Publié le 29 Oct 2025 - 15:37
CRISE AU MALI  

Bamako en alerte 

 

Au lendemain de la fermeture de l’ensemble des établissements scolaires et universitaires du pays, l’alerte de l’ambassade des États-Unis qui demande aux ressortissants américains de quitter immédiatement le Mali suscite inquiétudes et interrogations.

 

La situation se dégrade jour après jour à Bamako. Depuis quelques semaines, sous l’effet du blocus imposé par les territoires, le Mali peine à se ravitailler dans certains produits de première nécessité, en particulier en carburant. Les autorités ont même été contraintes de fermer les écoles pour quelques jours.

Dans un communiqué, les ministères en charge de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieur informent : “Les cours seront interrompus sur toute l’étendue du territoire national, du lundi 27 octobre 2025 au dimanche 9 novembre 2025 inclus. La reprise des cours est prévue pour le lundi 10 novembre 2025.”

Il ressort du communiqué que cette suspension est due aux “perturbations dans l’approvisionnement en carburant” qui affectent les déplacements des acteurs de l’école.

Selon des sources établies au Mali, la rupture dans la fourniture de carburant n’est que la face visible de l’iceberg. “Il y a une ambiance de fin de règne dans ce pays. Non seulement les écoles et universités sont fermées, le transport et l’économie sont à terre, sans parler de l’insécurité”, renseigne la source qui estime que la fermeture des écoles cache des non-dits sur la situation sécuritaire plus que préoccupante.

Sur place, certains estiment qu’en réalité, les terroristes sont désormais un peu partout autour de Bamako. Un de nos interlocuteurs évoque l’alerte de l’ambassade des États-Unis qui est le pays le mieux renseigné au monde.

En effet, hier, l’ambassade des États-Unis au Mali a publié une alerte pour demander à tous ses ressortissants à quitter le Mali le plus rapidement possible. “Les citoyens américains actuellement présents au Mali doivent quitter le pays immédiatement en utilisant les transports aériens commerciaux. L'aéroport international de Bamako reste ouvert et des vols sont disponibles”, indique le document.

La représentation diplomatique a invité ses ressortissants prendre la voie aérienne et non terrestre à cause de la situation sécuritaire. “Les citoyens américains doivent quitter le pays en utilisant les transports aériens commerciaux, car les routes terrestres vers les pays voisins peuvent ne pas être sûres en raison des attaques terroristes le long des autoroutes nationales. Les citoyens américains qui choisissent de ne pas quitter le Mali doivent préparer des plans d'urgence pour toute situation d'urgence pouvant survenir, y compris la nécessité de se réfugier sur place pendant une période prolongée”, poursuit l’ambassade.

Le communiqué est revenu sur les problèmes persistants liés aux infrastructures, notamment les perturbations continues de l'approvisionnement en essence et en diesel, la fermeture d'établissements publics tels que les écoles et les universités dans tout le pays, et surtout “le conflit armé qui oppose actuellement le gouvernement malien à des éléments terroristes autour de Bamako”. Ce qui rend la situation sécuritaire à Bamako encore plus imprévisible, selon la représentation diplomatique qui invite les citoyens américains à éviter de se rendre au Mali.

“L'ambassade des États-Unis à Bamako n'est pas en mesure de fournir des services d'urgence ou une assistance aux citoyens américains en dehors de la capitale. Veuillez faire preuve de prudence lorsque vous voyagez au Mali…”, met en garde la source.

Sur son compte X, le journaliste Serges Daniel a informé de l’enlèvement de deux ressortissants égyptiens. D’après ses informations, les deux ressortissants égyptiens “ont été enlevés entre Bamako et Ségou par des hommes armés la semaine dernière. Les deux otages sont des investisseurs qui prospectaient le terrain pour la vente d’ustensiles”.

‘’Une junte qui confond communication et action, slogans et solutions”

Il convient de noter que cette situation n’est pas tombée du ciel. En septembre dernier, Nabi Diarra, porte-parole du JNIM avait lancé la menace. L’organisation avait promis de bloquer Kayes et Nioro, afin d’asphyxier Bamako en coupant les voies de ravitaillement en carburant. Quelques semaines plus tard, les menaces semblent devenir réalité.

De l’avis de Sambou Cissoko, les terroristes n’ont pas seulement réussi à entraver la circulation, ils ont réussi une opération chirurgicale visant à ébranler trois piliers simultanément : la confiance des citoyens envers l’État, le tissu économique, et enfin le moral collectif. “Chaque jour sans carburant, sans nourriture, sans médicaments pose la même question mortelle aux populations : à quoi sert cette junte qui ne peut même pas garantir l’essentiel ? Les djihadistes n’ont pas besoin de conquérir Bamako. Il leur suffit de prouver qu’ils peuvent paralyser le pays depuis ses périphéries”, souligne-t-il sur sa page Facebook. À son avis, avec cette dégradation des conditions de vie, il y a de quoi s’inquiéter.

“La peur et la faim sont des adversaires plus redoutables que les kalachnikovs. Quand le ventre crie famine, la colère ne se tourne pas vers ceux qui imposent le siège, mais vers ceux qui sont censés protéger. Le blocus transforme les citoyens en otages, et les otages finissent par négocier avec leurs geôliers. Le plus troublant dans cette tragédie n’est pas l’audace des djihadistes. C’est l’impuissance apparente d’une junte qui confond communication et action, slogans et solutions”, dénonce le militant de la société civile.

MOR AMAR

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