Une opposition difficilement réconciliable !
Jour après jour, l’intercoalition Yewwi-Wallu s’éloigne du soutien des députés d’Aar Sénégal et des Serviteurs. Tout en réaffirmant leur ancrage dans l’opposition, aussi bien Pape Djibril Fall que Thierno Alassane Sall se sont démarqués de l’alliance de l’opposition conduite par Ousmane Sonko. Sur la toile, la guerre est sans concession !
‘’Thierno Bocoum, est-ce que tamite doo bayi mu sedd, mingui niaaw de. Te soo continuer dafay gueneu niaaw’’. En français, cet internaute invite M. Bocoum à arrêter de répondre aux attaques (de partisans d’Ousmane Sonko sur sa page Facebook, NDLR), que s’il continue à rendre les coups, les choses risquent de s’envenimer. Telle est l’ambiance depuis les élections législatives du 31 juillet 2022 sur les différentes pages des leaders d’Aar Sénégal. Presque chaque sortie d’un des leaders de cette coalition pour parler des résultats est l’occasion, pour certains partisans d’Ousmane Sonko, de se déchainer et de ruminer toute leur colère contre cette opposition qu’ils ont toujours soupçonnée de jouer un double jeu. Ce qui en dit long sur les relations quasi irréconciliables entre ces deux coalitions de l’opposition.
Mais il ne faut pas compter sur le responsable d’Aar pour mettre un terme à la polémique. A ceux qui l’y invitent, voici la réponse de Thierno : ‘’Je ne comprends pas ceux qui me demandent de ne pas réagir à mes posts. Je ne construis pas des produits à consommer ; je développe des idées à discuter. Comment discuter sans interactions… ? Je ne comprends pas ceux qui viennent commenter en masse, faire le travail identique à celui des robots en disant la même chose sur un même sujet. Je n’ai jamais compris le but de leur coach. Et surtout, je n’ai pas compris que des lecteurs n’aient pas compris le jeu…’’
Il n’est point besoin d’être devin pour comprendre que les ‘’robots’’, ce sont les partisans de Sonko qui essaiment sur ses différents posts. Leur coach pourrait alors être leur mentor.
Ainsi, jour après jour, Aar Sénégal s’éloigne de Yewwi Askan Wi et, par ricochet, de l’intercoalition Yewwi-Wallu. Pour autant, ses leaders sont formels : il ne faut jamais s’attendre à ce qu’ils rejoignent le camp présidentiel. Dans un communiqué à la suite du scrutin, ils réaffirmaient leur position : ‘’La coalition Aar Sénégal, résolument ancrée dans l’opposition, jouera pleinement son rôle dans la volonté commune des leaders d’apporter de vrais changements de paradigme dans la manière de faire fonctionner l’Assemblée nationale et de représenter le peuple sénégalais. Elle réitère sa volonté de faire face à toutes velléités de troisième mandat.’’
La tête de liste de la coalition, Thierno Alassane Sall, s’est voulue encore plus tranchante lors d’une émission sur Sud FM. Il disait : ‘’Nous ne sommes pas des vendus. Pour l’instant, je fais partie de la coalition Aar Sénégal et on ne s'est pas encore prononcé. J’ai aussi mon propre avis. On est résolument du côté de l’opposition, moi en particulier. Quand j’ai quitté le président Sall, je l’ai fait pour des principes et jamais je ne vais retourner travailler avec lui. Il faut que les choses soient claires.’’
Voilà qui mérite d’être assez clair, sauf pour les partisans de Yewwi-Wallu qui estiment que ne pas être avec cette dernière, c’est ne pas être dans l’’opposition. Thierno Bocoum s’indigne : ‘’Le mensonge et la manipulation ont de beaux jours dans notre pays. Mentir sur des gens, le justifier à travers un autre mensonge et faire la promotion des deux mensonges, ça paie. Personne n’a le réflexe de demander des preuves. On trouve finalement au mensonge un côté séduisant. C’est l’arme fatale du ‘guerrier’.’’
A en croire le responsable de Pastef/Les patriotes Ababacar Sadikh Top, Aar a simplement joué et a perdu. ‘’… En définitive, réagit-il à une des nombreuses sorties de Bocoum, vous avez fait le choix de mettre une coalition, d’aller aux Législatives et les Sénégalais ont voté. Si la sortie d’un homme (Ousmane Sonko) qui a appelé à voter utile vous a fait perdre, alors apprenez pour une fois à respecter la dimension politique de ce leader. L’histoire retiendra cette 14e législature’’.
En fin politique, conscient que cette guerre intra-opposition ne risque de profiter qu’à la majorité présidentielle, le jeune leader a tenu néanmoins à tourner la page et à se pencher sur 2024. ‘’La force n’est pas toujours du bon côté, donc elle n’est pas vérité. L’histoire nous l’apprend, notre présent en donne une belle illustration avec un régime qui a échoué, mais qui continue à s’imposer par la force de l’électorat et des institutions. Restons véridiques. C’est d’abord pour nous-mêmes. Restons constants, c’est aussi pour nous-mêmes. Ensuite, préférons tirer les vertus avec nos frêles épaules que d’aider le mensonge à travers une vague déferlante envahir nos cités…’’.
Décidés à faire le vide dans l’opposition, à baliser le chemin à leur leader qu’ils tiennent vaille que vaille à présenter comme seule alternative possible pour 2024, les partisans de Pastef n’épargnent pas non plus l’autre non-inscrit. Quand ils ne l’accusent pas d’être un traitre, ils le traitent tout bonnement d’une sorte de 84e député de la majorité présidentielle. Pourtant, PDF a toujours réaffirmé son ancrage dans l’opposition, même s’il a tenu à marquer sa différence avec l’intercoalition. Il disait : ‘’Nous sommes dans l’opposition et nous allons travailler justement avec opposition. Mais ceux qui ont voté pour nous n’ont voté ni pour Yewwi Askan Wi ni pour Benno Bokk Yaakaar. Aujourd’hui, les Sénégalais ont montré une voie qui veut défendre l’intérêt général et les populations, en n’étant pas dans des jeux politiques ou d’appareils.’’
Ainsi, aux côtés des deux principaux blocs que sont Benno Bokk Yaakaar et Yewwi Askan Wi, il faudra compter sur le bloc des non-inscrits incarné par Thierno Alassane Sall d’Aar et Pape Djibril Fall des Serviteurs. Cette posture leur permet non seulement de prendre le lead d’une troisième voie, mais aussi de profiter des privilèges accordés par le règlement intérieur aux non-inscrits. Au-delà d’un temps de parole un peu plus conséquent, ils auront également le privilège de siéger à tour de rôle à la Conférence des présidents, qui est l’instance de décision par excellence de l’Assemblée nationale.
MOR AMAR