Publié le 19 Apr 2022 - 18:08
AFRIQUE-FRANCE

Les incertitudes en cas de victoire de Marine Le Pen

 

Alors que les Français s’apprêtent à choisir leur Président pour les cinq prochaines années, dimanche prochain, ils sont des milliers de migrants africains à s’inquiéter pour leur avenir en France. Mais à en croire certains analystes, le Continent africain a plus à gagner qu’à perdre d’un éventuel changement de paradigme dans les relations entre les deux parties, en cas de victoire de l’extrême droite.

 

Quand Marine Le Pen parle des relations entre la France et l’Afrique, on a l’impression que tout se ramène à l’immigration. Et dans le seul sens des Africains qui rejoignent l’ancienne puissance coloniale, dans l’espoir d’une vie meilleure. En revanche, c’est presque l’omerta sur tous ces migrants français en Afrique, à la recherche d’un mieux-être ou de profits et des relations économiques très déséquilibrées en faveur de la France. Parmi les priorités de la candidate de l’extrême droite, figure la réduction de l’immigration, régulière comme irrégulière.

Concrètement, la cheffe du Rassemblement national promet, si elle est élue, de mettre fin au droit du sol (c’est à dire que pour être français, il faut naitre de parents français) et au regroupement familial (12 000 décisions favorables en 2020). Dans la même veine, elle envisage la limitation du droit d’asile, le durcissement de l’accès à la nationalité française par la naturalisation…. De plus, Marine Le Pen souhaite expulser de la France les chômeurs étrangers sans travail au bout d’un an, tout en mettant fin aux régularisations des étrangers présents sur le territoire français (environ 30 000 par an). Autant de mesures dont les principales cibles restent les migrants issus du continent africain.

Toujours dans sa politique anti-migratoire, Marine Le Pen veut décourager l’accès au logement social et à un emploi aux étrangers. Autre mesure qui risque de faire beaucoup de dégâts au niveau de certains émigrés africains, c’est l’interdiction de ce qu’elle appelle le ‘’voile musulman’’ aux accompagnatrices scolaires. Interpellé sur les éventuels impacts que pourrait avoir une arrivée de l’extrême droite au pouvoir, Régis Hounkpé déclare : ‘’L'arrivée de Marine Le Pen au pouvoir en France ouvrirait forcément des périodes de défiance et d’incertitudes dans les relations diplomatiques entre la France et les pays africains. Pour les diplomaties du continent, cette éventualité ne doit pas être totalement écartée...’’

Les menaces d’expulsion

Cela dit, ils sont nombreux les analystes à penser que la cheffe du RN, même si elle est élue par les Français, va se heurter à la dure réalité du pouvoir. Selon cet analyste, c’est en réalité le trésor français et les multinationales qui dirigent la France, quels que soient les élus. Dans tous les cas, estime Régis Hounkpé, ‘’c’est tant mieux’’ pour l’Afrique si la France opte pour une rupture du système jusque-là en place. ‘’L'Afrique n'a besoin ni de nounou, ni de Moïse ! Elle peut et doit se prendre en charge et cesser d'être la variable d'ajustement des programmes politiques en France…’’ 

Toutefois, ces derniers jours, la candidate a semblé un peu édulcoré son discours habituellement hostile, allant jusqu’à s’ériger en avocate de l’Afrique, pour une éventuelle réforme du Conseil de sécurité des Nations Unies. Mais à en croire Monsieur Hounkpé, cela ressemblerait plus à du saupoudrage. ‘’La candidate d'extrême-droite a évoqué son intention de faire réformer le Conseil de sécurité de l'ONU en l'élargissant à l'Inde, à un représentant d'Amérique du Sud et à l'Afrique. C'est une proposition qui peut faire plaisir, mais elle est très complexe à matérialiser. Elle le sera davantage si l'Union africaine et les présidents africains ne s'approprient pas cette requête légitime et la défendent à l'ONU.’’

Pendant ce temps, Macron, lui, n’a pas fait état de l’Afrique dans son programme pour son second quinquennat. Mais loin d’être un oubli ou un manque d’intérêt, ses soutiens se défendent sur le portail de RFI. A les en croire, cela signifie juste que le Président candidat opte pour la continuité du travail qu’il a déjà entamé. ‘’Changer le rapport de la France au continent africain, ce n’est pas quelque chose qui se fait en cinq ans, c’est vraiment quelque chose de plus longue durée… L’Afrique va continuer à être un axe tout à fait stratégique et prioritaire de la politique étrangère de la France’’, lit-ont dans le portail.

Ainsi, s’il est réélu, Emmanuel Macron compte s’inscrire dans la lignée de ces évolutions engagées depuis cinq ans. ‘’Pour ce faire, renchérit le journal, il devrait notamment mettre en œuvre certaines des propositions formulées en octobre dernier à Montpellier’’ par l’équipe d’Achille Mbembe. Il en est ainsi de la mise sur pied d’un fonds d’innovation pour la démocratie, la création en France d’une ‘’maison des mondes africains’’ et le déploiement d’un ‘’campus espace nomade’’ destiné à favoriser la mobilité des étudiants et des chercheurs…

Des relations économiques très en faveur de la France et de ses entreprises qui pourraient en pâtir

Sur le plan économiques, les relations entre la France et le continent, particulièrement les pays de l’Afrique de l’ouest sont particulièrement déséquilibrés en faveur du patronat français et de la France. Si l’on prend l’exemple du Sénégal, la France est le premier investisseur, avec plus de 88% du stock d’investissements directs étrangers et plus d’une centaine d’entreprises implantées dans le pays. ‘’Les échanges commerciaux entre la France et le Sénégal, selon les chiffres du ministère français des Affaires étrangères, sont estimés en 2020 à 876 M€. La France confirme ainsi sa place de premier fournisseur du Sénégal, avec une part de marché de 17,5% des importations.’’ Pendant ce temps, les importations françaises depuis le Sénégal sont évaluées à 75 M€. ‘’Les perspectives d’investissements, précise le portail, sont favorables pour les entreprises françaises. Elles jouent un rôle significatif dans la vitalité économique du pays, assurant un quart du PIB et des recettes fiscales.’’ Ces rapports sont symptomatiques des rapports entre la France et presque tous les autres pays de l’Afrique francophone.

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