Publié le 26 Feb 2021 - 19:52
DECLARATION OUSMANE SONKO HIER

Le leader en appelle à une lutte contre l’oppression

 

Hier, tout sonnait comme un discours de la dernière heure. Le président de Pastef/Les patriotes s’est lancé dans la mobilisation des troupes, prenant à témoin l’opinion nationale et internationale de tout ce qui pourrait lui arriver. Ousmane Sonko invite le peuple sénégalais à faire bloc, face à un régime qui n’hésite pas à utiliser les moyens régaliens pour briser l’élan patriotique enclenché.

 

L’heure est grave pour Ousmane Sonko. Son adresse d’hier, empreint de la solennité des grands moments, l’a montré. Le leader de Pastef a déclaré, devant la presse, qu’il ne répondra à aucune convocation, tant que la levée de son immunité parlementaire ne se déroule pas dans les règles de l’art. L’Assemblée nationale est attendue aujourd’hui sur cette question.

En plénière, les députés vont l’examiner et, selon toute vraisemblance, prononcer la levée de son immunité parlementaire.

Mais Ousmane Sonko invoque son droit constitutionnel, naturel et individuel à la résistance à l’oppression. Et cette résistance se traduit par son refus de reconnaitre la commission ad hoc et ses recommandations, de même que la résolution de ‘’la plénière illégitime de Benno Bokk Yaakaar’’.  ‘’Mon immunité parlementaire, quel que soit ce qui va se passer demain (aujourd’hui) reste intacte’’, a-t-il soutenu. ‘’Plusieurs irrégularités dans la procédure’’ le confortent dans sa décision.

En effet, le juge d’instruction n’a ouvert aucune forme d’enquête pour lever l’inconnu X inscrit dans le procès-verbal de la gendarmerie. Le juge Mamadou Seck, détaille le parlementaire, devait ouvrir une instruction pour rechercher X et, à la rigueur, le convoquer à titre de témoin. D’un autre côté, dit-il, l’Assemblée nationale chargée de statuer sur la levée d’immunité, a reçu un dossier qui ne contient pas le réquisitoire du procureur, mais plutôt, à ses yeux, une ‘’lettre tendancieuse’’ du juge d’instruction.

De plus, on a refusé, selon Sonko, le droit aux parlementaires de disposer du dossier en question. A ces manquements, s’ajoute la démission des députés Moustapha Guirassy et Cheikh Bamba Dièye de la commission ad hoc. Un fait qui n’a pas empêché la poursuite des travaux, contrairement à l’article 53 du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. Autant d’incohérences qu’Ousmane Sonko qualifie de ‘’procédure expéditive, nulle et non avenue’’.

‘’Je suis en excellente santé’’

Tout porte à croire que le député se prépare à toutes les éventualités. Hier, en tout cas, il a saisi l’occasion pour informer les Sénégalais de son état de santé. ‘’Je suis en excellente santé’’, rassure-t-il. Les Sénégalais et l’opinion internationale sont donc pris à témoin, au cas où quelque chose lui arriverait. Il n’écarte pas un moyen d’empoisonnement sophistiqué. Convaincu que rien ne pourra arrêter le président Macky Sall, à part un rapport de force politique et social, il laisse le choix à chaque Sénégalais d’user de son droit constitutionnel de résistance face à l’oppression. ‘’Non à mon arrestation illégale et imminente programmée par Macky Sall en personne, déclare-t-il. Macky Sall n’en a cure du droit et des procédures. Si Macky Sall veut me liquider, il devra, pour une fois, accepter de se salir les mains, au lieu de se cacher lâchement derrière ces barbouzes de la justice. Nous savons tous que c’est lui qui tire les ficelles. Nous connaissons vos viles méthodes. Nous pouvons vous assurer que nous avons du répondant pour jouer sur votre terrain. Tout dans cette affaire atteste d’un complot, mais un complot très mal ficelé’’, fulmine-t-il.

Si l’on se réfère à sa déclaration, cette affaire n’est autre qu’un face-à-face politique entre lui et le président de la République, avec pour victime Adji Sarr. Pour le leader, chaque Sénégalais doit prendre ses responsabilités : ‘’Ce qui se joue dépasse ma personne ; ce qui se joue, c’est le projet monarco-dynastie du clan Macky Sall, le projet du mandat à vie, par le truchement de réformes constitutionnelles à venir.’’ 

Cet épisode n’aurait jamais dû avoir lieu, soutient-il, car le peuple sénégalais est déjà tenaillé par toutes sortes d’inquiétudes. Ainsi, ce spectacle ‘’indigne et désolant’’, à ses yeux, n’a pour but que l’élimination d’un adversaire politique : ‘’Macky Sall a l’appareil d’Etat, mais il n’a pas le peuple sénégalais. Toute cette mascarade vise un seul but : arrêter Ousmane Sonko le plus rapidement possible et décerner le mandat de dépôt, ouvrir une instruction non limitée dans le temps, car en matière de viol, il n’y a pas de délai pour l’instruction. Tout ceci pour me laisser pourrir en prison, me radier de la liste électorale, ternir mon image et me décrédibiliser aux yeux des Sénégalais. C’est une affaire politique entre Ousmane Sonko et Macky Sall.’’

Remerciements, encouragements et compassion

 L’opposant n’a pas manqué de remercier le peuple sénégalais, dans toutes ses composantes, pour son élan de solidarité. Des jeunes qui se sont érigés en bouclier aux personnalités politiques, en passant par les mouvements citoyens, les députés de l’opposition, son pool d’avocats, les femmes et la diaspora, Ousmane Sonko a adressé à chacun ses encouragements. Les députés Aida Mbodj, Moustapha Guirassy et Cheikh Bamba Dièye n’ont pas été oubliés, de même que l’enseignant Dame Mbodj. La gendarmerie a reçu un hommage, en raison de son traitement impartial de l’affaire. A la jeunesse, il a réitéré son engagement pour un Sénégal meilleur qui promeut l’égalité des chances.

A l’opposition sénégalaise, il rappelle : ‘’Nous avons une possibilité qui ne se représentera pas de changer le rapport de force. Si Macky Sall réussit son coup, alors, il écrasera tout sur son chemin vers le pouvoir à vie.’’ L’urgence de l’heure est, selon lui, de taire les divergences politiques pour faire bloc face à un ennemi commun. Aux Africains, Ousmane Sonko a lancé un appel à la révolution contre les présidents friands de complots. Cela, parce que l’Afrique doit humer un vent nouveau de liberté et de souveraineté.

Le leader de Pastef a également exigé la libération immédiate et sans condition des 33 personnes (dont deux mineurs) détenues à Dakar et à Ziguinchor. ‘’Je compatis, nous souffrons avec vous. Nous souffrons même plus que vous’’, a-t-il réconforté les familles de ces ‘’otages’’ et blessés.

Dénonçant, une fois de plus, les violences policières, le président des ‘’patriotes’’ rappelle au régime que l’injustice appelle l’injustice. L’enjeu, à ce jour, est de ‘’faire bloc contre ce projet d’effacement de notre démocratie. Rien ne résiste à la volonté et au courage d’un peuple. Seul le peuple est souverain’’, dit-il.  

La sensible question de l’appartenance ethnique

Le dossier de la Casamance s’est invité au débat. Ousmane Sonko dénonce un projet de discrimination et de marginalisation enclenché, depuis le début de cette affaire, dans le seul but de diviser le peuple sénégalais. Un état de fait dénoncé par l’activiste Guy Marius Sagna, récemment. Les personnes arrêtées ont essuyé des propos déplacés quant à leur appartenance ethnique. ‘’Je lance un appel au peuple sénégalais, car Macky Sall est prêt à tout, même à sacrifier la cohésion sociale. Depuis six ans que je suis sur la scène politique, jamais on n’a autant entendu parler de l’appartenance régionale et ethnique d’un leader politique au Sénégal. Comme si c’était un crime d’appartenir à la Casamance’’.

 A l’en croire, il avait, à un moment donné, demandé une habilitation de l’Etat du Sénégal pour organiser une médiation avec les rebelles de la zone. ‘’Je suis contre tout projet d’indépendance de la Casamance’’, déclare-t-il.

Une altercation quelques minutes avant la conférence

Il s’en est fallu de peu pour que la déclaration du parlementaire n’ait pas lieu. Une altercation entre sa garde rapprochée et la police a failli virer au drame. ‘’Une camionnette est garée devant chez moi, depuis quelques heures, avec deux messieurs se permettant de prendre des photos et des films de ma demeure. Ils ont été interpellés par mes gardes du corps aujourd’hui. Ce que nous avons découvert dans cette camionnette ne doit rassurer aucun citoyen. Lorsque nous avons ouvert, le matériel électronique et de surveillance dépasse l’entendement.

C’est déplorable que monsieur Macky Sall déploie nos forces de défense et de sécurité, non pas pour protéger les populations, mais pour espionner un adversaire politique. C’est triste que le Sénégal en soit arrivé là, au point que le président Macky Sall, obnubilé par des ambitions démesurées, déploie tout ce dispositif pour surveiller un adversaire politique. Il utilise les moyens régaliens pour espionner son adversaire. Depuis 25 jours, le Sénégal retient son souffle, suspendu à une machination aux conséquences imprévisibles. Macky Sall ne m’effraie pas, nous allons porter plainte et saisir les organisations de défense des Droits de l’homme. Macky Sall doit me respecter, mais il ne va reculer que si le peuple se lève’’.


MESSAGE ENVOYE A L’AVOCAT DE SONKO

’Un conseil très important dans ce dossier DSK...’’

Ousmane Sonko a divulgué, hier, le contenu d’un message reçu par un de ses avocats. L’auteur serait un avocat ayant des liens avec le ministre de l’Intérieur.

‘’Un conseil très important dans ce dossier DSK : l’envoyer en prison n’est pas une bonne solution. Cela va entrainer le pays dans un cycle de manifestations pour sa liberté, ici comme à l’étranger. Après la levée de son immunité, il faudra que les enquêteurs lui envoient sa convocation, il vient répondre, ils le laissent rentrer pour revenir le lendemain jusqu’à la fin de son audition. Le juge organise le procès et les avocats vont le pousser à avouer publiquement le rapport sexuel. Cela suffit et là, il sera discrédité devant l’opinion. Aller vers la condamnation risque d’être une grande erreur, cela va installer le pays dans une série de manifestations. Mais libre, cette image de DSK va le suivre partout.’’

EMMANUELLA MARAME FAYE

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