Des héroïnes africaines racontées dans un livre
La place de la femme dans l’histoire du Sénégal a été, ce samedi, au centre des discussions au Musée de la femme Henriette Bathily sise à la place du Souvenir. Des sociologues et des professeurs d'université s'y étaient donné rendez-vous pour parler du livre "Femmes de l’ombre et grandes royales dans la mémoire du continent africain".
Un baobab est immense, mais la graine en est sa mère. Et derrière chaque grand homme, il y a une femme modeste qui en est la mère. Par cette image, les sociologues ont voulu montrer l’importance de la femme dans la société. De cette dernière, ils ont échangé ce samedi, à l'occasion de la cérémonie de présentation du livre "Femmes de l’ombre et grandes royales dans la mémoire du continent africain" au musée Henriette Bathily. Une façon, pour les participants, de résorber l’oubli de la contribution des femmes dans l’histoire africaine en général et celle du Sénégal en particulier.
Cet ouvrage (Présence africaine, 2004) écrit par la Française Jacqueline Sorel et Simone Gomis-Pierron, qui est d’origine sénégalaise, a été le prétexte pour échanger sur le sujet. Dans l’ouvrage, sont publiés les portraits d’une vingtaine de femmes du continent africain, "qui ont joué un rôle dans l’histoire générale de l’Afrique", allant de Lucy "la gracile des origines", à la princesse Yennenga, "l’amazone des Mossis" du Burkina Faso, en passant par Anne Pépin, "l’accueillante du chevalier de Boufflers" au Sénégal.
Ainsi, ces femmes, anciennes journalistes à Radio France internationale (Rfi), ont essayé de réécrire l'histoire, en donnant à la femme africaine la place qui a toujours été la sienne. Elles démontrent, exemples à l'appui, comment les femmes ont participé à la fabrique de l’histoire et comment elles ont occupé une grande place dans la société.
Selon la sociologue Fatou Sow, si parfois les femmes sont oubliées, c’est parce que le monde contemporain est ‘’patriarcal’’. Tout ce qui intéresse, c’est ce que font les hommes. De plus en plus, les femmes sont reléguées au second plan. ‘’On se rend compte que l’histoire est écrite de manière tout à fait masculine et la plupart des personnages sont des hommes. C'est ce qui ressort de l’histoire en général, aussi bien dans celle orale que dans celle écrite. Le plus souvent, on ne parle que des hommes'’, constate le professeur. Alors que, relève-t-elle pour s'en désoler, "personne n’a jamais expliqué aux Sénégalais que les femmes qui étaient au Rda (Ndlr : Rassemblement démocratique africain) et au moment de la loi cadre, se sont battues pour l’indépendance du Sénégal. Ces femmes, personne ne les connaît et, pourtant, elles étaient relativement contemporaines. Il était donc important de les sortir de l'ombre dans lequel les a installées l’histoire telle qu’elle est racontée officiellement''.
Pour Fatou Sow, le plus important, dans ce genre d’ouvrage, ‘’c’est de montrer comment ces femmes participent à la fabrique de l’histoire’’.
Toutefois, le professeur de lettres, Massamba Guèye, n’est pas du même avis que la sociologue. Selon lui, dans la littérature orale, la femme est bien présente. ‘’La réalité est que l'on ne retrouve pas dans l’histoire africaine des traces d’une quelconque pensée orale ou écrite qui nie la primauté de la femme sur la gestion de la société. "Notre société, dit-il, est une société qui a subi trois influences dont celles traditionnelle, occidentale et arabe. De ce fait, la place qu’on donne à la femme dépend des lieux où elle se trouve’’, a-t-il souligné. A son avis, ‘’la véritable question qu'il faut se poser aujourd’hui, c’est comment faire pour restituer la vérité de l’histoire que les femmes africaines comprennent, comme on le voit dans les 30 modèles proposés dans le livre, que ce sont des femmes qui ont été toujours à l’extérieur de la maison, qui ont aussi su gérer la maison. C'est cela la vérité des faits. Mais l'histoire est parfois travestie. La participation de la femme dans la construction de nos pays a été d'une grande importance’’, a-t-il expliqué.
HABIBATOU WAGNE