Publié le 2 Aug 2022 - 11:06
ÉDITO PAR MAHMOUDOU WANE

Leçons hivernales

 

La bataille des chiffres fait rage, entre la coalition au pouvoir et celle de l’opposition significative, dans plusieurs zones du pays. Mais la messe est dite.

Avec les chiffres à disposition, Benno Bokk Yaakaar n’obtiendra pas la majorité absolue. Elle va certes remporter 29 des 46 départements que compte le Sénégal, mais ces chiffres sont trompeurs, puisqu’ils n’assurent pas la majorité absolue à la coalition au pouvoir qui va devoir se contenter, dans le meilleur des cas, de 82 députés sur les 165 de l’Assemblée nationale, sauf si une coalition concurrente perd un élu en sa faveur.

Ainsi, vendre le bilan du président Macky Sall et les réalisations à venir, pour flamboyantes soient-elles, ne peut suffire à convaincre l’absolue majorité des votants. Par contre, le slogan référendaire utilisé à souhait par Yewwi et Wallu a fait mouche, surtout dans les grands centres urbains du pays. Ousmane Sonko n’a même pas eu besoin de présenter ses députés, illustres inconnus (mais fragiles) pour la plupart d’entre eux, de lustrer leurs curricula pour les vendre aux électeurs. Personne ne connaît ces députés dont certains vont sortir de l’anonymat total à la faveur de la fameuse ‘’bourde paritaire’’ de Yaw qui a invalidé la liste des titulaires. Les Locales en mode rebelote !

La stratégie, toute simple, a consisté à faire de ces élections un référendum sur le troisième mandat. Un coup qui a très bien marché, puisque la politique, malgré les apparences, a horreur du flou ; et le flou a magistralement été entretenu sur le sujet. Flou et tabou, personne, y compris la cheffe de file du camp présidentiel, Aminata Touré, n’a voulu – ou n’a osé – aborder le sujet. Ce silence sur cette volonté prêtée au président Macky Sall de rempiler une troisième fois à la tête de la magistrature suprême a été l’interstice par lequel se sont exprimées les frustrations de tous ceux qui ne veulent pas entendre parler du troisième mandat ; un message clair pour répondre au clair-obscur. Maitre Abdoulaye Wade, aujourd’hui ressuscité politiquement, en avait fait les frais en 2009, lors des Locales de cette année-là. Macky Sall en expérimente aujourd’hui l’amère saveur.

En vérité, aucune machine de guerre ne pouvait contrecarrer le raz-de-marée du 31 juillet dans un pays comme le Sénégal, lorsque les cartes sont aussi confuses sur la table. Ce qui s’est passé à la Médina l’illustre parfaitement. Le maire Bamba Fall avait engrangé 9 414 voix aux dernières élections locales, contre 8 356 pour Cheikh Ba de Benno. Les deux réunis n’ont pas été en mesure de faire basculer la Médina dans le giron du pouvoir. L’échec de la politique de débauchages constaté partout prouve bien que ce n’est pas là le chemin. En vérité, il n’y a jamais de chemin en politique. L’on expérimente en fonction de ce que notre cerveau nous souffle comme vérité, mais le problème est que ce petit engin de moins de 2 000 cm3, bourré de complexités et de pulsions, est très souvent mauvais conseiller. Et personne ne détient le monopole de la vérité. Chaque fois d’ailleurs que quelqu’un se sent assez  outillé pour se passer des autres, c’est le commencement de la chute. Le problème, justement, avec le président Macky Sall, c’est qu’il a  trop peu d’esprits libres à ses côtés pour lui dire tout gentiment, avec tout le respect qui lui est dû : ‘’Monsieur le Président, à mon avis, je pense très sincèrement que vous faites fausse route.’’

 Bonjour donc la fausse route !

Les carottes sont-elles pour autant cuites pour le pouvoir ? La réponse pourrait être négative. Le temps est certes court, car nous sommes à moins de 20 mois de la prochaine Présidentielle de février 2024. Et personne ne sait avec certitude comment les chiffres des Législatives vont être décryptés par les ‘’surdoués’’ du régime. Quelle direction sera prise ? Entre les tentations de manœuvre qui ne vont certainement pas manquer, en considération du vécu, pour domestiquer les ‘’nouveaux électrons’’ somme toute ‘’débauchables’’ et l’urgence de changer de cap, le mystère reste entier. Mais toute erreur de jugement sera fatale ; le temps de la correction n’existant plus.

Les marges sont donc réelles, surtout lorsqu’on sait que seulement 47 % des électeurs inscrits sur le fichier électoral ont réellement voté. Que pensent donc les 53 % restants ? Qui sont-ils ? Pourquoi ne se sont-ils pas déplacés ? Les élections locales et législatives sont connues, dans nos démocraties, modèle Marianne, pour mobiliser moins de monde que la Présidentielle. À titre d’illustration, les dernières Législatives françaises ont connu, les deux tours cumulés, un taux moyen d’abstention de 53 %, alors que le dernier référendum en Tunisie n’a enregistré que 27,54 % de participation.

En définitive, l’argument de l’hivernage ‘’précoce’’ ne saurait être opérant, puisque ce taux est faible, même dans les zones où le ciel est resté clément, comme à Dakar.

Qui comme Icare ou Kocc Barma affrontera la dure loi du soleil ?

 

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