Publié le 9 Feb 2021 - 09:28
« UN MONDE VACCINE » ET « UN MONDE NON VACCINE »

Macky Sall sonne l’alerte

 

L’organisation continentale a tenu, ce weekend, sa 34e session ordinaire pendant laquelle des discussions ont été menées sur une stratégie africaine de vaccination, mais également, sur l’urgence de répondre aux conflits internes.

 

Entre la pandémie de Covid-19 et les conflits armés, l’on ne savait pas vraiment où donner de la tête, à l’ouverture de la 34e session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement de l’Union Africaine (UA), tenue virtuellement, ce 6 février 2021. Mais l’urgence sanitaire a pris le pas pour permettre à l’ex organisation de l’unité africaine de s’engager à renforcer la réponse collective à la crise, mobiliser des ressources pour le bénéfice de tous et veiller à ce qu'aucun pays ne soit laissé derrière. Ces promesses concerneront en priorité le déploiement d’un programme de vaccination.

Un des premiers présidents africains à plaider pour l’accessibilité à tous d’un vaccin, le président Macky Sall est resté sur la même logique, en participant à ces rencontres virtuelles. Le chef de l’Etat sénégalais a prévenu sur un retard que pourrait connaître les pays africains, au moment où une deuxième vague de contaminations à la Covid-19 frappe les pays du continent. Selon lui, « devant une maladie sans traitement, l’accès au vaccin est un enjeu fondamental. En quelques mois, si l'on n’y prend garde, il risque d’y avoir une nette fracture entre un monde vacciné et un monde non vacciné. Avec toutes les conséquences économiques, sociales qui pourraient en découler ».

Cette position se fonde sur des constats frappants. Beaucoup de pays développés ont déjà réservé plus de doses de vaccins, au niveau des laboratoires, que le nombre de leurs habitants. C’est pourquoi, « en plus de nos efforts nationaux d’achat de vaccin, nous devons poursuivre le plaidoyer pour l’accès de tous au vaccin à des prix raisonnables, selon des procédures diligentées, sûres et éthiques », explique un Macky Sall qui devrait occuper le siège de la présidence tournante de l’UA pour la période 2022-2023.

L’Afrique reste, pour l’instant, relativement épargnée, avec 3,5% des cas et 4% des morts officiellement recensés dans le monde, selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies de l’UA (Africa CDC). Mais à l’image du président Sénégalais, beaucoup de dirigeants africains se montrent de plus en plus agacés face à la course effrénée aux vaccins, dans laquelle ils partent avec un lourd handicap. A raison de deux doses par personne, l’Afrique aura besoin d’1,5 milliard de doses pour vacciner 60 % de ses, environ, 1,3 milliard d’habitants. Le président sortant de l’UA, Cyril Ramaphosa, a souligné, dans son discours d’ouverture, toutes les souffrances et difficultés provoquées par la maladie en Afrique.

Le FMI appelé à débloquer de nouvelles ressources

Au-delà des aspects sanitaires, les conséquences économiques et sociales de la pandémie ont amené le chef de l’Etat sud-africain à appeler le Fonds monétaire international (FMI) à débloquer de nouvelles ressources « pour corriger l’inégalité flagrante des mesures de relance fiscale entre les économies avancées et le reste du monde ».

Son remplaçant, élu samedi pour la période 2021-2022, a préféré saluer l'ingéniosité et la résilience des pays africains dans la lutte contre la pandémie. S.E. Félix Tshisekedi a déclaré : « Organisons-nous ensemble, avec nos partenaires internationaux, pour une grande offensive contre ces différents fléaux. Il est impératif que notre organisation puisse renforcer le Centre africain de contrôle et de prévention des maladies (CDC Afrique), afin de répondre efficacement aux urgences et aux défis sanitaires complexes, en tant qu'institution technique spécialisée de l'Union africaine ».

Le président de la République démocratique du Congo a ensuite souligné son plan d'action au cours de son mandat en tant que président de l'Union. «C'est dans cette perspective que, pour honorer la mémoire de tous les panafricanistes, j'entends ancrer le thème de ma présidence de l'Union africaine dans la vision suivante : "une Union africaine au service des peuples ". Cette vision spécifique, qui s'inscrit dans le « Premier Plan Décennal de Mise en Œuvre 2014-2023 » de l'Agenda 2063, sera structurée autour de neuf piliers stratégiques mieux détaillés dans mon plan d'action. Ma vision est de voir une Union africaine au service des peuples africains, je m'efforce, avec le soutien de chacun d'entre vous, de sortir notre Organisation des salles de conférence, des disques durs de nos ordinateurs et des fichiers bien conçus de nos secrétariats, dans les salles de classe, les camps de réfugiés, les marchés de nos villes et dans les champs de nos villages respectifs ».

Félix Tshisekedi a également exposé un programme ambitieux portant à la fois sur la lutte contre le changement climatique, les violences sexuelles, la promotion de la zone de libre-échange continentale africaine (Zlecaf), ou encore le méga-projet de barrage hydro-électrique Inga dans son pays.

Moussa Faki Mahamat reconduit à la tête de la Commission de l’Union Africaine

Cette réunion de l’Union africaine était l’occasion d’élire des représentants de l’organisation panafricaine. Toutefois, c’est l’ancien Premier ministre Tchadien, Moussa Faki Mahamat, seul candidat à sa succession, qui a été réélu à la tête de la Commission de l’UA. Il rempile ainsi pour quatre années et reste le leader du principal organe exécutif de l'organisation continentale. Ce malgré les tentatives de certains pays, l'Ouganda par exemple, de reporter l'élection en invoquant notamment l'intégrité du vote à cause des problèmes techniques qu'il y a eu.

Parité oblige, c'est la Rwandaise Monique Nsanzabaganwa, vice-gouverneur de la Banque nationale de son pays, qui va le seconder à la vice-présidence. Les ministres des Affaires étrangères vont se charger dans la foulée d'élire les autres membres de la Commission qui passent de huit à six commissaires, trois hommes et trois femmes, conformément là aussi à la nouvelle structure de cet organe.

Moussa Faki aussi dénonçait récemment, lors d’une interview, un « nationalisme vaccinal » et des « pays riches qui s’arrogent la priorité, certains pré-commandant même plus que ce dont ils ont besoin ». Mais d’autres sujets, bien avant la Covid-19, sont encore sur la table des dirigeants de l’Union. Et notamment pour le Nigérian Bankole Adeoye, élu à la tête d’un super département regroupant les Affaires politiques et le département Paix et sécurité. « Il devrait jouer un rôle crucial, aux côtés de Moussa Faki Mahamat, pour tenter de régler de nombreuses crises africaines que l’UA est accusée de négliger », analyse un suiveur assidu des crises africaines.

D’autres crises comme le conflit entre le gouvernement camerounais et les séparatistes anglophones, ou encore celui du Tigré qui secoue, depuis trois mois l’Éthiopie, où l’on retrouve le siège de l’UA, font partie des dossiers les plus sensibles. Sur cette dernière, le Premier ministre éthiopien et prix Nobel de la Paix 2019, Abiy Ahmed, avait refusé toute médiation de l’UA, dans une opération « de maintien de l’ordre » relevant de la souveraineté nationale.

Lamine Diouf

 

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