L’Assemblée nationale invitée à jouer sa partition
Les députés de l’opposition parlementaire et ceux du groupe des non-alignés souhaitent voir l’hémicycle œuvrer pour la suspension des poursuites contre Ousmane Sonko, comme le permet le règlement intérieur de l’Assemblée nationale.
Loin de l’agitation médiatique autour de l’arrestation de leur collègue Ousmane Sonko, les députés de l’opposition et des non-alignés mènent également le combat du relèvement des charges qui pèsent sur le leader du Pastef/Les patriotes. Lundi, alors que l’opposant bénéficiait d’un contrôle judiciaire dans l’affaire de viols et de menaces de mort qui le vise, ses collègues ont remis au président de l’Assemblée nationale une proposition de résolution visant la suspension de l’ouverture de la procédure judiciaire contre Ousmane Sonko.
Une logique qu’explique Moustapha Guirassy, membre du groupe parlementaire Liberté et démocratie : ‘’Aujourd’hui, tous les Sénégalais souhaitent voir la paix revenir, la sérénité revenir. C’est le souhait des chefs religieux, de la société civile, de la population globalement. Heureusement que le Parlement, l’Assemblée nationale a, en son sein, les moyens légaux de ramener cette sérénité, en demandant la suspension de ces poursuites : articles 51 et 52.’’
L’interpellation d’Ousmane Sonko, mercredi dernier, a été le point de départ d’une série de manifestations qui a touché toutes les parties du pays. La tension liée à la violence des affrontements ayant fait 10 morts officiels et près de 600 blessés, a amené toutes les forces vives de la nation à œuvrer pour le retour du calme. Aussi bien l’opposant politique que le président de la République ont tenu des discours allant dans le sens de l’apaisement. Et pour le député ancien maire de Kédougou, l’Assemblée nationale ne doit pas être en reste.
‘’Demander la suspension des poursuites contre Ousmane Sonko, c’est une attitude responsable, il me semble, de la part de l’opposition parlementaire et du parlement de façon générale. Parce qu’ici, il s’agira de faire voter tout le monde, rompant les liens avec des logiques de partis ou des logiques de consignes de vote, pour mettre en avant le seul intérêt supérieur de la nation’’, justifie Moustapha Guirassy.
Article 51 du règlement intérieur
La demande des parlementaires s’appuie pourtant sur la même loi qui a valu tous ces déboires au leader de Pastef. Comme le dispose l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, ‘’le député est couvert par l’immunité, à compter du début de son mandat qui prend effet, dès la proclamation des résultats de l’élection législative, par le Conseil constitutionnel. Aucun député ne peut, pendant la durée des sessions, être poursuivi ou arrêté en matière criminelle ou correctionnelle qu'avec l'autorisation de l'Assemblée.’’
Cet article avait permis à la majorité parlementaire, en une semaine à peine, de mettre en place les dispositions nécessaires pour lever l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. La suite de l’article 51 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale dispose également : ‘’La poursuite d’un député ou sa détention, du fait de cette poursuite, est suspendue, si l’Assemblée le requiert.’’
Ainsi, le député du groupe Liberté et démocratie milite pour que l’hémicycle participe à l’effort pour ramener la paix sociale dans le pays, en y mettant la même énergie que celle qu’elle a mis à ‘’livrer’’ le leader du Pastef à la justice. ‘’C’est la force et la dignité d’une institution telle que l’Assemblée nationale qui a longtemps courbé l’échine. Et c’est pour cela d’ailleurs que nous vivons énormément de difficultés. J’espère que, cette fois-ci, avec cette porte que nous enfonçons, que nous ouvrons, l’Exécutif comme la majorité, comme toutes les bonnes volontés, sauront appuyer cette résolution pour qu’elle soit votée en mode ‘Fast-track’, comme ils l’ont fait au moment de lever l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko’’, déclare-t-il.
Chargée de défendre le leader du Pastef lors des travaux de la commission ad hoc qui a abouti à la levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko, Aïda Mbodj, avec l’appui de ses collègues de l’opposition et des non-alignés, a déposé, le mercredi 3 mars 2021, jour de l’arrestation de l’opposant, un recours au Conseil constitutionnel pour l’annulation de la levée de cette immunité qu’ils jugent illégale. Celui-ci, assurent-ils, est suspensif de toute poursuite contre leur collègue parlementaire. Cela n’avait toutefois pas arrêté la machine judiciaire dont les actions ont été à l’origine d’un début de crise que tout le monde cherche désormais à éteindre.
REVELATION DU JOURNALISTE ERIC ZEMMOUR Emmanuel Macron a fait pression pour la libération d’Ousmane Sonko Y a-t-il eu une intervention étrangère dans la ‘’libération’’, lundi, d’Ousmane Sonko ? Le journaliste français Eric Zemmour a révélé hier des informations allant dans ce sens. Sur une télévision française, le polémiste a soutenu que, d’après ses sources, ‘’Macron (Emmanuel Macron, Président de la République française) a songé à envoyer la marine française et s’est rétracté. Apparemment, c’est lui qui a fait pression sur le président (Macky Sall) pour que l’opposant soit immédiatement libéré’’. Le leader du Pastef a été placé sous contrôle judiciaire, suite à des accusations de viols et de menaces de mort le visant, de la part d’une employée d’un salon de beauté. Son arrestation, alors qu’il se rendait à une convocation du juge d’instruction, a été l’étincelle qui a mis le feu aux poudres. Le pays a sombré dans une série inédite de violentes manifestations couvrant tout le Sénégal. Dans une adresse à la Nation, le président de la République a déclaré avoir reçu des émissaires des familles religieuses et de la société civile. Il a ainsi admis avoir entendu la jeunesse, tout en appelant à l’apaisement de la tension qui règne dans le pays. Manifestement, Macky Sall aurait eu d’autres bonnes raisons de ‘’poser’’ des actes dans le sens contraire de l’escalade de la violence dans les rues de Dakar. L’essayiste, aux penchants de l’extrême droite française, a profité de cette tribune pour apporter quelques explications sur l’acharnement des manifestants sur les enseignes françaises dont certains magasins ont été pillés. Pour Éric Zemmour, ‘’en vérité, le double discours français se voit. D’un côté, on fait de beaux discours sur la démocratie et, de l’autre, on soutient bien souvent des tyrans, dictateurs, corrompus, etc. La France devrait se montrer claire dans sa politique africaine. Elle est en train de se mettre à dos toute la jeunesse de ces pays’’. |
Lamine Diouf