Publié le 16 Aug 2013 - 23:49
EGYPTE

 La "journée de la colère" vire au bain de sang

 

La "journée de la colère" décrétée vendredi par les Frères musulmans en Egypte a dégénéré en de nouveaux heurts meurtriers qui ont fait près de cent morts au Caire et dans d'autres villes du pays.

 

Cette journée de rassemblements après les grandes prières avait été lancée par la confrérie pour protester contre la dispersion sanglante, mercredi, des campements installés dans la capitale et pour réclamer le rétablissement dans ses fonctions de l'ancien président islamiste Mohamed Morsi, destitué par les militaires le 3 juillet. Dans la soirée, les Frères musulmans n'ont pas relâché leur pression en appelant à des manifestations chaque jour dans le pays "jusqu'à la fin du coup d'Etat".

Paris et Berlin ont évoqué une possible révision de leurs relations avec Le Caire, deux jours après la mort de centaines de personnes dans l'assaut donné par les forces de sécurité aux camps pro-Morsi, tandis que le roi Abdallah d'Arabie saoudite a exprimé son soutien aux nouvelles autorités, engagées selon lui dans une bataille contre le "terrorisme".

Dans le centre du Caire, survolé par des hélicoptères de l'armée et où retentissaient des rafales d'armes automatiques, on a dénombré une cinquantaine de morts selon des sources proches des services de sécurité.

Ailleurs dans le pays, une quarantaine de morts ont été recensées, portant le bilan total à près de cent morts même si le bruit des armes s'est tu dans la capitale à la nuit tombée, avec l'entrée en vigueur du couvre-feu.

A Alexandrie, deuxième ville du pays, le bilan est de 16 morts et 140 blessés selon la télévision nationale. Dans la province du Fayoum, au sud du Caire, un bilan médical fait état de cinq morts et 70 blessés. Huit morts ont été signalés à Damiette, au bord de la mer Méditerranée, quatre à Ismaïlia, dans le Nord-Est, quatre à Port-Saïd, quatre à Suez, et quatre à Tanta dans le delta du Nil.

Selon les autorités, 24 membres des forces de l'ordre ont été tués et 15 postes de police attaqués depuis jeudi soir en Egypte.

 

La "détermination" des Frères

 

Vendredi matin, l'armée égyptienne a déployé des dizaines de véhicules blindés aux points névralgiques de la capitale. Le ministère de l'Intérieur avait prévenu la veille que les forces de sécurité tireraient à balles réelles contre ceux qui s'en prendraient à elles ou à des bâtiments officiels.

Mais des milliers d'islamistes ont tout de même convergé à la sortie des mosquées vers la place Ramsès, dans le centre de la capitale, où des affrontements ont éclaté.

Des milliers de manifestants islamistes, le visage protégé par des masques chirurgicaux, des masques à gaz et des foulards, ont fait face aux gaz lacrymogènes. Des journalistes de Reuters ont entendu des coups de feu et vu trois hommes portant des armes à feu. Des protestataires ont applaudi l'arrivée de voitures transportant des hommes armés, a déclaré un autre correspondant de Reuters.

"Tôt ou tard, je vais mourir", a déclaré Sara Ahmed, l'une des rares manifestantes du Caire à ne pas porter le voile islamique. "Il vaut mieux mourir pour mes droits que dans mon lit. Les fusils ne nous font plus peur (...) Il ne s'agit pas des Frères, il s'agit des droits de l'homme."

Même si elle admet avoir "pris des coups", la confrérie refuse de reculer dans son bras de fer avec le chef d'état-major de l'armée, le général Abdel Fattah al Sissi, qui cumule les fonctions de ministre de la Défense et vice-Premier ministre et qu'ils tiennent pour responsable du bain de sang de mercredi.

Le "vendredi de la colère" a été le nom donné à la journée la plus violente du soulèvement de janvier-février 2011 ayant abouti à la chute de l'ancien président Hosni Moubarak. Ce jour-là, le 28 janvier 2011, les manifestants avaient pris le dessus sur la police, amenant l'armée à intervenir et à mettre à l'écart le "raïs".

 

Réunion à Bruxelles

 

Cette aggravation de la situation et la polarisation croissante de la société égyptienne inquiètent la communauté internationale, qu'alerte notamment la proclamation, mercredi, de l'état d'urgence par les autorités égyptiennes, pour une durée d'un mois.

Réuni d'urgence, le Conseil de sécurité des Nations unies a lancé jeudi soir un appel à la retenue.

De leur côté, Paris, Londres, Berlin et Rome ont demandé une réunion d'urgence des ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne et évoqué une possible révision des relations diplomatiques avec le pays.

Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a précisé que cette réunion se tiendrait la semaine prochaine après un travail préparatoire lundi à Bruxelles des représentants des 28 Etats membres.

François Hollande et Angela Merkel ont estimé que l'Union européenne devrait revoir ses relations avec l'Egypte à la lumière des derniers développements. Berlin a parallèlement conseillé pour la première fois aux touristes d'éviter jusqu'aux stations balnéaires égyptiennes de la mer Rouge.

Le président américain Barack Obama a estimé pour sa part que les Etats-Unis ne pouvaient plus coopérer normalement avec l'Egypte et a annoncé l'annulation de manoeuvres militaires conjointes entre les deux pays prévues en septembre. Mais il n'a pas pour autant touché à l'aide financière massive que Washington apporte à l'armée égyptienne.

A l'inverse, le roi Abdallah d'Arabie saoudite a appelé les nations arabes à soutenir les autorités égyptiennes dans leur lutte "contre le terrorisme" et les tentatives de déstabilisation du pays.

 

REUTERS

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