De l'intérêt d'avoir des "Sages" en République
Depuis l’ouverture, le 30 décembre 2023, du dépôt des dossiers de candidatures en perspective du scrutin présidentiel initialement prévu le 25 février 2024, le conseil constitutionnel est sous les feux de la rampe, et souvent accusé à tort. Les décisions successives rendues par les sept sages à l’origine du dénouement heureux du processus électoral plongé dans un imbroglio politico-électoral que le Sénégal indépendant n’a jamais connu, saluées par tous les démocrates et honnêtes gens, atteste de leur l’entregent et leur parfaite maitrise de leurs matières.
Au Sénégal, les questions liées à l’interprétation des dispositions législatives et réglementaires du code électoral, l’indépendance des acteurs et l’intégrité du processus électoral sont remises au goût du jour à la veille de chaque élection majeure. Dans la perspective de la présidentielle initialement prévu pour le 25 février 2024 et finalement lieu le dimanche 24 mars courant, les accusations de politisation supposée ou réelle de l'administration électorale, d’inscriptions illégales, de manque de transparence et de fiabilité du fichier électoral ainsi que celles d’entraves persistantes de l’Exécutif et son immixtion dans le fonctionnement de la justice pour éliminer de potentiels adversaires ont ressurgi. Des accusations, plaintes et complaintes qui ont fini de polluer l’espace partisan et d’engendrer une vive tension préélectorale préoccupante. Pour autant, la machine électorale n’est pas grippée. En effet, à l’analyse, l’on se rend compte que certains candidats et la presse dans son ensemble ont dansé plus vite que la musique. S’il est légitime pour les candidats d’avoir de sérieux doutes sur le manque de fiabilité du fichier électoral et la crédibilité des listes électorales, ils ont cependant accusé à tort le Conseil constitutionnel.
Tant qu’ils sont, ils ont acculé et pointé du doigt, souvent injustement, le Conseil constitutionnel. Comble de la raillerie, d’aucuns sans retenue les qualifieront de « braves sages qui ne se trompent jamais ». Poussant le bouchon plus loin, « puisque le dernier mot leur revient, y compris lorsqu’ils se trompent lourdement comme c’est le cas pour cette élection présidentielle…tout en sachant que les choix des moutons de Panurge que nous sommes seront tronqués ou truqués par la volonté de nos braves et infaillibles prétendus « sages » du Conseil constitutionnel… Mais au fait, « Nit ku dul juum aamul ? » … « Ludul wa Conseil constitutionnel », renchérit-il En effet, au débat autour du logiciel devant vérifier les parrainages avec des candidats qui se sont sentis injustement et illégalement exclus de la course et celui portant sur la double voire triple nationalité de certains candidats validés, est venu se greffer les rocambolesques accusations de corruption supposée contre 2 juges du Conseil des sages. Résultat des courses ; la suspension, le 4 février 2024, du processus électoral par le président de la république, à 10 heures de l’ouverture de la campagne électoral. Personne n’est responsable ; chaque acteur rejetant la balle à l’autre. Pourtant, les 7 sages, qui ont une claire conscience que la mission du juge constitutionnel consiste à garantir le respect de la constitution, à veiller à l’équilibre des pouvoirs et à leur dévolution démocratique, ont remises choses à l’endroit.
Comme pour rassurer le peuple, seul souverain, « notre unique boussole est et sera la Constitution et les lois applicables aux litiges qui sont soumis à notre jugement », aime rappeler le président de l’institution, l’honorable Badio Camara. Dans cette perspective, pour épargner le pays de tension pré et post électorales aux conséquences imprévisibles, l’État du Sénégal doit assumer ses responsabilités régaliennes tirées de la constitution en faisant montre de transparence afin de créer la confiance nécessaire pour garantir un scrutin pacifique, régulier, sincère et démocratique. À défaut, le président qui sera élu à le 24 mars 2024 n’accédera pas au pouvoir par une élection libre, honnête et transparente. Enfin, comme toute œuvre humaine, les questions électorales ne sont pas immuables et les imperfections du processus électoral sont progressivement résolues. Ainsi, l’évaluation du scrutin qui s’en suivra pourrait aborder toutes les insuffisances du processus pour le performer ; les solutions à court terme ayant montré leurs limites sous d’autres cieux.
Malamine CISSE