Les faussaires sont des fantômes
S’il y a un centre d’état-civil de la banlieue dakaroise où des cas de fraude sur des papiers administratifs existent, c’est bien celui de Grand-Yoff, avec plusieurs cas qui ont été éventés par la Division des investigations criminelles (Dic).
Centre d’état-civil de Grand Yoff. En cette fin de matinée où un soleil de plomb darde ses rayons sur les têtes. Un concert de bruits de voitures mêlés au brouhaha du marché rend l'atmosphère pesante. Situé entre le populeux marché de Grand-Yoff et le poste de police de cette localité, le Centre ne désemplit pas. Devant le bâtiment, une bonne kyrielle de voitures y est stationnée. A l’entrée, des personnes sont assises, attendant leur tour. La queue est longue, l'endroit très fréquenté. Ils viennent pour l’obtention de papiers administratifs, le retrait d'extraits de naissance, de certificats de mariage, entre autres.
La loi du silence...
C’est motus et bouche cousue du côté du personnel, lorsque nous abattons les cartes. Comme s’il s’était passé le mot, chacun se concentre sur sa machine ; la seule personne habilitée à parler à la presse étant le boss de la maison. L'omerta, donc. Et pourtant, dans ce centre d’état-civil, plusieurs cas de fraude sur des papiers administratifs ont été décelés dans le passé et à plusieurs reprises par l’entremise de la Division des investigations criminelles. Tout le monde le sait, mais personne n'en parle.
Les rares commentaires, c'est pour nous signifier que les auteurs de tels agissements ne sont pas de la maison. ‘’Des fabrications de faux papiers peuvent exister comme ils peuvent m’échapper aussi, mais je n’ai jamais été interpellé pour ce genre de cas. Des cas de faussaires peuvent avoir lieu, mais jamais je n’ai été interpellé pour être l’auteur de ce genre d’actes, de même pour les personnes avec qui je travaille dans ce centre’’, a déclaré Makane Kane, l’officier d’état-civil du centre secondaire de Grand-Yoff. Si l'on se fie aux dires de cet homme, qui dirige cet établissement depuis 18 ans, il a été une fois appelé à la police pour des extraits qui ont été signés à son nom et avec son cachet et pour des papiers qui ne venaient même pas de ce centre d’ailleurs. C'était en 2000.
L'imitation de signature...
‘’A l’époque, poursuit-il, les faussaires avaient été arrêtés par la DIC (NDLR : Division des investigations criminelles) et les limiers m’avaient demandé de faire une déposition. Ils ont ensuite compris que les extraits ne venaient pas de mon centre, même s’ils portaient ma signature et l’appellation du centre de Grand-Yoff que je dirige. En 2012 aussi, j’ai été appelé à la DIC pour les mêmes faits. Des faussaires, ça existe dans ce centre, mais à chaque fois, nous déposons une plainte à la DIC’’, reconnaît l’officier. Qui ajoute :’’Moi, tout ce que je peux faire, c'est ester en justice. S’ils sont fautifs, on les condamne...’'
M. Kane en a aussi profité pour proposer une solution au problème. ‘’C’est un énorme risque que nous courons avec les imitations de notre signature avec ces genres de papiers, malheureusement pour eux, ma signature est très compliquée est très difficile à imiter. Nous sommes tout le temps stressés pour ces cas de figures, mais je pense que l’informatisation générale de l’état-civil peut être une solution pour juguler ce fléau et il n'y aura plus de faussaires’’ a conclu M. Kane.
CHEKH THIAM