Publié le 16 Jun 2025 - 16:37
CONFLIT ENTRE ISRAEL ET L’IRAN

Péril sur l'ordre international

 

Prompts à s'ériger en donneur de leçons et en garant de l'ordre international dans la guerre russo-ukrainienne, l'occident change de discours et tente de légitimer l'agression perpétrée par Israël contre l'Iran. Décryptage avec Dr Serigne Bamba Gaye, analyste géopolitique, expert en Relations internationales. 

 

A entendre les différents analystes et dirigeants de certains grands pays occidentaux, notamment européens, on serait tenté de croire que c'est l'Iran l'agresseur. Israël étant dans une posture de “légitime défense”. Le président français Emmanuel Macron a été l'un des premiers dirigeants à essayer de légitimer cette agression. “... La France réaffirme le droit d'Israël à se protéger et à assurer sa sécurité”, a-t-il exulté sur son compte X. 

De Berlin à Washington en passant par Londres et d'autres grandes capitales, le discours est presque identique. Politiques, analystes et plusieurs hommes de médias ont répété à l'envie cette assertion, sans jamais se soucier de donner des preuves concrètes des menaces contre lesquelles se défend l'Etat hébreu. “Israël a le droit de se défendre face aux menaces existentielles que représente l'Iran”, lançait pour sa part le chancelier allemand, non sans appeler à la désescalade. 

Paradoxalement, les mêmes pays n'hésitent pas à monter au créneau pour fustiger vigoureusement ce qu'ils considèrent comme l'agression russe envers l'Ukraine. Pourtant, comme Israël, la Russie également invoque une menace pour sa sécurité pour justifier ce qu'elle est en train de faire à Kiev. Si l'on suit cette logique, avec des menaces hypothétiques, la Chine pourrait également invoquer les mêmes prétextes pour, demain, justifier des attaques contre des pays comme Taiwan.

Ce qui pousse de nombreux observateurs à s'insurger contre cette “hypocrisie occidentale” qui met sérieusement en cause leur crédibilité. 

La double morale de l'occident 

Interpellé sur cette double posture de l'Occident sur les questions internationales, Dr Serigne Bamba Gaye explique : “... À l’évidence, il y a du deux poids deux mesures. Quand la Russie envahit l’Ukraine on parle d’agression. Mais quand Israël bombarde l’Iran au mépris du droit international, ce n’est pas une agression. Cette posture, on l'a aussi vue par rapport à la situation à Gaza.... On évite de qualifier ce qui se passe de génocide, alors que nous sommes en face d'un vrai génocide. Cela décrédibilise ces pays et montre qu'ils n’ont pas une cohérence éthique sur les relations internationales.” 

De l'avis de l'expert en Relations internationales, c'est cette posture à géométrie variable des pays dominants qui constitue le socle même de la remise en cause de l'ordre international. “Au niveau du Sud global, de plus en plus de pays se lèvent pour contester cet ordre international. Nous sommes dans un contexte de remise en cause profonde de cet ordre. Cette posture de deux poids deux mesures ne permet pas de réguler les relations internationales”, renchérit l'analyste géopolitique, qui ajoute : “Dans cette affaire, il y a une violation manifeste du droit international par Israël. Parce que si chaque État s’amusait à attaquer son voisin sous le prétexte qu'il constitue une menace, le monde allait tomber dans une sorte d’anarchie. Ce serait le règne du plus fort ; chaque puissance pouvant attaquer et dominer le voisin moins fort qui se trouve à côté.... On ne s'en sortirait pas.”

L'obsession hégémonique israélienne 

A entendre le spécialiste, la volonté d'Israël va au-delà de la défense contre des menaces éventuelles. Israël a déjà assez d'ascendance pour qu'aucun des pays de la région n'ose se hasarder à l'attaquer. D'autant plus qu'il dispose du soutien de la première puissance économique et militaire du monde, à savoir les Etats Unis. Si l'on en croit Dr Gaye, l'État hébreux mène l'offensive surtout pour renforcer ses ambitions hégémoniques. Une ambition devenue obsessionnelle. “...Le pays n’a jamais toléré, depuis la création de l’État islamique en 1979, qu’il y ait une puissance régionale qui lui soit opposée et qui est prête à lui tenir tête. C’est la raison pour laquelle il faut détruire le projet nucléaire de l'Iran, quitte à fouler au pied le droit international. Israël veut en réalité être la seule constante, la seule puissance de la région…. Si l’Iran arrive à avoir l’arme nucléaire, il perd son avantage stratégique. Parce qu’il est à ce jour le seul à avoir la bombe nucléaire dans cette région. Un avantage qui lui permet de mener, sans entrave, sa politique avec le soutien de ses alliés occidentaux”, renchérit le spécialiste en Relations internationales. 

Il convient de noter que rarement le pays n'aura été aussi proche de son objectif. Après avoir muselé toutes les forces hostiles de la région : Hezbollah, Hamas, Bachar Al Assad.... Les autres pays réduits à leur plus simple expression. “Aujourd’hui, constate Dr Serigne Bamba Gaye, les États arabes sont affaiblis. Israël apparaît comme la super puissance régionale. Avec cette posture, elle est capable d’être l’acteur majeur de la paix au Moyen-Orient. Cela lui permet d’avancer vers son projet d’expansion autour du concept Grand Israël.” 

A son avis, il sera difficile de bâtir une paix durable dans ces conditions. “Israël ne veut pas que la question palestinienne soit réglée. Et tôt ou tard, tout cela va exploser et ça risque d’embraser encore le Moyen-Orient. Tant qu’on ne prendra pas en charge les causes profondes des conflits, le Moyen-Orient restera une poudrière du monde”, analyse Dr Gaye, non sans relever la division des grands pays musulmans qui favorise cette hégémonie de l'Etat hébreu. “Ces pays ne se sont mobilisés ni pour Gaza ni pour l’Iran. Pourtant, ils avaient (sur la question palestinienne) des moyens de pression importants qui auraient permis d'influer sur la situation. Il aurait suffi de décréter l’embargo pétrolier pour que les choses soient différentes. À l’évidence, ce n’est pas leur priorité...”, soutient le spécialiste. 

Programme nucléaire : quelle finalité ?

En lançant son attaque contre l'Iran, Israël n'a réussi qu'une chose : mettre un terme aux négociations relatives au programme nucléaire. Pour beaucoup d'observateurs, ça pourrait être l'un des objectifs recherchés à travers cette offensive militaire. Une offensive qui met à rude épreuve les normes internationales. Soulignant l'importance et la prééminence de ces règles pour la paix mondiales, Dr Gaye explique : “Aujourd'hui, la question qui se pose ; c'est : pourquoi des États peuvent s’arroger le droit de ne pas respecter le droit international ? Pourquoi il n’y a pas une autorité internationale capable d’imposer les normes internationales ?” A l'en croire, ceci constitue une vraie menace contre la sécurité collective. 

La sécurité collective qui, selon lui, est garantie par la charte des Nations unies, avec des prérogatives importantes pour le Conseil de sécurité. “...Il se trouve qu’au niveau du Conseil de sécurité, les cinq membres permanents ont des divergences sur la manière de gérer l’ordre international ; ce qui entraine de sérieux blocages du système des Nations Unies. L'Organisation des Nations Unies a été incapable d’adopter une résolution pour arrêter l’agression d'Israël sur Gaza, elle ne peut pas se réunir pour arrêter le conflit entre Israël et l’Iran. Il y a donc véritablement un problème dans le fonctionnement des Nations Unies qui ne sont plus garantes de l’ordre international, mis en place après la deuxième guerre mondiale.”

A la question de savoir s'il faut bruler l'organisation qui n'arrive plus à jouer son rôle, Monsieur Diagne rétorque : “L’ONU n’est plus l’organisation adaptée à la situation à laquelle nous faisons face certes. Mais quelle est l’alternative aujourd’hui ? Autant il est facile de critiquer, autant il est difficile de trouver une alternative plus pertinente. Encore que tout n’est pas mauvais avec l'ONU. L'organisation continue en effet de jouer un rôle extraordinaire, notamment sur les questions humanitaires, les questions liées à l’environnement…. C’est sur les questions politiques que l'organisation a des difficultés à cause principalement des cinq membres permanents qui n'arrivent à s'entendre sur rien du tout.”

ISRAEL-IRAN 

Le PIT dénonce une “complicité active” des Etats Unis et de ses alliés occidentaux

Dans un communiqué parvenu à notre rédaction, le Comité central du Parti de l'indépendance et du travail indexe directement la responsabilité de l'État hébreu. “...Israël porte l'entière responsabilité pour avoir sciemment choisi l'escalade militaire, au mépris honteux des risques incommensurables à l'ère nucléaire. Manifestement, en agissant ainsi, les dirigeants israéliens font montre d'un aveuglement stratégique coupable et semblent engagés dans la préparation d'une guerre longue, destructrice et irréversible”, fulminent Samba Sy et Cie. 

Le Comité central du PIT estime que cette assurance israélienne s'explique par “le soutien inconditionnel et pernicieux de l'administration américaine, de ses alliés de l'OTAN et de l'Union européenne”. Lesquels ferment les yeux sur les crimes d'un régime devenu fauteur de guerres en série. “Sans cette complicité active, jamais Israël n'aurait osé franchir un tel seuil dans une région déjà hautement meurtrière par des décennies de violences, de spoliations, et aujourd'hui par le génocide en cours contre le peuple palestinien”, dénoncent-ils. 

Exprimant sa pleine solidarité avec les victimes de ces violences, le PIT ne met pas de gants pour accuser Israël et ses alliés. “Soyons clairs : les États-Unis d'Amérique, leurs alliés et leur cheval de Troie Israël portent la responsabilité première de cette dangereuse escalade. Ivres de leur volonté de domination et mus par des intérêts géostratégiques et économiques cyniques, ils restent sourds aux appels à la raison lancés par de nombreux membres de la communauté internationale”, fustigent-ils. 

Très en colère, le PIT Sénégal en appelle à la mise en place d'un large “front mondial pour la paix, contre la guerre, pour la vie, contre l'anéantissement”. Trump et Netanyahu, selon eux, “doivent entendre raison avant qu'il ne soit trop tard !”

 

Par Mor Amar 

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