Macky encerclé
Cirem, Cirsem, Ccrr, Section-marron, Antar... Les structures satellites pullulent autour du l'Alliance pour la République (Apr) depuis la victoire de Macky Sall à la présidentielle du 25 mars. Opportunistes ou bienvenues, elles clament toutes un devoir d'accompagner le chef de l'Etat dans ses nouvelles missions, sans jamais éclairer avec pertinence le sens de leur objectif.
Par la force des choses, la politique est devenue au Sénégal un moyen de promotion et les moyens d’y parvenir sont parfois très astucieux. Depuis l’accession de Macky Sall au pouvoir, des structures affilées à l’Alliance pour la République (APR), parti du président de la République, foisonnent. Une stratégie subtile pour certains d’exercer un chantage ou maintenir la pression sur le chef de l’Etat. Cette démarche est d’autant plus incongrue que la plupart des initiateurs de ces associations, cercles ou mouvements appartiennent déjà à des structures légales de l’APR. C’est le cas du Cercle des intellectuels républicains de la coalition Macky Sall (CIREM) de Souleymane Fall, du Comité intellectuel républicain pour le suivi des engagements et la massification (CIRSEM) de Lassana Sidibé, du Cercle de concertation et de réflexion républicaine (CCRR) de Oumar Youm, du Réseau des universitaires républicains de Moussa Baldé.
Or, tous ces responsables sont membres de la Convergence des cadres républicains (CCR), le seul et unique organe reconnu par les instances de l’APR. Même si ces structures se veulent différentes les unes des autres du point de vue de leur objectif et de leur cible d'intervention, il est difficile d'identifier sérieusement ce que peuvent être leurs activités.
Pour Lassana Sidibé, les objectifs du Cirsem ne souffrent d'aucune ambiguïté. «Quand on est membre d'une structure, on doit en connaître les textes. Nous ne sommes pas en porte-à-faux avec la CCR qui est un creuset de réflexion et d'actions, alors que notre structure est là pour veiller aux engagements pris par le président Macky Sall», explique-t-il.
''Ni primaire ni alimentaire''...
Il y en a qui, pour exister, n’ont pas cherché loin. En créant Section-marron (couleur de l’APR), Mohamed Diallo, néo-apériste, a trouvé là un moyen de se réhabiliter. Ancien responsable de la Génération du concret (GC) de Dakar-Plateau, un mouvement (mort ?) dirigé par Karim Wade, ex-chef de cabinet de l’ex-ministre Khoureïchi Thiam, il avait rallié l’APR après le départ d’Aminata Tall du PDS, dont il est proche. Aujourd'hui, il se défend d'être un maître-chanteur. «Notre objectif, dit-il, est de rassembler toute la population sénégalaise autour de la citoyenneté et des valeurs républicaines qui ont été détériorées par l’ancien régime.»
Un tout petit peu moins bateau, semble l'initiative autour du CCRR. «Nous sommes une structure technique. Nous ne sommes pas là pour faire de la politique primaire ou alimentaire, mais pour apporter des réflexions sur des sujets d'intérêt national comme la réforme du Conseil constitutionnel ou la Cour de répression contre l'enrichissement illicite. En d'autres termes, nous nous voulons un laboratoire d'idées», se défend Me Oumar Youm.
...Mais ''laboratoire d'idées''
Idrissa Diop, lui, a voulu sortir du carcan de la Convergence des jeunesses républicaines (COJER), structure de l'APR, pour porter sur les fonts baptismaux le Mouvement des jeunes mackystes, une sorte de pendant aux «Jeunesses wadistes». Initiateur de l'Alliance nationale pour le travail et l'action républicaine (ANTAR), Baba Diallo n’est certes pas de l’APR, mais il s'était fortement investi pour «soutenir la candidature de Macky Sall». Et par delà la politique, ANTAR se veut un «link entre le président de la République et les populations». «Wade a été aveuglé par son entourage, explique-t-il. Aujourd'hui, nous ne voulons pas que Macky Sall soit surpris» par un mécontentement populaire.
Pour ne pas être en reste, Ibou Diouf et son bataillon de militants ont, en ce qui les concerne, mis en place le Mouvement des anciens militaires de l'APR. Et là, le signaL serait peut-être venu du président de la République qui, lors de son discours à la Nation du 3 avril, avait jugé insupportable l'état des troupes en général...
Même au niveau de la diaspora, les initiatives ne font pas défaut qui vont dans le sens de s'agripper au wagon présidentiel. Ainsi est sorti de terre le Mouvement pour la défense des valeurs républicaines (MODER) de René-Pierre Yokhoum, un responsable politique basé à Londres... Par cette initiative du responsable de l’APR basé à Londres, la diaspora aura certainement sa voix au chapitre. La liste est loin d’être exhaustive. A mesure que l’on avance, d’autres structures vont sans doute essaimer. Ce qui ne fera que pervertir davantage la politique sénégalaise prise en otage par la centaine de formations politiques.
DAOUDA GBAYA