Publié le 8 Sep 2022 - 21:48
BAIL SUR DES TERRAINS DE L’ESEA

L’Etat veut s’éviter une nouvelle polémique 

 

Face à l’indignation soulevée par le bail accordé sur des terrains de l’Ecole supérieure d’économie appliquée (ESEA), le ministère de l’Enseignement supérieur tente d’éteindre l’incendie, alors que le corps professoral reste mobilisé contre la décision signée par le gouverneur de Dakar.

 

Comment tuer une polémique dans l’œuf ? Le ministre de l’Education supérieure, de la Recherche et de l’Innovation a essayé de trouver une formule, en allant expressément dans le sens des enseignants de la coordination SAES de campus Dakar. Ces derniers l’avaient désigné, dans leur communiqué du mardi 6 septembre 2022, attendant sa réaction face à l’attribution par l’Etat à la société SERTEM PROPERTIES d’une assiette foncière de l’ESEA. ‘’La commission de contrôle des opérations domaniales, au cours de la  consultation à domicile en date des  22, 29 et 30 juin 2022, a émis un avis favorable par l’attribution par voie de bail à  la société dénommée ‘’SERTEM PROPERTIES’’ de la parcelle de terrain formant le Lot SN sise  à Mermoz dans l’assiette de l’Ecole supérieure d’économie appliquée (ESEA), d’une superficie de 8600 m2  à distraire des TF 1.973/GR et 17.832/GR, propriété exclusive de l’Etat du Sénégal’’, peut-on lire dans un document de la direction générale des Impôts et Domaines largement partagé sur les réseaux sociaux.

Le premier est situé dans l’enceinte de la cité des enseignants du Supérieur. Le second terrain se situe dans l’enceinte de l’ESEA, au sud du terrain de basket contenant les dortoirs garçons et filles, allant vers la sortie sur la Corniche.

Par un communiqué du ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation (MESRI), l’autorité a tenu à rappeler, hier, à toute la communauté universitaire son attachement indéfectible à la protection et surtout à la préservation des espaces universitaires. Ainsi, assurent les services de Cheikh Oumar Hanne, ‘’le patrimoine foncier de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar (UCAD), sis à l’École Supérieure d’Économie Appliquée (ESEA) ou ailleurs, les bâtiments pédagogiques et sociaux de l’Université Iba Der Thiam de Thiès (UIDT) demeurent inaliénables. Le ministre des Finances et du Budget et le ministre de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation ont reçu chacun en ce qui le concerne les très hautes instructions de son Excellence le président de la République Macky Sall de prendre toutes les dispositions utiles pour préserver l’intégrité de l’espace de l’ESEA et de lui rendre compte, dans les plus brefs délais.’’  

Le MESRI rappelle l’inaliénabilité des espaces universitaires 

Les autorités du ministère de l’Enseignement supérieur semblent avoir été aussi surprises que les enseignants de l’ESEA. C’est ainsi qu’elles ont assuré que les espaces universitaires sont ‘’des patrimoines fonciers propres aux universités, ou des terrains et infrastructures appartenant à l’État ou à ses démembrements et mis à disposition, l’État veillera scrupuleusement à ce que leurs destinations universitaires y soient maintenues’’.

Toutefois, la coordination Saes de campus Dakar s’est bien exprimée dans la presse, comme promis la veille. L’occasion a été saisie par la porte-parole Youm Fatou Seck de continuer d’exiger ‘’l’annulation immédiate et sans conditions du bail octroyé frauduleusement par le ministre chargé des Finances et du Budget’’. Elle a également assuré ‘’rester attentive aux différentes décisions qui seront prises par les autorités’’.

Alors que la polémique sur le foncier de l’hôpital Aristide Le Dantec est encore fraîche dans les mémoires, l’octroi d’une nouvelle assiette foncière de l’Etat a soulevé l’émoi, face aux conditions paiements avantageuses accordées à la société ‘’SERTEM PROPERTIES’’, à travers une entente portant la Signature du gouverneur de Dakar.

En effet, la location est consentie pour une durée de 30 ans, à compter de la date de l’approbation des présents, susceptible de prorogation dans la limite d’une durée maximale de 20 ans, à défaut d’intention contraire manifestée par l’Etat ou le preneur en un an au moins avant son expiration. A l’issue de cette première période de 50 ans, l’Etat aura la faculté de la renouveler à des conditions qui seront déterminées d’accords parties, le moment venu.

Un bail particulièrement avantageux au bénéficiaire, vu la valeur des terrains

Le bail se fait moyennant un loyer de 5 160 000 francs CFA qui sera payable annuellement et d’avance à la caisse du chef du bureau de recouvrement de Ngor-Almadies ; la première échéance devant être acquittée dans un délai maximum d’un mois, à compter de la date de notification au preneur de l’approbation des présentes et les échéances ultérieures spontanément, au plus tard le 31 mars de chaque année. Approuvé au cours du second semestre de l’année, il donne une ouverture, pour l’année en question, au paiement d’une annuité réduite de moitié. Ainsi, la société ‘’SERTEM PROPERTIES’’ ne devrait payer que 2 580 000 pour l’année 2022, l’approbation ayant été conclue, le 2 septembre.

La location est assujettie à une obligation de mise en valeur qui impose au preneur d’édifier sur la parcelle louée un immeuble à usage d’habitation (résidences diplomatiques), dans un délai maximum de 3 ans à compter de la date de notification de l’approbation du bail, conformément (aux règles d’urbanisation du secteur) à la destination de la parcelle. Des interdictions contraignent le preneur à ne pas changer la destination de la parcelle louée telle qu’elle résulte de l’obligation de mise en valeur, et de sous-louer ou de céder en totalité ou en partie les droits résultants à son profit du présent bail, sans autorisation préalable du Directeur compétent.  A l’expiration du bail ou en cas de rejet de la demande de prorogation ou de renouvellement, les constructions, installations et aménagements de toute nature qui existeront sur le terrain loué, deviendront la propriété de l’Etat moyennant une indemnité compensatoire.

Les syndicalistes attendent du concret

Ainsi, la coordination Saes de campus Dakar tient l’opinion comme témoin qu’elle reste engagée dans la lutte pour la sauvegarde du patrimoine inaliénable de l’université Cheikh Anta Diop de Dakar, d’autant plus que, 5 hectares de la superficie globale de l’ESEA lui ont déjà été amputés. D’ailleurs, précise Youm Fatou Seck, ‘’la configuration spéciale de l’ESEA ne permet pas de faire une opposition binaire entre le campus social et le campus pédagogique, comme l’affirme le ministre de l’Enseignement supérieur. En guise d’exemple, le restaurant, une partie des dortoirs d’étudiants sont actuellement localisés du côté du campus pédagogique. Inversement, l’amphithéâtre, la bibliothèque et une partie des salles de cours se trouvent au campus social’’. 

En cas de non annulation du bail sur l’assiette foncière de l’ESEA, les syndicalistes tiendront ‘’les autorités responsables de toutes les perturbations malheureuses énoncées''. Il s’agit du boycott de la rentrée universitaire prévue le 03 octobre 2022, de la paralysie du système universitaire.

Lamine Diouf

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