Un taux d’endettement de 70 % du PIB en moyenne atteint en 2020
En Afrique subsaharienne, le taux d’endettement a atteint 70 % du produit intérieur brut (PIB) en moyenne, au cours de l’année 2020. C’est ce qu’a révélé la Banque mondiale dans sa dernière édition semestrielle des ‘’Perspectives économiques mondiales’’, rendue publique hier.
Pour couvrir les besoins économiques, sociaux et sanitaires de leurs pays face à la pandémie de Covid-19, les Etats de l’Afrique subsaharienne ont, comme la plupart des pays en développement, fait recours aux ressources extérieures. Dans sa dernière édition semestrielle des ‘’Perspectives économiques mondiales’’, rendue publique hier, la Banque mondiale a souligné que la dette publique a considérablement augmenté dans la région. Elle a atteint, selon les estimations, 70 % du produit intérieur brut (PIB) en moyenne au cours de l’année écoulée.
‘’Ce qui ne fait qu’accroître les préoccupations suscitées par la viabilité de l’endettement dans certains pays. Les banques pourraient enregistrer une forte augmentation des prêts improductifs, les entreprises ayant peine à assurer le service de leur dette par suite de la chute de leurs recettes. Les répercussions négatives durables de la pandémie pourraient ralentir la croissance à long terme, en raison de l’ampleur de la dette qui paralyse l’investissement, de l’impact des confinements sur la scolarité et la valorisation du capital humain, et de la dégradation de l’état de santé des populations’’, signale la BM.
L’institution de Bretton Woods renseigne que les perspectives pour l’Afrique subsaharienne sont exposées à plusieurs risques de dégradation. La croissance des principaux partenaires commerciaux pourrait, selon le rapport de la BM, être inférieure aux prévisions. ‘’La distribution à grande échelle d’un vaccin contre la Covid-19 dans la région se heurtera probablement à de nombreux obstacles, notamment les insuffisances des infrastructures de transport et le manque de capacité des systèmes sanitaires. Ces difficultés, encore aggravées par des catastrophes naturelles, comme les récentes inondations qui ont provoqué des dégâts considérables, et l’augmentation de l’insécurité, en particulier dans le Sahel, pourraient retarder la reprise’’, lit-on dans le document.
Selon les dernières estimations disponibles, la production en Afrique subsaharienne s’est contractée de 3,7 % en 2020, à la suite des perturbations de l’activité économique provoquées par la pandémie de Covid-19 et les mesures de confinement qui s’en sont suivi. Le revenu par habitant a, de ce fait, diminué de 6,1 %, et le niveau de vie moyen est retombé aux niveaux enregistrés il y a plus d’une dizaine d’années, dans un quart des pays de la région. Les États les plus touchés sont ceux où la pandémie a le plus frappé, ceux qui sont fortement tributaires des secteurs du voyage et du tourisme, et ceux qui exportent des produits de base, en particulier du pétrole.
La pandémie a continué de se propager au deuxième trimestre dans plusieurs pays et ne donne guère des signes de s’atténuer.
Un taux de croissance de 2,7 % attendu en 2021
Selon les projections de la Banque mondiale, l’Afrique subsaharienne devrait enregistrer un redressement modéré en 2021, avec un taux de croissance de 2,7 %. Pour la reprise de la consommation et de l’investissement privé, elle informe qu’elle pourrait être ‘’plus lente que prévu antérieurement’’. Mais, les exportations devraient s’accélérer progressivement, à la faveur de la relance des activités des principaux partenaires commerciaux. ‘’Le redressement de l’activité économique dans les grands pays avancés et émergents, et chez les principaux partenaires commerciaux de la région (Europe, Chine, États-Unis) repose principalement sur les annonces encourageantes en matière de développement et de déploiement des vaccins anti-Covid ainsi que sur les nouveaux programmes de relance budgétaire’’, dit notre source.
Les ‘’Perspectives économiques mondiales’’ de la BM montrent que les prévisions d’une croissance atone en Afrique subsaharienne sont dues à la persistance de l’épidémie de Covid-19 dans plusieurs pays, qui fait obstacle à la reprise de l’activité économique. D’après les projections, la pandémie provoquera une baisse de 0,2 % des revenus par habitant cette année et mettra les Objectifs de développement durable (ODD) encore moins à la portée de nombreux pays de la région. Ce renversement de tendance devrait entraîner, selon elle, le basculement de dizaines de millions de personnes supplémentaires dans l’extrême pauvreté en 2020 et 2021.
Toute l’institution relève qu’une reprise devrait être légèrement plus soutenue, bien qu’inférieure aux moyennes historiques dans les pays exportateurs de produits agricoles où l’activité sera portée par le niveau élevé des cours mondiaux des denrées agricoles. Les prévisions font état d’une reprise plus timide pour les exportateurs de produits industriels. Alors que les prix des métaux se sont légèrement redressés au deuxième semestre de l’année dernière, les cours du pétrole sont demeurés bien inférieurs à ce qu’ils étaient en 2019. Ce qui a eu des conséquences défavorables pour les exportateurs pétroliers (Angola, République du Congo, Gabon, Ghana, Guinée équatoriale, Tchad).
L’économie mondiale devrait progresser de 4 % en 2021
Au plan mondial, le rapport renseigne que l’économie devrait progresser de 4 % en 2021. Ceci, prévient la Banque mondiale, à condition que le déploiement initial des vaccins contre la Covid-19 débouche sur des campagnes massives de vaccination tout au long de l’année. ‘’La reprise risque néanmoins de rester modeste, si les responsables politiques ne passent pas résolument à l’action pour endiguer la pandémie et mettre en œuvre des réformes propices aux investissements, indique la Banque mondiale dans sa dernière édition semestrielle des ’Perspectives économiques mondiales’’’, précise la même source.
Malgré le redémarrage de l’économie mondiale après la contraction de 4,3 % enregistrée en 2020, la pandémie a prélevé un lourd tribut en termes de morbidité et de mortalité, et plongé des millions d’individus dans la pauvreté. ‘’Alors que l’économie mondiale semble s’orienter vers une reprise timide, les décideurs sont confrontés à des défis redoutables, qu’il s’agisse de la santé publique, de la gestion de l’endettement, des politiques budgétaires, de l’action des banques centrales ou des réformes structurelles, pour faire en sorte que cette dynamique toujours fragile se confirme et jette les bases d’une croissance solide. Pour surmonter les effets de la pandémie et affronter les vents contraires à l’investissement, nous devons donner une impulsion décisive aux efforts visant à améliorer l’environnement des affaires, accroître la flexibilité du marché du travail et des produits, et renforcer la transparence et la gouvernance’’, déclare le président du groupe de la Banque mondiale, David Malpass.
Les perspectives à court terme ‘’hautement incertaines’’
Pour sa part, la vice-présidente et économiste en chef du groupe de la Banque mondiale, Carmen Reinhart, a estimé qu’il faudra également ‘’remédier aux fragilités financières’’ de la plupart de ces pays, les ménages vulnérables et les entreprises étant pénalisés par les chocs de croissance.
Il convient de noter que les perspectives à court terme sont ‘’hautement incertaines’’, différents scénarios de croissance restant possibles, comme le détaille le rapport. Selon un scénario pessimiste de hausse continue des contaminations et de retard dans le déploiement des vaccins, l’économie mondiale pourrait ne regagner que 1,6 % en 2021.
À l’inverse, en cas de maîtrise de la pandémie et d’accélération de la vaccination, le rythme de croissance pourrait atteindre pratiquement 5 %.
Il urge de signaler également que les chapitres analytiques de la dernière édition des ‘’Perspectives économiques mondiales’’ s’intéressent aux effets amplificateurs de la pandémie sur l’accumulation de la dette ; à son impact éventuel sur la croissance à long terme, faute de réformes concertées. Mais aussi aux risques liés au recours par les marchés émergents et des économies en développement (EMDE) à une politique monétaire prenant la forme de programmes d’achats d’actifs. ‘’La pandémie a fortement exacerbé les risques d’endettement dans les marchés émergents et les économies en développement, sachant qu’une croissance atone risque d’alourdir encore le fardeau de la dette et d’éroder la capacité des pays emprunteurs à en assurer le remboursement. La communauté internationale doit agir rapidement et avec détermination pour éviter que l’accumulation récente des dettes publiques ne débouche sur des crises de l’endettement en série.
Les pays en développement n’ont pas les moyens d’assumer une nouvelle décennie perdue’’, renchérit le vice-président par intérim de la BM pour la Division croissance équitable, finance et institutions, Ayhan Kose.
À l’instar des graves crises du passé, les experts de la BM pensent que cette pandémie devrait ‘’pénaliser durablement’’ l’activité économique mondiale. Le sous-investissement, le sous-emploi et la contraction de la main-d’œuvre dans de nombreuses économies avancées risquent, d’après eux, d’accentuer le ralentissement attendu de la croissance mondiale dans les dix prochaines années.
À en juger par l’expérience, l’économie mondiale devrait entamer une décennie de performances décevantes, à moins que les responsables politiques n’introduisent des réformes globales pour renforcer les leviers indispensables à l’avènement d’une croissance équitable et durable.
Aujourd’hui, pour faire face à ces incertitudes, la BM appelle les décideurs à continuer d’accompagner la reprise, en abandonnant progressivement les politiques de soutien au revenu, au profit de mesures de consolidation de la croissance. ‘’À plus longue échéance, les marchés émergents et les économies en développement devront adopter des politiques pour améliorer les services de santé et d’éducation, les infrastructures numériques, la résilience au changement climatique et les pratiques commerciales et de gouvernance, dans le but d’amortir les ravages économiques de la pandémie, mais aussi de réduire la pauvreté et de promouvoir une prospérité partagée. Les réformes institutionnelles pour stimuler une croissance organique seront particulièrement cruciales dans ce contexte de précarité budgétaire et de risque de surendettement’’, rapporte le document.
MARIAMA DIEME