Les idées innovantes du Dr Cheikh Mbow
La troisième journée de verdissement du pôle urbain de Diamniadio, qui avait pour thème "Écologie urbaine et rétrofitage climatique", a eu lieu avant-hier. Lors de cette journée, le directeur général du Centre de suivi écologique s’est prononcé, entre autres, sur les choix d’urbanisme qui se présentent devant le Sénégal, afin de libérer le potentiel qui va permettre d’améliorer considérablement le développement urbain actuel et futur.
Selon le directeur général du Centre de suivi écologique, à mesure que Diamniadio et nos villes se développeront économiquement, les défis qui pourraient déstabiliser les conditions socioéconomiques, s’ils ne sont pas résolus, seront à la fois démesurés et imprévisibles. Ceux-ci incluent, selon le Dr Cheikh Mbow, la surpopulation et son corollaire, avec de très fortes densités humaines ; la faiblesse des services publics qui, s’ils existent, seront soumis à de fortes pressions qui rendent leur maintenance et leur entretien difficiles, surtout avec l’effet amplificateur des impacts du changement climatique.
Or, si la ‘’vieille ville’’ de Dakar a une topographie en entonnoir (Cap Manuel et Mamelles) qui favorise un écoulement gravitaire des eaux vers les Niayes de Pikine ou vers l’océan, la ville de Diamniadio, elle, est une grande plaine argileuse avec de faibles dénivellations. L’assainissement à Diamniadio et le type de bâtis doivent faire l’objet d’une attention bienveillante, surtout dans la partie sud de la ville. "Avec la littoralisation de l’urbanisation du Sénégal, l’essentiel du tissu urbain se situant dans des zones côtières de basse altitude, les expose à la montée du niveau de la mer et aux tempêtes de toute sorte ; elles souffrent toutes de pluies intenses et d’inondations. Les risques climatiques pèseront lourdement sur le dynamisme et la prospérité future de nos villes, d’autant plus que les facteurs d’exposition sont pluriels, non maîtrisés et que le niveau de préparation nationale pour la résilience climatique est à améliorer’’, souligne le Dr Mbow.
Pour lui, si le Sénégal réussit à faire ses choix d’urbanisme en s’appuyant sur ces trois forces majeures (diversification - nouveaux usages - adaptation), il réussira sans doute à libérer le potentiel qui permettra d’améliorer considérablement le développement urbain actuel et futur, en substituant la linéarité et la conception monofonctionnelle par l’anticipation de l’incertitude.
L’urbain peut devenir une écologie viable. À ce titre, il doit, à ses yeux, être soumis à l’approche écosystème qui convoque à tout moment le caractère convoluté des processus et les fonctions non linéaires multiples et en perpétuelle mutation. ‘’Le rattrapage urbain (retrofitting) peut fonctionner en appliquant des solutions écologiques spécifiques à petite échelle qui conduisent à des solutions innovantes à grande échelle pour un développement durable et harmonieux. Il peut s’agir de reprendre l’usage de certains espaces négligés, comme cela a été le cas sur la corniche de Dakar ou de valoriser des espaces comme les zones basses pour en faire des lieux de récréation et d’éponge verte pour les eaux d’inondation (le projet de parcs aquatiques du DG de la DGPU)’’, indique-t-il.
Poursuivant sa réflexion, il souligne que les Niayes de Pikine peuvent générer des recettes et des emplois dans la ville de Dakar. Il s’explique : ‘’Je défends ici l’idée de faire une étude ambitieuse d’un PPP pour la valorisation des Niayes de Pikine : dragage pour plus de volume d’eau, aménagement de parcours sportifs, de terrains de jeux, de golf, des hôtels au bord du lac, un parcours circulaire et plusieurs sites de détente et de restauration. Niayes-Park devrait être le symbole de la réussite du modèle urbain sénégalais. De toute façon, Abidjan a pris les devants avec sa lagune qui, du point de vue écologique, n’a rien de plus attractif que notre grande Niayes. Ces approches de rattrapage ne sont pas des solutions toujours faciles, parce que cela requiert parfois une reprise totale de certaines fonctions et certains services urbains, un nouveau zonage et une recalibration des services, comme au niveau du triangle Point E-Fann-Résidence-Mermoz. Elles pourraient même nécessiter des restructurations grandeur nature quand le tissu urbain en cours ne permet, en aucun cas, d’asseoir une ville durable".
Terminant son propos sur une note optimiste, il a ajouté : "Le rattrapage peut aussi consister à apporter des solutions fondées sur la nature qui sont simples et adaptées par le biais d’un engagement collectif avec tous les acteurs urbains. Que d’espaces verts mis en place par les populations, que de sites aménagés dans les quartiers, que d’efforts individuels pour reverdir nos maisons, réduire le rejet d’eaux sales dans les rues, etc. L’effet des efforts des uns sur la conscience des autres n’est pas trivial. L’essentiel, c’est de contribuer. Ces efforts pour améliorer nos villes doivent générer des co-bénéfices pour l’environnement, la santé et le bien-être humain s’ils sont basés sur des approches écosystémiques. Celles-ci sont souvent reconnues comme essentielles au développement durable. Il faudra dès lors forger des liens beaucoup plus étroits et indispensables entre les ingénieurs, les architectes, les écologistes, les spécialistes de la santé et de nombreux autres acteurs urbains dans le développement de solutions innovantes et largement bénéfiques."
CHEIKH THIAM