Publié le 15 Sep 2015 - 19:24
8éme JOUR DU PROCES DE HABRE

Mahamat Hassan Abakar exhume le rapport de l’horreur

 

Le Président de la ‘’commission nationale d’enquête sur les crimes et détournements reprochés à Hissein Habré’’ a été entendu hier. Mahamat Hassan Abakar a exhumé le rapport de 1991. Des faits et chiffres qui font froid au dos.

 

Après avoir eu connaissance du contenu des différents rapports d’Amnesty international, hier, la Chambre d’assises des Chambres africaines extraordinaires (CAE) a entendu le président de la ‘’Commission nationale d’enquête sur les crimes et détournements reprochés à Hissein Habré’’. Mahamat Hassan Abakar a présenté un rapport produit le 20 mai 1991 qui a été le résultat de 17 mois d’enquêtes menées par la commission composée de 2 magistrats, 4 Officiers de police judiciaire (OPJ), 2 administrateurs civils, 2 archivistes et 2 secrétaires.

Agé de 63 ans, M. Abakar a été le président de ladite commission créée par décret présidentiel, le 29 décembre 1990, à la chute du régime de Hissein Habré. Au départ, la commission avait un mandat de 6 mois. Mais, c’est au bout de 17 mois qu’elle a terminé son enquête. ‘’Les gens avaient peur, car c’était une première au Tchad. Surtout que, dans un premier temps, Hissein Habré, chassé du pays en 1980, était parti au Soudan en laissant un charnier et il était revenu au pouvoir, le 7 juin 1982’’, a expliqué M. Abakar d’une voix forte.

Ancien magistrat devenu avocat, il a laissé entendre que cette peur s’expliquait également par le fait que ‘’l’actuel Président était à un moment collaborateur de Habré. Donc, les gens pensaient qu’il voulait débusquer et éliminer les opposants, une bonne fois pour toutes’’. Cependant, cette peur et méfiance des victimes seront finalement vaincues par l’arrivée d’Hélène Djaffé. ‘’Elle nous a beaucoup aidés, surtout que les rescapés étaient des loques humaines. Beaucoup d’entre elles ne pouvaient pas marcher.

Certains avaient oublié la nourriture, au point que, lorsque leur famille leur ont donné à manger, ils sont décédés’’, a témoigné M. Abakar. Ainsi, mis en confiance, les gens se bousculaient pour témoigner. Au finish, plus de 1 700 auditions ont été effectuées. Il s’agit d’anciens détenus, de parents de victimes mortes ou exécutées, des agents de la DDS (Direction de la documentation et de la sécurité), de Hauts responsables du gouvernement de Habré dont le ministre de l’Intérieur. Côté bilan, la commission a dénombré 3 780 Tchadiens morts et 26 étrangers. Les détenus politiques morts et rescapés se chiffrent à 54 000.

«Sortir vivant de la DDS était une exception»

La suite des révélations du président de la Commission a glacé le sang, avec des révélations effroyables, surtout quand le témoin a évoqué la DDS. ‘’Les agents de la DDS étaient des petits dieux. Ils pouvaient vous tuer ou vous laisser vivre. Ils vous arrêtaient pour n’importe quel motif’’, renseigne le témoin, faisant référence aux archives de la DDS. ‘’Certains étaient accusés de tentative de voyage sans passeport. Certains pour avoir dit que le père de Habré est un sudiste. Certains ont été accusés d’avoir cherché des marabouts pour les opposants’’, entre autres motifs d’arrestation.

Arrêtées pour des motifs fallacieux, les personnes interpellées étaient détenues dans des conditions qui leur donnaient peu de chance de survie. En fait, selon M. Abakar, ‘’sortir vivant de la DDS était une exception, car lorsque la personne rentre, elle ne sortait plus. Seul Habré pouvait ordonner sa libération’’. Et là, c’était le début de la torture durant toute la détention. ‘’La torture était systématique, que vous reconnaissiez les faits ou pas’’, renseigne le témoin qui précise que la situation était pire lorsqu’il y avait des arrestations massives lors des répressions. ‘’Le siège de la DDS se transformait en une boucherie la nuit, car les agents rivalisaient dans la terreur et la barbarie, pour être mieux appréciés et gagner la confiance du directeur. Ils agissaient également pour leur compte. La nuit, c’étaient des cris et gémissements.’’

L’enfer de la Piscine

Cette situation décrite est celle de la prison dite la Piscine. Or, selon le rapport d’enquête, sous Habré, il y avait au total sept centres de détention. ‘’La plus effroyable reste la Piscine. C’était la Mess des officiers français. Elle a été couverte de dalle et transformée en cellules. Les gens y mouraient par nombre important’’, souligne M. Abakar. Selon son rapport, les morts dans les lieux de détention extra-judiciaires, cinq par jour en moyenne, étaient dues à ‘’l’épuisement physique, l’asphyxie, l’empoisonnement, ainsi que les exécutions sommaires’’. D’après le témoin, les détenus faisaient tous leurs besoins naturels dans leur cellule et ne mangeaient qu’une seule fois par jour, du riz ou du mil avarié. La ration journalière était de deux repas, mais selon Younouss Saleh, qui s’est confié à la commission d’enquête, Habré a ordonné la diminution.

Outre la torture, les prisonniers étaient soumis à des exécutions sommaires. Selon les témoins cités par le rapport d’enquête, ‘’toutes les nuits, une voiture passait et ramassait des détenus au niveau des centres de détention pour les conduire au nord du pays pour les exécuter’’. A ce propos, Bichara Djibrine, un ancien soldat du GUNT (Gouvernement nationale de transition), a confié dans le rapport, que 150 personnes ont été massacrées en une seule nuit. ‘’Pendant deux ans, ils n’avaient pas été enterrées. C’est par la suite que la DDS a demandé aux villageois de creuser deux grands trous pour y enterrer les ossements’’, renseigne M. Abakar dont le témoignage se poursuit aujourd’hui.

FATOU SY

 

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