Hissein Habré comparaît forcé mais calme
Au deuxième jour de la reprise de son procès, Hissein Habré a encore comparu forcé. Toutefois, l’ex-Président tchadien est resté beaucoup plus calme que la veille.
Si le premier jour de la reprise du procès de Hissein Habré a été très mouvementé, hier c’était le calme plat. L’ex-Président tchadien, contraint une nouvelle fois de comparaître, n’a pas cherché à saboter la lecture de l’ordonnance de renvoi, cette fois-ci. Etant donné que la salle était vide à son arrivée à 8h 33 mn, Hissein Habré, porté par trois gardes pénitentiaires, n’a pas manifesté une grande résistance. Le visage masqué par un turban et des lunettes teintées, il est également resté calme durant les quatre tours d’horloge qu’a duré la suite de la lecture de l’ordonnance de renvoi. Or, lundi, il a tenté de troubler la lecture en lançant, par moments : ‘’Taisez-vous ! Mensonge !’’ A la fin de la lecture qui a coïncidé avec l’heure de la suspension, Hissein Habré, galvanisé par les applaudissements d’encouragement de ses partisans, a soulevé les bras en signe de victoire, en retournant dans le box. Avant de passer par la porte dérobée, il s’est retourné une nouvelle fois et lancé d’une voix à peine audible et confiante : ‘’Le complot échouera et nous vaincrons.’’
Suspendue en fin de matinée, l’audience reprend aujourd’hui à 9 heures, avec la lecture de la liste des témoins par les greffiers. Elle sera suivie par l’interrogatoire de Hissein Habré sur sa personnalité et son parcours professionnel et la lecture du rapport des experts sur l’enquête de personnalité.
La partie civile envisage de corser l’accusation
Mais déjà, les avocats des parties civiles annoncent la couleur. Me Georges-Henri Beauthier renseigne qu’ils ont des réserves par rapport à l’accusation qu’ils comptent corser. Selon l’avocat belge, l’ordonnance n’a pas pris en compte un certain nombre de faits. ‘’Nous n’allons pas nous limiter à l’ordonnance de renvoi qui n’a pas bien défini le rôle exact de Hissein Habré pour savoir s’il est exécutant, s’il a tué de ses propres mains, ou commanditaire ou les deux à la fois, car c’est d’une importance capitale pour la peine à la fin du procès’’, soutient-il, tout en lançant des piques aux avocats constitués par l’ex-président. ‘’Nous comptons exprimer nos réserves à la barre au lieu de plaider dans les couloirs’’, assène-t-il.
Me Mbaye Sène, l’un des avocats commis d’office par la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE) pour l’accusé, s’est également montré très furieux contre ses confrères constitués. Il a démenti les propos de Mes François Serres et Ibrahima Diawara, selon lesquels ils ont cautionné la comparution forcée de leur client. ‘’Le droit à l’information ne donne pas le droit de médire. Il faut rester honnête’’, martèle Me Sène. Qui a encore dénoncé l’accusation, car ‘’elle est à charge uniquement’’.
Les faits d’arme de Habré
Selon ladite accusation, la terreur a marqué le règne de Hissein Habré. Du 7 juin 1982 au 1er décembre 1990, l’ex-Chef d’Etat tchadien a procédé à des actes de répression marquée par des exécutions, tortures et arrestations massives et permanentes sur les groupes ethniques Hadjarai et zagawai et les opposants. ‘’Il suffisait d’appartenir à l’une de ces ethnies pour être arrêté’’, note l’accusation qui précise que ‘’tout type de motif était bon pour arrêter les opposants, comme le séjour dans un pays hostile au régime comme la Lybie’’. D’après les différentes dépositions des témoins et victimes entendus et les différentes archives, les personnes soupçonnées d’appartenir à ces entités étaient systématiquement arrêtées par la machine répressive de Habré appelée DDS (Direction de la Documentation et de la Sécurité).
Selon l’accusation, les personnes arrêtées étaient emprisonnées sans être jugées. Elles étaient incarcérées dans des lieux de détention différents de ceux des prisons et subissaient toutes sortes de tortures : introduction de piment dans leur sexe, viol, décharge électrique sur leur corps, enlèvement de leurs ongles... Il s’y ajoute que les conditions de détention étaient loin d’obéir aux normes. Confrontés à la torture physique, les détenus étaient privés d’aération et de nourriture saine et suffisante et partageaient leur cellule étroite avec des morts. Certains témoins ont confié que leur gobelet leur servait à la fois d’urinoir et de mangeoire. Les personnes interpellées étaient également dépouillées de leurs biens, car les fonctionnaires voyaient leur salaire bloqué et leurs maisons étaient réaffectées aux militaires. Si des témoins et victimes ont affirmé avoir subi des violences de la part de Hissein Habré, la plupart ont cité Mahamat Djibrine dit El Djonto, désigné comme le tortionnaire de la DDS.
FATOU SY