Publié le 24 Jul 2021 - 02:43
ESPIONNAGE ELECTRONIQUE DE PERSONNALITES POLITIQUES FRANÇAISES ET D’OPPOSANTS RWANDAIS

Le Maroc et le Rwanda au cœur de la tempête Pegasus

 

Le consortium de journalistes Forbidden Stories et Amnesty International ont révélé depuis le début de la semaine une série de scandales impliquant l’usage du logiciel d’espion électronique Pegasus de la part de certains Etats, notamment le Maroc et le Rwanda. Ces deux pays sont accusés d’avoir fait appel aux services de l’entreprise israélienne NSO qui a développé ce logiciel qui permet de récupérer les messages, photos, contacts de plusieurs opposants rwandais et de hauts responsables politiques et journalistes français et algériens par les services secrets marocains.

 

Le Maroc est plongé dans la tourmente, à la suite des révélations liées au scandale du logiciel d’espionnage électronique Pegasus développé par le start up israélien NSO Group. Cette affaire d’espionnage qui implique de nombreux Etats et gouvernements, embarrasse particulièrement le royaume chérifien qui est indexé depuis le début de la semaine par un consortium de 17 journaux internationaux pour son utilisation du logiciel de surveillance israélien.

Ainsi, Rabat est accusé d'avoir eu recours au logiciel d'espionnage Pegasus et d’avoir ciblés plus 10 000 numéros de téléphone. Introduit dans un smartphone, ce logiciel, conçu par la société israélienne NSO, permet d'en récupérer les messages, photos, contacts et d'activer à distance les micros.

En effet, parmi les clients de la société israélienne, on retrouve deux entités des services de renseignements marocains : la Direction générale des études et de la documentation et de la Direction générale de la surveillance du territoire.  D'après ‘’Le Monde’’ et Radio France internationale, les services de renseignements marocains ont notamment ciblé, en 2019, le président français Emmanuel Macron et son Premier ministre de l'époque, Édouard Philippe, en vue d'une surveillance de leurs téléphones, en utilisant Pegasus. Des journalistes français travaillant pour le journal indépendant ‘’Mediapart’’ ont été aussi espionnés par les services marocains.

Selon les experts, un certain rapprochement de Paris avec Alger, la question du Sahara occidental ont pu pousser les autorités sécuritaires marocaines à faire usage de ce logiciel d’espionnage. ‘’Les services marocains sont des services extrêmement professionnels, qui fonctionnent à peu près sur le modèle français. Là, ils s’intéressent à tout ce qui intéresse la sécurité du royaume, c’est-à-dire le terrorisme bien sûr, les problèmes de la relation avec l’Algérie et les problèmes sahraouis, mais aussi l’opposition éventuelle au régime’’, affirme Alain Chouet, ancien Chef du service de renseignement de sécurité de la DGSE.

L’entourage du Roi du Maroc Mouhamed VI et Emmanuel Macron espionnés par les services marocains

Le gouvernement français a convoqué un conseil de défense extraordinaire ce 22 juillet 2021, pour étudier cette affaire d’espionnage. Le Premier ministre français Jean Castex a promis une réaction de la France, si les faits sont avérés. Nul doute que Paris pourrait envoyer une protestation vigoureuse auprès de son allié marocain. Ces mêmes services ont même pris pour cible leur propre gouvernement ainsi des journalistes, opposants, hommes politiques, mais aussi l’entourage du roi Mohamed VI, notamment son cousin Hicham Alaoui, critique du régime, appelé le ‘’prince rouge’’ et déchu de son titre.

Tous les regards se portent sur le patron du renseignement, l’un des hommes les plus puissants du royaume, Abdellatif Hammouchi, Chef de la Direction générale de la surveillance du territoire (DGST) et qui serait au cœur de cette opération.

Les hauts responsables militaires et civils algériens ont aussi fait l’objet d’espionnage de la part des services secrets marocains. Plus de 6 000 numéros en provenance d’Algérie ont été pris pour cible par le logiciel Pegasus.  La justice française a annoncé, le mardi 20 juillet, l’ouverture d'une enquête.

Face à ces accusations, le gouvernement marocain a décidé de contre-attaquer. Ainsi, le parquet général marocain a annoncé, le mercredi 21 juillet, l'ouverture d'une enquête judiciaire. Parallèlement, le gouvernement marocain a indiqué vouloir engager des procédures judiciaires contre "toute partie reprenant à son compte ces allégations fallacieuses". De son côté, la justice française a annoncé l’ouverture d’une enquête.  

Pegasus, pour traquer les opposants rwandais

L’autre pays éclaboussé par les révélations du consortium de journalistes internationaux est le Rwanda. Les autorités du ‘’Pays des mille collines’’ auraient eu recours au logiciel Pegasus de la société israélienne NSO Group pour espionner la fille de l'opposant Paul Rusesabagina ainsi qu’une dizaine d’opposants au régime de Paul Kagamé. D'autres opposants rwandais et même des personnalités à l'étranger auraient été également ciblés par le Rwanda. Parmi eux, on retrouve le demandeur d'asile Cassien Ntamuhanga, notamment. Il a été arrêté au Mozambique en mai dernier. 

Des personnalités politiques dans la région des Grands Lacs figurent également dans la liste des personnes espionnées : Ruhakana Rugunda, ancien Premier ministre ougandais, Alain-Guillaume Bunyoni, Premier ministre burundais et les Congolais Lambert Mende et Albert Yuma, proches de l'ex-président Joseph Kabila ou encore le gouverneur de la province de l'Ituri, Jean Bamanisa Saïdi.  Le régime de Paul Kagamé est souvent accusé par les organisations des Droits de l’homme de mener une traque sans relâche contre les opposants en exil (dissidents politiques, journalistes, défenseurs des Droits de l'homme de la diaspora rwandaise) et que ce type de logiciel pourrait être un instrument de cette répression contre les opposants en exil. 

Le ministre rwandais des Affaires étrangères affirme, pour sa part, que le Rwanda n'utilise pas le logiciel Pegasus et souligne de ‘’fausses accusations’’.

Le précèdent chinois avec l’espionnage du siège de l’Union africaine, en 2017

L’Afrique n’en est pas à son premier scandale d’espionnage. En effet, la Chine a été accusée, en 2017, d’avoir installé un réseau de micros dans le siège de l’Union africaine à Addis Abeba. Un bâtiment offert par l’empire du milieu à l’organisation panafricaine en 2012 et dont les serveurs informatiques étaient basés à Shanghai.  Ainsi, les données internes de l’UA étaient massivement détournées vers la mégapole chinoise.

Comment fonctionne le logiciel Pegasus ?

Ce logiciel Pegasus, développé par l’entreprise israélienne NSO Group permet d'en récupérer les messages, photos, contacts et même d'écouter les appels de son propriétaire.  L’entreprise NSO Group qui prend les noms de ses co-fondateurs N, de S et de O, pour Niv Carmi, Shalev Hulio et Omri Lavie, a été créée en 2009, et s’est imposée en dix ans comme le leader de la surveillance téléphonique. Son logiciel de surveillance Pegasus est très discret quand il s’infiltre dans le smartphone.

Une fois installé dans un smartphone, que ce soit un iPhone ou un Android, Pegasus ne permet pas seulement d’écouter les appels passés et reçus par les téléphones qu’il infecte. A l’époque des messageries chiffrées, les écoutes téléphoniques n’offrent qu’un intérêt relatif. Le logiciel va beaucoup plus loin, en permettant d’absorber tout le contenu d’un téléphone : photos, courriels, contacts, SMS et même les messages échangés par le biais d’applications sécurisées telles que Signal ou WhatsApp.

Il dispose, par ailleurs, de quelques fonctionnalités à la James Bond, comme la possibilité d’activer, à distance, le micro du téléphone.

Contrairement à la plupart des outils de cyber-surveillance, Pegasus n’a été conçu ni par un pirate informatique isolé ni par des agents d’un service d’espionnage russe, américain ou chinois. Il s’agit du produit-phare d’une entreprise privée, NSO Group, que cette dernière a déjà vendu à une quarantaine d’Etats dans le monde. Cette société israélienne – l’enquête menée par ‘’Le Monde’’ et Forbidden Stories démontre qu’elle a mis entre les mains d’Etats - s’est imposée en quelques années comme la figure de proue de la très secrète industrie de la surveillance numérique.

WhatsApp a déposé plainte fin octobre 2019, devant une cour fédérale aux Etats-Unis, contre une société israélienne spécialisée dans les logiciels d’espionnage. La messagerie chiffrée, qui appartient à Facebook, accuse NSO Group de l'avoir piratée pour surveiller une centaine de personnes dans le monde. Parmi elles, des activistes rwandais vivant hors du pays.

Mahfouz Ngom

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