L’Afrique dit stop !

Dette publique, mobilisation des ressources domestiques, réforme du système financier international… Autant de sujets au cœur des discussions à Johannesburg, en prélude au sommet historique du G20 prévu en novembre dans la capitale économique de l’Afrique du Sud.
Johannesburg s’apprête à accueillir, pour la première fois en terre africaine, le sommet du G20 prévu en novembre. À un mois de ce rendez-vous capital, des dizaines d’économistes hétérodoxes venus des quatre coins du monde se sont réunis dans la capitale économique sud-africaine pour réfléchir à un nouveau paradigme de gouvernance économique mondiale.
Responsable de la recherche et des politiques pour l’Afrique au sein d’IDEAs (International Development Economics Associates), le Dr Ndongo Samba Sylla est revenu sur les objectifs de ce pré-G20. Selon lui, ce changement de paradigme est une nécessité pour les pays du Sud. « Dans le cadre de cette conférence, nous avons mis en exergue la solidarité Sud-Sud à travers les politiques d’industrialisation, mais aussi l’autonomie financière », a-t-il souligné.
Par cette initiative, Ndongo et ses collègues entendent proposer des pistes de solutions pour les États qui cherchent à sortir du carcan imposé par les institutions de Bretton Woods et le système néolibéral. Avec la récurrence des crises de la dette, la multiplication des sanctions financières et des systèmes de paiement défavorables aux pays du Sud, la question devient urgente.
Pour un changement de paradigme
Quelles alternatives face à ces crises, aggravées par les politiques du FMI et de la Banque mondiale ? « Ce sont toutes ces questions que nous allons aborder durant ces trois jours de conférence. Nous espérons en sortir avec des contributions clés qui alimenteront le débat sur de véritables alternatives », explique le chercheur.
Parmi les thématiques au cœur de l’événement figurent : la mobilisation des ressources domestiques, la politique industrielle verte et la mise en place d’un système financier alternatif, notamment à travers des mécanismes de paiement innovants.
L’objectif pour IDEAs est clair : contribuer à sortir d’un système toxique qui n’a fait que renforcer les puissants et maintenir les dominés dans la dépendance. En attendant, l’organisation explore des solutions face aux crises actuelles. Mais pour y parvenir, avertit Ndongo, « un rapport de force politique est indispensable. Cela suppose une mobilisation des peuples et des intellectuels pour obtenir de meilleurs accords de la part des créanciers ».
FMI – Banque mondiale : un système qui récompense l’opacité ?
À Johannesburg, le cas du Sénégal revient souvent dans les interventions. Comme celui du Mozambique, il est devenu un cas d’école qui attire l’attention des chercheurs. Le 26 septembre 2024, le Premier ministre Ousmane Sonko faisait une sortie remarquée en dévoilant les dessous de la gestion budgétaire du Sénégal sous le régime de Macky Sall. Pour beaucoup, il s’agissait d’un exercice de transparence salutaire.
Mais paradoxalement, alors que les bénéfices peinent à se faire sentir, le coût pour le contribuable est devenu insoutenable : coupes dans les investissements, hausse des taxes, suspension de programmes sociaux. Dans la LFR de décembre 2024, soit trois mois seulement après la sortie du Premier ministre, le gouvernement évoquait, parmi les justificatifs de la LFR, une hausse des intérêts sur la dette de 245,9 milliards de F CFA, « sous l’effet du renchérissement des conditions d’emprunt ».
Aussi, en fin 2023, le taux d’endettement réévalué était de 111 %. En décembre 2024, il bondissait à 118 %.
La transparence est-elle alors utile ? Pour Ndongo Samba Sylla, elle ne paie pas toujours dans ce système dominé par la logique des créanciers : « Ceux-ci ne s’intéressent qu’au rendement et à la garantie de leur investissement. Dès lors, quand un pays admet que sa dette atteint un certain niveau, cela suscite la panique. »
Toutefois, tient-il à souligner, la question n’est pas à analyser que sous le prisme financier. La transparence, selon lui, reste un impératif démocratique : « Les gouvernements doivent des comptes à leurs peuples. À court terme, cela peut être pénalisant. Mais à long terme, c’est toujours bénéfique, car cela offre une référence claire, indispensable à des politiques judicieuses. »
L’alternative à la dette
Pour Sylla, l’un des problèmes majeurs est la croyance selon laquelle il est “normal voire naturel” d’aller sur les marchés financiers et d’émettre des titres en devises étrangères pour financer l’économie. Une conception erronée, insiste-t-il : « Il existe d’autres moyens de financer le développement. Les pays doivent en prendre conscience. »
Le spécialiste plaide pour de nouveaux systèmes de paiement qui protégeraient les États des marchés financiers internationaux. Certes, l’absence de souveraineté monétaire rend le défi plus complexe, mais des solutions existent. « Sans monnaie propre, un pays n’a pas d’instruments macroéconomiques. Il ne peut donc pas avoir de politique économique cohérente », martèle-t-il.
Cela dit, souligne Ndongo, les pays du Sud doivent créer des systèmes alternatifs qui concilient souveraineté nationale et solidarité régionale. Des réflexions innovantes existent déjà sur des mécanismes de paiement capables de réduire la dépendance et d’atténuer les crises de la dette.
Pour rappel, le prochain G20 qui se tiendra en Afrique du Sud est inscrit sous le thème : « Solidarité, Égalité, Durabilité ». Il faut aussi noter que Donald Trump, qui en veut à l’Afrique du Sud pour son positionnement contre Israël, a décidé de ne pas participer à ce rendez-vous. Il sera néanmoins représenté par son vice-président. Ce qui ne réduit en rien l’ardeur des anti-systèmes qui s’activent pour faire bouger la ligne.
PAR MOR AMAR