Nihilisme et fuite en avant
Le coronavirus est au Sénégal. C’est une réalité tangible. Il n’y a, certes, pas lieu de céder à une quelconque panique, mais la prudence et l’observance des règles d’hygiène doivent être de rigueur. Par contre, vouloir faire comme si de rien n’était est un désastre qui guette ce pays.
Du fait des réflexes ataviques fortement ancrés dans les subconscients, notamment le culte du ‘’garawoul’’ et du ‘’Yalla bax na’’ qui ont encore de beaux jours. Et les différents micros-trottoirs faits jusqu’ici montrent que la maladie n’est pas prise au sérieux par une frange importante de la population. Nombreux sont ceux qui pensent à une théorie conspirationniste fomentée par les puissances étrangères économiques, pour maintenir leur joug sur des pays comme le Sénégal. C’est absurde, mais ils pensent que le Covid-19, c’est du vent et ne donnent aucun crédit aux informations relayées par la presse à longueur de journée.
En dépit du renforcement nécessaire de la communication, le pire serait de laisser les gens continuer à se rassembler, parfois dans des endroits confinés. Et les différentes manifestations religieuses qui se profilent à l’horizon n’augurent rien de bon, d’autant que les fidèles comptent y prendre part, contre vents et marées. Le moment est donc venu, pour l’Etat, de marquer le coup. Car, à l’évidence, la communication déroulée jusque-là est loin d’être opérante. Interdire tout bonnement la tenue des prochaines manifestations, par exemple, frappera les esprits et permettra une prise de conscience collective aigüe.
Gestion arrogante de l’Italie puis de la France
Le syndrome de l’Italie et de la France, qui sont devenus en quelques jours des foyers de propagation de la maladie, guette le Sénégal. Italiens et Français ont voulu faire la politique de l’autruche et ont tardé à prendre des mesures énergiques contre l’épidémie. Ignorant royalement ce qui se passaient à Wuhan et comment les autorités chinoises ont géré l’épidémie. Ils sont en train de payer au prix fort cette gestion ‘’arrogante’’. Car, en plus d’être de plus en plus débordés, ces deux pays sont devenus des foyers de propagation du virus aux autres pays, à l’instar du Sénégal dont les deux premiers cas sont importés du pays de Marianne. Les autorités des deux pays n’ont plus aucune prise sur la maladie et sont obligées de s’adapter, au quotidien, et de prendre des décisions en fonction de l’évolution de l’épidémie. Des mesures hardies et radicales auraient pu circonscrire le mal.
Le Sénégal n’a pas intérêt à faire moins, car le pays ne dispose pas des mêmes moyens de riposte.
En effet, certes, le taux de mortalité du coronavirus (2 à 3 %) est moindre, en comparaison d’Ebola, mais c’est à condition qu’il y ait une prise en charge optimale des malades. Au Sénégal, en cas d’explosion du nombre de cas, l’équation de leur admission va rapidement se poser. Le Service des maladies infectieuses du CHU de Fann ayant un nombre limité de places. On parle d’une vingtaine de lits. Et c’est la seule structure hospitalière habilitée à accueillir des cas du Covid-19. D’où l’intérêt de ne pas laisser l’épidémie prendre de l’ampleur.
Le chef de l’Etat a instruit de faire la tournée des familles religieuses pour les sensibiliser. Les autorités choisies seraient inspirées d’avoir la parole juste. Car les marabouts ont un rôle central à jouer dans cette séquence temporelle lourde de dangers. La voix de la sagesse et l’observance des erreurs commises par les premiers pays contaminés militent pour une interdiction sans concession des grands rassemblements prévus les jours et semaines à venir.
Les hommes politiques ont également un rôle à jouer. Tout d’abord en s’abstenant de faire des déclarations intempestives, de la surenchère et de vouloir politiser la chose. Eux aussi doivent semer la bonne parole, être les relais des autorités sanitaires auprès des populations et surtout donner l’exemple. Il faut laisser aux professionnels de la santé la primauté de l’information.
Marcher sur les pas de la Suisse
De plus en plus, des post fleurissent sur les réseaux sociaux, qui fustigent le dispositif de surveillance placé à l’aéroport Blaise Diagne. Cela fait mauvais genre et pollue les esprits. Le ministère de la Santé et les responsables de l’aéroport ont du pain sur la planche, pour assurer une présence rassurante et renforcer le dispositif.
L’exemple de la Suisse est à suivre. La Confédération suisse est rapidement passée au niveau d'alerte rouge. En plus des trois règles d’hygiène déjà en vigueur : se laver soigneusement les mains, tousser et éternuer dans un mouchoir ou dans le creux du coude et, en cas de fièvre et de toux, rester à la maison. De nouvelles recommandations invitent la population à éviter les poignées de main, à jeter les mouchoirs usagés dans une poubelle fermée et à toujours téléphoner avant d’aller chez le médecin ou aux urgences.
GASTON COLY