrent leurs yeux, ouvrent leurs oreilles et commencent à écouter", précise M. Dias.
Le fils de Jean Paul Días constate que l'argent du CIO ne sert pas pour l'instant à l'organisation de l'événement à Dakar. "Est-ce qu’avec 80 milliards F CFA, c'est trop demander qu'on aménage la corniche des HLM ? On leur a donné un dossier déjà étudié, chiffré et qui serait à peu près de 4,5 milliards. Est-ce qu'ils pensent que c'est trop demander d'aménager le parcours sportif, sur le boulevard de la Gueule-Tapée?”, s'interroge successivement l'ancien député-maire. Ce dernier craint que si aucune nouvelle infrastructure ne sort de terre pour les JOJ, on ne puisse pas parler d'héritage olympique. “Rénover la piscine olympique ou le stade Iba Mar Diop, ce n'est pas ce que j'appelle un héritage d'après-jeux. Ces deux infrastructures de notre capitale sont déjà des acquis et font partie du paysage de Dakar depuis un certain temps maintenant. À l'image de Paris-2024 ou de Tokyo-2020, quatre ans avant ou encore de Los Angeles-2028, dans un peu plus de trois ans, les souvenirs olympiques sont toujours essentiels pour les villes hôtes".
Si nous en sommes là aujourd'hui, selon Barthélemy Dias, c'est parce que le Cnoss n’a pas voulu jouer le jeu. Et le “comble” dans cette histoire, souligne-t-il, l'entité dirigée par Mamadou Diagna Ndiaye “n’est pas signataire du contrat d’hôte de l’organisation des Jeux olympiques de la jeunesse Dakar-2026. Dans ce contrat d’hôte, il n’y a que trois signataires : la mairie de Dakar, l'État du Sénégal et le Comité international olympique (CIO) qui se trouve en Suisse”.
Selon Dias Fils, “c'est la mairie de Dakar qui a candidaté pour que la capitale sénégalaise puisse accueillir les Jeux olympiques de la jeunesse Dakar-2026 et non le Comité national olympique sportif sénégalais ni l'État du Sénégal".
Et si le Cnoss ne rectifie pas le tir rapidement, le maire révoqué menace de porter le combat au niveau international. “J’irai à l’étranger pour communiquer. Je communiquerai à l’étranger en anglais, en français. Il faut que le monde comprenne définitivement que la médiocrité ne peut pas être nègre et l’excellence être ébène. Pourquoi en Occident, l'organisation d'événements d'envergure se déroule sans couac et quand il s'agit des pays africains, généralement, il y a toujours un groupuscule qui hypothèque les efforts des uns et des autres au nom d'intérêts crypto-personnels ?”.
Condamnation des gardes de SSK
Par ailleurs, interpellé sur la récente condamnation d’une bonne partie des agents de la sécurité de Sàmm Sa Kàddu, Barthélemy Dias s'en est directement pris à la justice. “Je ne commenterai pas une certaine justice qui, elle, a opté pour être apprivoisée, domestiquée parce que quand vous êtes aux ordres, vous exécutez quel que sont les ordres. Car, je le répète, il n'y a eu aucune violence qui peut justifier des peines aussi lourdes”.
Sur ce “procès judiciaire”, le socialiste d'obédience a aussi interpellé les magistrats. “Je souhaiterais seulement dire à l'endroit de l'Union des magistrats du Sénégal qu'il ne faudrait pas demain qu'on vienne nous dire que vous êtes un corps constitué, que vous avez une immunité, que vous êtes protégés, etc. Vous êtes des Sénégalais comme nous tous. Et au besoin, vous avez des comptes à rendre comme tout le monde. On ne peut pas accepter que depuis que le Sénégal existe, que l’on continue de souffrir plus ou moins de la même maladie, à savoir sa justice", a regretté M. Dias.
Il donne un exemple assez récent pour aider dame justice à ne plus commettre les erreurs du passé. “Une justice qui refuse de dire le droit au nom du peuple sénégalais, une justice qui refuse de s'assumer. Pour la dernière alternance, il y a eu plus de 80 morts, en partie à cause de cette justice qui a été à l'origine de quasiment toutes les situations qui ont conduit à certaines émeutes assez particulières, pour ne pas dire meurtrières. Une justice qui refuse de dire le droit".
Toutefois, Barthélemy Dias est persuadé que la justice n'a fait qu'exécuter la commande du chef du gouvernement. Il l'exprime ainsi : ‘’Une partie d’échecs où 83 personnes se retrouvent en prison et l’une d’entre elles a perdu la vie. Je voudrais dire que cela est lié à une volonté manifeste du chef du gouvernement qui, en pleine campagne, a décidé que je ne participerais pas à la campagne, sous prétexte qu’il était en colère et soi-disant qu’il était en colère. Peut-être qu’il m’a oublié, mais il sait très bien qu’il y a des choses qui ne m'ébranlent pas”, a soutenu l'opposant.
Il renchérit sur un ton un peu plus menaçant. “Que le Premier ministre soit fâché ou énervé, ce n'est pas mon souci, parce que j’ai vu pire que ça, j’ai traversé pire que cela et je lui promets qu’il me verra bientôt, il m’entendra bientôt. Qu’il sache qu’il ne m’impressionne pas, non plus.”
“Je reste le maire de cette capitale…’’ Même si c'était loin d'être la thématique centrale de son face-à-face avec les journalistes, Barthélemy Dias n'a pas omis d'évoquer ses déboires judiciaires de ces dernières semaines. Ce que l'on peut retenir, c'est que Barth ne lâche pas le morceau, qualifiant encore une fois sa révocation d’“injustice”. Dias fils, avec toujours ce même verbe dont il a le secret, argue : “Je reste le maire de cette capitale, parce que je n’ai toujours pas vu mon remplaçant. Ce qui prévaut depuis presque un mois à la mairie de Dakar est un braquage. Quand on accapare une institution, l’encercle par les forces de l’ordre et qu’on dise que l’élu n’a pas le droit d’entrer dans cette institution, c’est un vol. Mais nous nous dresserons contre cette injustice, car l’auteur principal fera face à son véritable adversaire”, martèle le maire de Dakar. Indemnisation = détournement Sur une autre rubrique plus ou moins secondaire, qui concerne les fonds dégagés pour indemniser les “victimes des manifestations de 2021 à 2023”, Barthélemy Dias estime qu'on est tout simplement en face d’un “détournement de deniers publics". L’ancien maire de Dakar d'affirmer que ceux qui ont subi de vrais dommages durant cette période, comme “Auchan, Total, Eiffage, etc.”, sont laissés en rade. Mais il est persuadé que les dépositaires de cet acte de “détournement”, comme il le qualifie, seront punis tôt ou tard. "Je dis que ceux qui l'ont fait répondront de leurs actes. Ce n'est plus loin ! Faites ce que bon vous semble. Si vous pensez que vous avez été élus pour arracher des postes de député ou de mairie, vous vous trompez lourdement", a-t-il lancé à l'endroit de ses anciens alliés. |
Mamadou Diop