Publié le 8 Aug 2012 - 08:37
COTE D'IVOIRE

Sur la piste des assaillants de la caserne d'Akouédo

 

Qui sont les assaillants de la caserne d'Akouédo, une attaque qui a fait sept morts dans la nuit de dimanche à lundi ? Miliciens pro-Gbagbo ou supplétifs des FRCI, mécontents de leur sort ? Comment ont-ils disparu sans laisser aucune trace ? Éléménts de réponse.

 

Quelque 24 heures après l’attaque contre la caserne militaire du premier régiment d’infanterie d’Akouédo, près d’Abidjan, on en sait un peu sur le mode opératoire du commando puissamment armé qui a pu agir en toute impunité - et presque sans combattre - dans un quartier stratégique surveillé en permanence par les Forces républicaines de Côte d’Ivoire (FRCI, armée nationale).

 

Selon plusieurs sources militaires de haut rang, les assaillants étaient au nombre d’une centaine, vêtus en treillis ou en civils et circulant à bord d’une dizaine de pick-up. Ils ont fait irruption simultanément aux entrées principale et annexe de la caserne aux environs de 3 heures 30 GMT, lundi matin. Dès son entrée, le commando a abattu les cinq sentinelles en faction au poste de contrôle.

 

Au cours du bref échange de tirs avec les soldats, les assaillants perdent un homme mais ne se découragent pas. Ils mettent aussitôt le cap sur la poudrière du camp. Dans l’armurerie, ils récupèrent 240 fusils AK-47 non enchaînés – contrairement aux usages - et disposant de leurs percuteurs. Il était prévu de les utiliser lors du défilé militaire de la célébration du 52e anniversaire de la fête de l’indépendance, mardi 7 juillet sur l'esplanade du palais présidentiel.

 

"Les assaillants semblaient connaître le secteur"

 

« C’est curieux, les assaillants semblaient connaître le secteur. Ils n’ont pas emporté les armes plus lourdes qui étaient stockées, notamment les obus de mortiers. Ils se sont contentés des Kalachnilovs comme s’ils voulaient délivrer un message », commente une source haut placée, proche du ministère délégué à la Défense.Après son forfait, durant lequel il n’a rencontré presque aucune opposition, le commando prend tranquillement l’axe Abidjan-Bingerville et s’évapore dans la nature. C’est seulement à 5 heures du matin que les hommes de la garde républicaine du commandant en second, Issiaka Wattara, alias « Wattao », arrivent sur le terrain. Mais les agresseurs sont déjà loin. Et le ratissage intensif de la zone ne donne rien.

 

Dans la matinée, plusieurs autres unités des anciens chefs de guerre de l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN), aujourd’hui intégrés au sein de l’armée nationale, rallient la caserne d’Akouédo. Celle-ci abrite pourtant déjà près 2 000 militaires, qui n’ont ni lancé l’alerte, ni réagi à l'assaut… Essentiellement en raison de leur manque d’équipements et de capacité opérationnelle. « Il y a un véritable scandale d’autorité de commandement au sein des FRCI. Plus d’un an après la fin de la crise postélectorale, la caserne d’Akouédo n’est toujours pas opérationnelle et ne possède aucune section d’alerte. Pourtant c’est le foyer d’où provient, depuis plus de 10 ans, l’instabilité à Abidjan. En plus, la caserne est située à environ 25 minutes de la résidence du chef de l’État », s’indigne un proche du président Alassane Ouattara.

 

Lundi 6 août, à la présidence, Ouattara convoque une réunion d’urgence. Y assistent le ministre de l’Intérieur, Hamed Bakayoko, son collègue de la Défense, Paul Koffi Koffi, les généraux Gervais Kouasssi (gendarmerie), Bredou M’Bia (police), Soumaila Bakayoko (armée) et Michel Gueu (chef d’état major particulier du chef de l’État). « Le président a exprimé son mécontentement sur l’immobilisme, la porosité et la passivité des FRCI qui n’ont pas vu venir trois attaques en moins de 24 heures. Même si les autorités militaires privilégient pour le moment - sans enquête aboutie - la piste des miliciens et ex-Forces de défense et de sécurité (FDS, pro-Gbagbo), le chef de l’État a donné des instructions fermes pour colmater les brèches du système sécuritaire », indique une source proche de la présidence.

 

Thèse peu crédible

 

Un système sécuritaire qui repose essentiellement sur les 3000 à 4000 ex-rebelles membres des FRCI (qui sont sur le papier 55 000 hommes), ainsi que sur environ 40 000 dozos, chasseurs traditionnels venus du Nord, et sur quelque 110 000 supplétifs non encore démobilisés ni déssarmés. Pour les milieux diplomatiques d’Abidjan, c'est d'ailleurs de ce côté qu'il faut chercher. « L'attaque ressemble bien à une action de supplétifs FRCI qui n’ont toujours pas été pris en compte par le pouvoir. C’est une sorte de signal qu’ils donnent au gouvernement pour accélérer la réforme du système de sécurité et de l’armée (RSSA), en panne depuis plusieurs mois », affirme un diplomate européen.

 

Autre détail troublant : « les assaillants ont bénéficié de complicités internes au camp, confie Paul Koffi Koffi à Jeune Afrique. Des arrestations de pensionnaires de la caserne ont été effectuées et nous poursuivons l'enquête », ajoute-t-il. Fin juillet, des combats avaient déjà opposés des supplétifs de l’armée aux FRCI dans la commune d’Abobo, l’un des fiefs du chef de l’État à Abidjan. « Tous les supplétifs sont laissés pour compte. Aujourd’hui, seuls les éléments des Forces armées des forces nouvelles (FAFN, armée de l’ex-rébellion du Nord), ainsi que quelques éléments des ex-FDS constituent l’ossature du système de sécurité. Cela crée des frustrations », explique un militaire onusien.

 

Jeuneafrique

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