Macron, les absents et le Liban
La cérémonie inaugurale du XIXe Sommet de la Francophonie s'est tenue hier à Villers-Cotterêts en présence de plusieurs personnalités francophones. Mais l’absence remarquée du président sénégalais Bassirou Faye et du roi du Maroc a suscité des interrogations. Tandis qu’Emmanuel Macron tente de renforcer son influence sur la scène internationale, les crises au Liban et en Palestine se sont invitées aux discussions. Le Premier ministre tunisien a appelé à une position ferme face à ces conflits.
En présence de plusieurs chefs d’État francophones et d’autorités africaines, s’est ouvert hier à Villers-Cotterêts, dans le nord de Paris, le XIXe Sommet de la Francophonie. Le président Emmanuel Macron a reçu, aux côtés de la secrétaire générale de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) Louise Mushikiwabo, les différentes délégations officielles. Ainsi, le président de la République du Sénégal, Bassirou Faye, n’a pas participé au ballet des chefs d’État d’Afrique hier, mais Macron a pu compter sur la présence des présidents ivoirien Alassane Dramane Ouattara, bissau-guinéen Umaro Sissoco Embaló, tchadien Mahamat Idriss Déby, congolais Félix Tshisekedi, mais également du président de la Commission de l’Union africaine Moussa Faki Mahamat.
Diomaye n’est pas le seul absent à cette rencontre où il était annoncé. Le roi du Maroc, très attendu, n'a pas lui aussi répondu à l’invitation du président français, même si les relations séculaires et particulières qui lient le Sénégal à la Francophonie sont très différentes de celles que le Maroc entretient avec la langue française.
Est-ce un revers pour le président français, quand on sait que pour beaucoup d’observateurs Macron a perdu la main sur la politique intérieure en perdant les élections législatives et qu’il cherche à s’occuper et gagner en influence à travers la politique extérieure? Une tâche qui risque d’être difficile. Parce que la France perd d’année en année de l’influence en Afrique.
D’ailleurs, l'absence des pays membres de l'Alliance des États du Sahel (AES) n'est pas passée inaperçue lors de ce 19e Sommet de la Francophonie. Exclue de l’OIF à cause de leur situation politique, ils n’ont pas été invités au sommet qui plus est se tient en terre française. En désaccord avec la France sur plusieurs questions, notamment en matière de coopération militaire et de souveraineté, ces anciens alliés du pays colonisateur n’ont pas été représentés.
Pourtant, la Francophonie est née à Niamey, comme l’a rappelé hier Emmanuel Macron. La secrétaire générale de la Francophonie a regretté leur absence et assuré que les portes de l’organisation leur reste ouvertes. D’ailleurs, la Guinée était dans le même cas que le Mali, le Niger et le Burkina Faso, mais a vu la décision de son exclusion être levée.
La réunion des chefs d’État prévue ce jour au Grand Palais à Paris
En tout cas, le président français a fait sa fête au Château de Villers-Cotterêts. En attendant la réunion des chefs d’État prévue ce jour au Grand Palais à Paris et où seront discutées les grandes crises qui secouent le monde actuellement, Macron a profité de la tribune de la cérémonie inaugurale du XIXe Sommet de la Francophonie pour lancer un message en faveur du Liban.
‘’Nous tous nous tenons aux côtés du peuple ami libanais aujourd'hui bousculé dans sa souveraineté et sa paix’’. Dans cette veine, Mme Mushikiwabo a ajouté : ‘’Notre cœur aujourd'hui est avec le Liban.’’ D’ailleurs, le seul intermède musical de la cérémonie inaugurale du XIXe Sommet de la Francophonie a été un moment d’hommage au Liban. Une prestation de haute facture et plus que symbolique y a été délivrée par l’artiste libanaise Hiba Tawajin. En tailleur noir, la voix sensuelle, la mine triste sans susciter la pitié, Hiba Tawaji, accompagnée de la Garde républicaine française, a repris ce qui est comme l’hymne de la contestation et des douleurs qui secouent le Liban, ‘’Li Beyrouth’’ (A Beyrouth).
Sur la scène de la Cité de la langue française à Villers-Cotterêts qui reçoit le Sommet de la Francophonie, Hiba Tawaji a été à la hauteur des attentes. Tout y était ! ‘’Li Beyrouth’’ est un tube de Fayrouz, une icône de la chanson libanaise et arabe. Il est l’un de ses titres les plus connus et qui a été repris par divers artistes à chaque fois que le Liban est secoué par une crise. La chanson est écrite en 1983 par le poète libanais Joseph Harb. L’on considère que cette chanson de Fairouz témoigne de son déchirement face aux destructions infligées à la ville par l’invasion israélienne de 1982. Cette version musicale est composée par Joaquín Rodrigo, le Concerto d’Aranjuez. Hier, sous la direction du lieutenant-colonel Bastien Stil, de l’arrangeur Oussama Rahbani, Hiba Tawaji a rappelé : ‘’Les cendres de Beyrouth témoignent de sa gloire. Ma ville a désormais éteint ses lumières avec le sang des enfants sur ses mains…’’ (extrait de la chanson).
‘’… inquiétude face au génocide de la population palestinienne à Gaza’’
Par ailleurs, pour le Premier ministre de la Tunisie, Kamal Al Madouri, il ne suffit pas de penser ou d’avoir le cœur avec le Liban. Il ne suffit pas de condamner ou marquer sa solidarité à travers des communiqués de presse. Il faut avoir une position ferme. ‘’La Tunisie ne cache pas son indignation et sa profonde inquiétude face au génocide de la population palestinienne à Gaza depuis presque un an. Notre position demeure constante et ferme en faveur du droit du peuple palestinien à recouvrer ses droits légitimes non négociables et imprescriptibles à la tête desquels l'édification d'un État indépendant jouissant d'une souveraineté totale sur l'ensemble de son territoire avec comme capitale Quds (al Quds, ville sainte). De la même manière, nous ne pouvons exprimer notre plus vive préoccupation face à l'escalade dangereuse dont le Liban frère est le théâtre depuis quelques jours. L'occupant a persisté dans sa folie meurtrière qui risque, à tout moment, d’enliser l’ensemble de la région dans une hécatombe sans nom. Cela ne doit pas nous laisser indifférent. La communauté internationale, les nations éprises de paix et de coexistence pacifique sont appelées à agir face au risque d'un embrasement général aux conséquences imprévisibles. Nous espérons, à cet égard, que l’OIF puisse, à l'instar des autres organisations internationales et régionales, exprimer une position notamment pour ce qui est de l'urgence de décréter un cessez-le-feu immédiat au Moyen-Orient et la nécessité de réaliser une paix équitable et durable dans l'ensemble de la région’’, a dit le chef du gouvernement tunisien.
Par ailleurs, la Tunisie a passé hier le témoin à la France pour la présidence de l’Organisation internationale de la Francophonie.