Publié le 9 Jan 2020 - 16:43
CRIMINALISATION DU VIOL ET DE LA PEDOPHILE

Les ‘’erreurs énormes’’ de la loi

 

Avec la première édition des "Invités du mercredi’’, l’école de journalisme Ejicom a voulu prolonger, hier, le débat sur la loi criminalisant le viol et la pédophile, en choisissant comme thème ‘’La criminalisation du viol au Sénégal : état des lieux et perspectives". Animé par le magistrat Alassane Ndiaye et la psychologue Kaïra Thiam, le panel a permis de lever le voile sur certains points d’ombre de la loi.

 

Le Sénégal a durci son arsenal législatif concernant le viol qui est passé de délit à crime, avec l’adoption d’une nouvelle loi criminalisant le viol et la pédophile. Cependant, même si elle est bien accueillie chez les défenseurs des droits des femmes, cette loi a provoqué beaucoup de polémiques.

En effet, beaucoup de Sénégalais ont émis des réserves quant à son efficacité pour décourager les potentiels auteurs de viol. ‘’Tout le monde était d'accord qu’il fallait durcir les sanctions pour les auteurs de viol. Mais la loi a suscité beaucoup de débats, y compris dans le milieu judiciaire, et il y a toujours des réserves’’, reconnait Alassane Ndiaye, magistrat et directeur adjoint à la Direction des affaires criminelles de Dakar.

Si cette loi, tant attendue par la population, à cause des cas de viols suivis de meurtre qui devenaient de plus en plus fréquents, a occasionné autant de polémiques, c’est parce que le texte n’est pas assez clair, ni précis pour certaines circonstances.

En effet, selon cette la loi, ‘’tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu'il soit, commis sur la personne d'autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol’’. La définition est donc générale. Le texte ne fait pas de distinction de genre. Il s’applique aussi bien aux hommes qu’aux femmes. Et sur ce point, le magistrat relève une première erreur. Techniquement, la femme ne peut violer (absence de pénétration sexuelle). On parle plutôt de contrainte (la femme contraint l'homme à coucher avec elle, par exemple). 

Alassane Ndiaye souligne deux autres ‘’erreurs énormes’’. La loi considère une relation sexuelle avec une mineure de moins 16 ans comme une pédophilie ; et de détournement de mineure celle sur une personne âgée entre 16 et 17 ans. Alors qu’au même moment, le Code de la famille du Sénégal autorise le mariage à 16 ans pour la fille. Ce qui veut dire que, dans ces deux cas de figure, la législation sénégalaise autorise le mariage et, en même temps, interdit sa consommation, car l'acte sexuel sur une mineure de 16 ans reste puni. Autant de manquements qui suscitent encore réflexion et des réserves quant à l’efficacité de la loi.

’Le viol enlève 20 ans d’espérance de vie à une personne’’

L’autre problème est que la loi criminalise certes le viol, mais ne prévoit pas des dispositifs pour la prise en charge de la victime. Ce qui est pourtant le cas dans le Code de procédure pénale français auquel s’est beaucoup inspiré le Sénégal. Ce qui fait qu’au moment où le coupable est en prison, la victime peut garder toute sa vie des séquelles. Or, sur ce cas, la loi ne prévoit aucune obligation de prise en charge médicale ou psychologique pour les victimes, malgré les conséquences qu’un tel acte peut entrainer.

‘’Le viol enlève 20 ans d’espérance de vie à une personne, quand elle n’est pas prise en charge. C’est énorme. Cela entraine un certain nombre de problématiques psychiques, physiques et psycho-sociales qui font que la personne ne peut plus engager sa force physique, ses compétences et qualités dans l’effort général de développement. Ce qui veut dire que, d’une part, on perd des personnes à cause d’une situation qui pourrait éventuellement être évitée par une bonne prise en charge’’, souligne de sa part Khaïra Thiam, psychologue clinicienne, spécialisée en pathologie psychiatrique et criminologie clinique.

Elle estime qu’il ‘’est fondamental de mettre en place des dispositifs pour la prise en charge des victimes qui va inclure des soins physiques et psychiques, parce que l’un ne va pas sans l’autre’’. Pour cela, considère la psychologue, il faut former des professionnels capables de faire la prise en charge. ‘’Il est important de mettre en place les ressources nécessaires qui feront que tout le monde aura la chance de participer au développement, y compris les personnes victimes de violences sexuelles’’, estime Mme Thiam.  

ABBA BA

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