Idrissa Seck livre un avant-goût de projet présidentiel
Comme nous l'annoncions en exclusivité dans notre édition de mardi, une délégation de l'université américaine de Princeton était ce mercredi à Thiès, hôte d'un de ses anciens étudiants. A cette occasion, Idrissa Seck a profité de la symbolique prestigieuse que porte Princeton pour appeler à la correction du manque d'efficacité qui frappe le système d'enseignement sénégalais. Comme une esquisse de projet présidentiel qui ne dit pas encore son nom.
Idrissa Seck n’est pas prêt à lâcher le fauteuil de la mairie de Thiès, une ville pour laquelle il semble encore avoir de grandes ambitions. «Je veux faire de Thiès la capitale africaine de la science. Et un jour, la capitale mondiale de la science.» C’est l’annonce principale faite par l'ancien Premier ministre au terme de la visite que lui a rendu hier une délégation de l’université américaine de Princeton. «Cela peut paraître ambitieux. Quand j’en parlais à un de mes amis de Princeton, il a bien rigolé en me disant : ce matin, ici à Princeton, personne ne s'est réveillé en ayant peur d’une compétition venant du Sénégal. Je lui ai dit : faites attention, elle arrive», a narré Idrissa Seck devant le directeur du Programme de Princeton, et des intellectuels de la ville Thiès dont le recteur de l’université de Thiès, Cheikh Sadibou Boye, le directeur de Polytechnique, El hadji Bamba Diaw, ainsi que les proviseurs des principaux lycées de Thiès, sans oublier le Bureau politique de Rewmi.
«Nous avons des cerveaux brillants, les Sénégalais le prouvent quotidiennement dans les grandes universités du monde et les grandes écoles. Nous avons des professeurs avec un très grand potentiel, il faut maintenant une organisation capable de mettre en place des institutions fortes, financièrement autonomes et capables de garantir l’égale chance d’accès à l’éducation. Et cela doit commencer dès le départ», a souligné Idrissa Seck. S'appuyant sur des chiffres qui lui sont propres, il a indiqué que 400 000 bébés naissent chaque année au Sénégal, dont un peu moins de 100 000 meurent avant l'âge de 5 ans du fait d’un déficit de vaccination ou de nutrition. Et sur les 300 000 autres, poursuit-il, «nous n’arrivons (même) pas à en accueillir 200 000 de façon convenable à l’école élémentaire et la moitié ne termine pas ce cycle.» Et d'après toujours ses statistiques, seuls 8 ou 4 élèves arrivent au Bac «alors que nous dépensons 500 milliards F Cfa par an dans notre système éducatif. C’est ça qu’il faut corriger», a-t-il plaidé. A la suite, le président de Rewmi a interpellé les fournisseurs d’éducation afin qu'ils soient plus efficaces dans leurs dépenses. «Si on me dit qu’à l’université de Dakar, le coût moyen d’un étudiant est de 980 000 F Cfa contre 500 000 dans le secteur privé, il y a peut-être des choses à revoir pour davantage d’efficacité», a ajouté Idrissa Seck.
A cette cérémonie qui s'est déroulée au Cybercampus, l'ex-candidat à la présidence de la République a salué la visite de ses amis de Princeton. «Ils allaient en Inde, en Chine, ou au Pérou, maintenant ils viennent ici au Sénégal. Bientôt ils vont aller au Brésil», a relevé le maire de Thiès. «Et le fait que notre pays soit choisi par une université d'un tel prestige et de ce rang mondial doit nous inspirer à préserver les atouts qui ont fait qu’on ait pu penser à nous, c’est-à-dire d’abord notre stabilité et notre sécurité, notre démocratie et notre respect de la règle de droit. C’est cela le travail de tous les Sénégalais.» Pour M. Seck, le Sénégal dispose d'une «plate-forme de base capable de nous permettre de générer des institutions de qualité comparables à celles de Hawaï, Princeton, Polytechnique en France. C’est le but que je poursuis à l’occasion de ces différentes rencontres».
Dans la foulée, il a révélé les termes d'un entretien avec son professeur de Biologie à Princeton. «Il m’a dit : Idrissa, tu viens d’un continent qui a trois problèmes : vous avez faim, vous avez du mal à nourrir votre population. Vous êtes malade, vous avez du mal à vous soigner. Et vous n’avez pas de passé industriel. Puis il a ajouté : si dans l’avenir vous voulez nous rattraper, nous pays développés, concentrez-vous sur les deux sciences qui domineront le siècle prochain : la Biologie et les Sciences de l’information, c'est-à-dire informatique et télécoms. Et pour développer ces secteurs, vous n’avez pas besoin d'un passé industriel très large, il vous faut juste des étudiants brillants capables de cultiver des bactéries en laboratoire, de concevoir et de rédiger des logiciels. Cet entretien m’a donné beaucoup d’idées», a reconnu le maire de Thiès. C'est ainsi que «tous les projets que j’ai lancés, ce Cybercampus entre autres, sont dérivés de ces échanges que j’ai eus au niveau de Princeton».
NDÈYE FATOU NIANG (THIÈS)