Publié le 6 Nov 2012 - 20:15
ALIOUNE DIACK, PCR DE MBANE, N°2 DE BÉS DU ÑAKK

«Je suis pour que Bés Du Ñakk quitte BBY»

 

Au micro d'EnQuête, le Président du Conseil rural de Mbane par ailleurs numéro deux du parti ''Bess Du Niakk'' s'est prononcé sur la question du retard de son retour aux affaires mais aussi de la situation politique , sociale et économique du pays notamment la question des audits qui devraient selon lui être vidés par la Justice.

 

 

Vous tardez toujours à réoccuper votre fauteuil de président de conseil rural de Mbane. Qu’est-ce qui bloque ?

 

Nous pensions qu’une fois l’alternance de l’alternance réalisée, le dossier de Mbane allait connaître son épilogue. La promesse qui avait été faite par le candidat Macky Sall devenu président de la République n’a pas été tenue. Il avait promis de revenir sur le décret d’Abdoulaye Wade qui a découpé Mbane, pour nous remettre, nous conseillers ruraux, à notre place. Il y a une proposition qui nous a été faite par l’Etat par le biais de l’ancien ministre Cheikh Bamba Dièye, qui consistait à accepter les délégations spéciales qu’Abdoulaye Wade avait instaurées en nous prenant, nous présidents de conseils ruraux, pour occuper ces délégations spéciales.

 

Vous n’avez pas accepté ?

 

Nous n’avons pas accepté parce qu’il y a des conditions qui doivent être remplies. La première chose, c’est que nous considérons qu’il n’y pas plus de délégation spéciale juridiquement. Mbane a été mis sous délégation spéciale le 1er juin 2011 ; et 6 mois après, c’est-à-dire le 30 novembre, on n’a pas fait d’élection locale encore moins prorogé le mandat des délégations spéciales. La prorogation de délégation spéciale se fait par décret du président de la République. L’ancien président Abdoulaye Wade ne l’a pas fait. Jusqu’à ce jour, il n'y a pas de délégation spéciale à Mbane ni à Ndombo qui est érigé en commune. Sur le plan juridique, il faut qu’on nous dise comment on veut instaurer les délégations spéciales. La deuxième chose, c’est que nous sommes élus au suffrage universel pour 5 ans au même titre que le président de la République et les députés de l’Assemblée nationale. Nous avons une légitimité populaire. Donc nous ne comprenons pas comment l’Etat peut enfreindre la loi et nous demander de l’enfreindre en acceptant une délégation par arrêté du ministre de la Décentralisation et des Collectivités locales. Ce que Cheikh Bamba Dièye nous a proposé est illégal.

 

Donc, on peut considérer Mbane comme une zone de non droit ?

 

Absolument. La communauté rurale de Mbane et la commune de Ndombo sont des zones de non droit. Il n’y a pas de délégation spéciale. Il y a un blocage total. Les étudiants ressortissants de la communauté rurale de Mbane à qui notre conseiller rural avait octroyé un budget de 6 millions pour payer leur logement à Dakar n’ont pas reçu leur dotation. Depuis qu’on m’a enlevé, on n’a pas fait de passation de service.

 

Vous aviez refusé de remettre les clés des locaux et des voitures.

 

Non, je n’avais pas refusé de faire quoi que ce soit. Ni le préfet, ni le sous préfet ne m’ont saisi pour faire la passation de service. L’administration, c’est l’écrit. Comment puis-je remettre les clés à quelqu’un si je ne suis pas saisi ?

 

Avez-vous le sentiment d’être victime d’une injustice ?

 

Nous étions 19 PCR qui avaient été reçus par le président de la République et dont j’étais le porte-parole. Nous avons discuté avec le président qui nous a demandé de discuter avec le ministre Cheikh Bamba Dièye. La proposition que ce dernier nous a faite (remplacer les délégations spéciales : NDLR) est inacceptable. Il y’ a des PCR qui ont accepté de se plier, mais c’est illégal ! Ce que je trouve grave, c’est que les gens ont politisé cette affaire-là et en font un fonds de commerce. C’est l’ancien ministre de l’Intérieur (Mbaye Ndiaye) qui l’a même reconnu. Accepter que les PCR aillent rejoindre l’APR et leur accorder cette faveur-là, c’est indécent !

 

Avez vous été approché pour rejoindre l’autre camp?

 

Non, on ne m’a jamais demandé de rejoindre l’autre camp. Mais je sais qu’il y a des PCR qui ont rejoint l’autre camp.

 

Manifestement, vous ne vous retrouvez pas dans votre compagnonnage avec le président Macky Sall.

 

Je précise que je parle en mon nom propre. Bés Du Ñakk a une instance, le Directoire national, qui n’a pas encore pris une décision officielle. Ma lecture est qu’il n’y a même pas de compagnonnage. C’est la réalité.

 

Pourquoi ?

 

Nous faisons partie des membres fondateurs de Benno Bokk Yaakaar. Nous avons participé à la présidentielle et tout le monde a constaté l’engagement sans réserve de Serigne Mansour Sy Jamil aux côtés du candidat Macky Sall. Nous lui avons dit au départ que nous n’attendions rien du tout, mais nous tenions à ce que le prochain gouvernement travaille pour l’intérêt des Sénégalais en s’appuyant sur les conclusions des Assises nationales, de la plate-forme du M23 et du Yoonu Yokkute. Aux élections législatives, nous sommes allés avec notre propre liste et nous avons obtenu 4 députés. Nous sommes devenus la 3e force au plan national alors que nous n'avons été présents que sur 9 départements et dans 4 régions. Nous sommes revenus pour travailler avec le président Macky Sall qui, entre les deux tours, avait dit que ce ne sont pas ses 26% du premier tour de scrutin qui allaient l’élire. Il avait dit que nous allions gagner ensemble et gérer ensemble. Aujourd’hui, nous constatons que nous nous sommes battus ensemble mais nous ne gouvernons pas ensemble.

 

Vous vous sentez trahis alors ?

 

Je considère que Bés Du Ñakk fait l’objet d’ostracisme organisé au niveau de Benno Bokk Yaakaar. C’est mon opinion personnelle.

 

Pourquoi ?

 

Je ne sais pas ce qui trotte dans l’esprit des autres. En tout cas, les jalons qu’ils ont posés depuis 6 mois nous laissent penser qu’il y a volonté manifeste d’isoler Bés Du Ñakk.

 

Votre parti est pourtant servi à l’Assemblée nationale. Serigne Mansour Sy Jamil est membre du bureau.

 

Ce que nous avons à l’assemblée nationale, on ne nous l’a pas donné. Il faut que cela soit très clair ! Nous sommes la 2e force politique à Dakar. Nous avons battu le PDS, les ex-présidents de l’Assemblée nationale (Mamadou Seck) et du Sénat (Pape Diop), alors que nous n’avions même pas de candidat dans le département de Dakar. Nous sommes la 2e force dans la région de Thiès, à Mbour, 3e dans le département de Louga, de Dagana, 4e à Saint Louis. Ce, en dépit de nos maigres moyens. On ne peut ignorer de telles réalités ! Lorsqu’il fallait choisir des députés de la CEDEAO dans le groupe parlementaire de BBY, on a dit qu’il y avait une liste qui venait de la Présidence de la République qui avait déjà fait son choix. Est-ce qu’on peut nommer des députés et laisser en rade ceux de Bés Du Ñakk comme Hélène Tine, Cheikh Oumar Sy ? C’est inconcevable ! Je prends un autre exemple. Je ne comprends pas que lors du voyage du président de la République à l’OCI (Organisation de la conférence islamique) en Arabie Saoudite, Serigne Mansour Sy, qui connaît mieux que quiconque l’Arabie Saoudite pour y avoir passé 26 ans, soit laissé en rade. Alors qu’à chaque fois qu'Abdou Diouf et Abdoulaye Wade venaient là-bas, ils le contactaient.

 

Qu’avez-vous décidé de faire ?

 

La décision revient au directoire de Bés Du Ñakk. Mais tel que les choses se déroulent, je vais poser personnellement le débat au sein du parti et demander qu’on quitte Benno Bokk Yaakaar. Depuis que le président à été nommé, on n'a jamais convié Bés Du Ñakk a une quelconque rencontre. Pourtant les leaders se rencontrent et décident.

 

Que pensez-vous du remaniement ministériel ?

 

Le président de la République pouvait avoir un gouvernement de 20 ministres. Je ne comprends pas qu’un pays de 13 millions d’habitants puisse avoir 30 ministres. En plus, nous nous étions tous engagés à diminuer la taille de gouvernement dans le cadre des Assises nationales dont le président Macky est signataire.

 

Le président Macky Sall a dit vouloir prendre en compte des considérations géographiques, ethniques...

 

C’est un précédent grave. Le président de la République doit prendre des décisions sans ces considérations. Sans quoi, il risque d’être pris en otage. Demain, les catholiques, les mourides, les Tidianes, les Layènes, les Niassènes, la famille omarienne vont aussi exiger leur ministre et on ne va pas s’en sortir. L’essentiel est de choisir des gens qu’il faut à la place qu’il faut.

 

Beaucoup de Sénégalais ont le sentiment que les choses ne bougent pas. Ont-ils raison d’être impatients ?

 

Les Sénégalais ont été profondément déçus par le passé. Ce qu’ils ont vécu avec Abdou Diouf et Abdoulaye Wade était catastrophique. Ils n’ont plus de patience maintenant et n’accorderont pas d’Etat de grâce à Macky Sall. D’ailleurs, en 6 mois, les gens commencent à contester. Vous entrez dans les cars rapides, les taxis, les gens se plaignent. Je sais qu’on ne peut pas en 6 mois régler les problèmes des Sénégalais, mais il faut poser les jalons qui rassurent.

 

En quoi faisant ?

 

Si on ne règle pas la question des audits alors que les gens ont volé de l’argent, ce sera dur pour Macky Sall de continuer.

 

Avez-vous l’impression que les choses traînent ?

 

On me dit que le Justice est en train de faire son travail, je veux bien le croire. Personnellement, je crois que c’est trop lent. Je crois qu’il ne faut pas négocier avec ceux qui ont volé de l’argent, même s’ils coopèrent. Si leur culpabilité est établie, il n’y a pas de négociation possible. Il y a des résultats d’audit qui ont été mis sous le boisseau par Abdoulaye Wade, il ne faut pas refaire le même travail.

 

 

PAR DAOUDA GBAYA

 

 

 

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