La famille s'agrippe au meurtre et réclame une enquête
Pour la famille de Sadia Faty, déclaré mort par noyade en République démocratique du Congo, la hiérarchie militaire est dans le mensonge. Selon elle, ce gendarme qui laisse derrière lui une femme et deux enfants a été assassiné par son chef de troupe pour une affaire de diamant, une vérité que l'armée cherche à cacher.
La pilule est dure à avaler pour la famille Faty installée au quartier Moricounda de Sédhiou. Une ambiance mélancolique se mêle à une atmosphère de désespoir à l’idée d'avoir ainsi perdu un enfant loin du terroir, dans des circonstances non encore élucidées. C’est dans cette atmosphère lourde que le père du jeune soldat, la cinquantaine environ, s'est adressé à la presse. Assane Faty dit être prêt à accepter toutes les explications fournies par la hiérarchie militaire sauf celles figurant dans le rapport d’autopsie et relatives à la thèse de la noyade. «Je suis stupéfait à l’idée que le commandant qui a raccompagné le corps ait pu soutenir une thèse pareille car ce qui est grave dans cette affaire, c’est que le rapport de l’autopsie qui a été effectué au Rwanda n’écarte pas la thèse de la noyade mais révèle contradictoirement qu’il n'y a eu aucune goutte d’eau dans les poumons de mon enfant», dixit le papa Faty.
Le questionnement du père est renforcé «par le fait que les poumons du jeune gendarme ne contiennent aucune goutte d’eau», ce qui pour lui «ne saurait conforter la thèse de la noyade». Les larmes aux yeux, Assane Faty reproche à l’armée de s’obstiner à vouloir lier la mort de son fils à la thèse de la noyade en «parlant de rocher qu’aurait percuté Sadia Faty pendant qu’il se baignait dans le fleuve Kananga ou le corps à été retrouvé».
Carré dans sa conviction que Sadia Faty a été liquidé par sa hiérarchie à travers un règlement de comptes politiques, M. Faty dit ne pas comprendre les raisons pour lesquelles la hiérarchie militaire n'a pas voulu partager avec la famille les conclusions du rapport d’autopsie effectué au Rwanda et qui contient, selon lui, les vraies explications des éléments qui ont conduit à la mort du gendarme. «Ils ne m’ont pas laissé le temps de lire le rapport d’autopsie car le commandant Christian Sambou qui a accompagné le corps m'a dit qu’il voulait l’exploiter. J’en ai déduit que l’armée et la gendarmerie nationale ne veulent pas que nous connaissions les vrais raisons de la mort de notre enfant parce qu’ils savent que leur déclarations sont contraires au rapport d’autopsie produit par le légiste», soutient-il.
Des confidences de Sadia Faty accablent la hiérarchie militaire
«Il (Sadia) m'a appelé à plusieurs reprises pour me demander d’instruire son marabout de prier pour lui et de lui faire les offrandes nécessaires car il se trouvait dans de grosses difficultés», explique Ousmane Dabo, présenté comme le confident et ami du disparu. «C’est pour satisfaire ma curiosité qu’il m'a révélé qu’une affaire de diamant était au cœur d’un différend entre lui et sa hiérarchie car il avait dénoncé auprès de l’État-major des Nations unies un chef de patrouille qui avait saisi du diamant sur un civil congolais et qui refusait de le déclarer. Mais ce dernier a rusé en mettant le diamant dans le pantalon du jeune gendarme originaire de Sédhiou, la veille de la fouille», poursuit le confident.
«C’est après cette fouille que Sadia a été condamné pendant dix-neuf jours puis libéré après l’établissement de la vérité qui va conduire son chef en prison», raconte Ousmane Dabo. «Il m'a annoncé qu’une liberté provisoire a été accordée à celui-ci le dernier jeudi avant sa mort intervenue le samedi suivant.» Poursuivant, Dabo indique que son ami lui a plusieurs fois révélé avoir reçu des menaces de mort de trois de ses responsables parmi lesquels son chef de troupe avec qui il a eu le différend. «La veille de sa mort, rapporte Dabo, il m'a lancé un appel de détresse, craignant nettement pour sa vie. Et c’est le lendemain, samedi 8 octobre, qu’on m’a annoncé sa mort.»
La famille va porter plainte et saisir les Nations-unies
Les parents et proches de Sadia Faty ne comptent pas croiser les bras dans cette affaire, déterminés à connaitre la vérité sur la mort de leur enfant. Pour ce faire, le père a esquissé une stratégie qui va le conduire à différents niveaux pour se faire entendre. «Nous allons commencer par porter plainte, ensuite nous saisirons tous les organismes de défense des droits humains à savoir Amnesty international, la Raddho, la Ligue sénégalaise des droits humains, le Forum civil, pour tirer l’affaire au claire», annonce-t-il. En attendant, Assane Faty demande «la restitution immédiate des conclusions du rapport d’autopsie à la famille qui a besoin d'en connaitre le contenu». Le gendarme Sadia Faty laisse derrière lui une jeune femme et deux enfants âgés respectivement de trois et un ans.
LAMINE BA
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