Les populations locales s’opposent à la privatisation de leur forage

La tension est montée d’un cran à Médina Ndiathbé, dans le département de Podor. Les populations locales ont envahi massivement la devanture de la mairie pour protester contre la décision des autorités locales de confier la gestion de leur forage à la Société d’Exploitation des Eaux Rurales (SDER). Les manifestants dénoncent ce qu’ils qualifient de confiscation d’un bien communautaire qu’ils gèrent depuis plusieurs années à travers un comité local de gestion.
Arborant des brassards rouges, les populations ont bravé la forte chaleur du Fouta pour exprimer leur colère devant les locaux de la mairie de Médina Ndiathbé. Brandissant des bidons vides, hommes, femmes et jeunes ont scandé des slogans très hostiles : « Non à la privatisation de notre eau » ; « L’eau, c’est la vie, pas un business » ; « La SDER, dégage de chez nous ».
Selon les contestataires, cette décision menace non seulement leur autonomie, mais aussi l’équilibre économique du terroir. « Nous avons toujours géré notre forage dans la transparence, sans dettes ni pannes majeures. Pourquoi vouloir changer ce qui fonctionne ? Il n'y a aucun problème. Aujourd'hui, nous sommes indépendants et nous pouvons nous-mêmes nous diriger. Par nos propres moyens, nous avons réalisé aussi l'installation de panneaux solaires d'une valeur de plus de 5 millions de francs CFA. Actuellement, nous fonctionnons presque au solaire ; nous avons oublié depuis longtemps les lourdes factures d’électricité. Et en même temps, nous avons d'autres projets à l'avenir, tels que renforcer les pompes et construire un nouveau château pour Médina Ndiathbé. Et nous avons les moyens aussi pour les faire », a déclaré Lassana Dramé, secrétaire général du comité de gestion du forage, sous les applaudissements des manifestants.
Très remontés contre la décision de privatiser leur forage, les contestataires affirment n’avoir été ni consultés ni informés officiellement avant la signature du contrat avec la SDER. « C’est une décision imposée d’en haut, sans concertation, mais nous ne l’accepterons jamais. Que veulent-ils de plus ? Le comité travaille bien et dans la transparence. Depuis 2005, il y a toujours eu une bonne gestion des comités qui se sont succédé. Donc que la SDER aille voir ailleurs ; ici nous n’en voulons pas », a râlé le vieux Mamadou Diallo, un ruban rouge bien noué autour de la tête.
Des arguments que la porte-parole des femmes partage parfaitement. Pour Hawa Ly, cette mesure risque d’entraîner une hausse des tarifs de l’eau, déjà difficilement accessible pour certaines familles modestes.
Face au silence des autorités locales, les habitants de Médina Ndiathbé envisagent de durcir le ton. Une nouvelle marche est prévue très prochainement si aucune solution de compromis n’est trouvée. D’ailleurs, les responsables du comité de gestion du forage ont saisi les autorités administratives du département pour demander la suspension de la décision. « Nous ne sommes pas contre l’État, mais nous refusons d’être dépossédés de notre eau », a martelé le vieux Mamadou Diallo.
IBRAHIMA BOCAR SENE (SAINT-LOUIS)







