Les vives inquiétudes des acteurs de l’élevage

Dans une interview accordée à ‘’EnQuête’’, Ismaïla Sow, président du Conseil national de la Maison des éleveurs du Sénégal, au nom de ses pairs, exprime de vives inquiétudes quant à l’organisation et au soutien attendu de l’État, dans les opérations de vente des moutons. Il alerte sur les difficultés majeures auxquelles ils font face et les promesses encore non tenues de l’Etat.
La Tabaski est chaque année un moment crucial pour les éleveurs, dont une grande partie du revenu annuel dépend des ventes de moutons à cette occasion. Cependant, à quelques semaines de l’échéance, Ismaïla Sow s’est montré préoccupé : ‘’On ne peut pas élever pendant une année entière, faire face à tous les coûts que cela implique, pour ensuite se retrouver, à la veille de la fête, confronté à une mévente. Ce n’est pas tenable.’’
Cette inquiétude est d’autant plus justifiée que le marché sénégalais accueille non seulement les troupeaux locaux, mais également ceux provenant de pays voisins, notamment du Mali et de la Mauritanie. Cette situation accroît la concurrence et fait craindre un déséquilibre entre l’offre et la demande, susceptible de tirer les prix vers le bas, au détriment des producteurs nationaux.
Ismaïla Sow a rappelé que l’État avait annoncé la suppression de certaines taxes, afin de soulager les charges des éleveurs. Cependant, il déplore un manque de clarté sur les mesures concrètes mises en œuvre : ‘’On nous parle d’allègements fiscaux, mais sans jamais préciser de quelles taxes il s’agit exactement. Les éleveurs ont besoin de certitudes, pas de promesses vagues.’’
Le président du conseil a également évoqué la promesse de l’État de fournir des aliments de bétail pour soutenir les troupeaux installés sur les différents points de vente. Mais selon lui, là encore, la réalité sur le terrain ne suit pas : ‘’La cherté de l’aliment de bétail est un obstacle majeur. Les coûts explosent et rendent les marges quasiment nulles pour les éleveurs.’’
Un appel pressant à l’accompagnement logistique et sécuritaire
Au-delà des aspects économiques, les conditions logistiques posent elles aussi problème. Le transport du bétail reste difficile et coûteux, notamment pour les éleveurs venant de l’intérieur du pays.
Par ailleurs, les points de vente, souvent installés dans des zones urbaines sensibles, manquent cruellement d’infrastructures de base.
‘’L’eau et l’électricité sont des nécessités pour maintenir les animaux dans de bonnes conditions. Or, dans de nombreux lieux de vente, ces services sont inexistants ou très irréguliers’’, déplore Ismaïla Sow. Il ajoute également que la sécurité reste un défi majeur : des cas de vols sont régulièrement signalés, aussi bien du côté des vendeurs que des acheteurs, sans réponse appropriée des forces de l’ordre.
Enfin, le président du Conseil des éleveurs s’est exprimé sur le comportement d’achat des consommateurs, qui attendent souvent la toute dernière minute pour se procurer un mouton. Cette tendance complique davantage la gestion des ventes et amplifie le risque de mévente évoqué plus haut.
Face à ce tableau, Ismaïla Sow lance un appel solennel à l’État sénégalais à jouer son rôle de régulateur et de facilitateur. Des actions concrètes sont attendues : distribution d’aliment subventionné, sécurisation des marchés, appui logistique et surtout communication claire sur les mesures annoncées.
‘’Le secteur de l’élevage est un pilier de notre économie. Il mérite un accompagnement structuré, durable et transparent. Ce n’est qu’à ce prix que nous pourrons garantir la pérennité de l’activité des éleveurs et répondre aux attentes des Sénégalais à l’occasion de la Tabaski’', termine-t-il.
Ndeye Diallo (Thiès)