La Casamance expose et l’environnement s’impose

L’exposition Educ’art a captivé l’attention, mardi dernier, à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles de Dakar. Initiée par l’association Janviart, cette exposition collective a réuni 14 artistes plasticiens originaires de la verdoyante Casamance, à l’occasion de son vernissage organisé dans le cadre des festivités de la Francophonie. Entre prestations scéniques et œuvres visuelles, le vernissage a suscité l’admiration et la réjouissance du public.
C’est sous le regard attentif des passionnés d’art et de créativité qu’a eu lieu la cérémonie de vernissage d’Educ’art, un événement organisé par l’association Janviart.
En effet, cet événement artistique se voulait non seulement une vitrine de valorisation des talents de la région de Ziguinchor, mais aussi un véritable symbole de sensibilisation à la richesse de la diversité culturelle. L’objectif était donc de mettre en lumière le rôle essentiel que joue l’art dans le développement communautaire. Dans ce sens, le délégué général de la Wallonie-Bruxelles, Jean-François Pakula, y a déclaré quelques mots. ¨En ce mois de ramadan et de carême, nous nous réjouissons d'accueillir Ziguinchor à Dakar, à la Délégation générale Wallonie-Bruxelles. Nous accueillons Janviart, qui définit un collectif d'artistes (...). Janviart signifie j'ai envie de faire de l'art¨, déclare-t-il.
D’après le délégué, Janviart est une plateforme qui propose des outils de participation citoyenne, partant de l'élaboration d'un diagnostic partagé au développement de projets créatifs. ¨Cette année, dans le cadre de la célébration de la Francophonie, l'OIF propose pour thème ‘Je m'éduque, donc j'agis¨. L'éducation fabrique des citoyens conscients et outillés pour relever les défis du monde. La deuxième édition de la résidence Janviart entre en droite ligne avec ce thème, car tout est parti d'un constat¨, explique-t-il.
En effet, il a expliqué que des matériaux souvent considérés comme irrécupérables peuvent être purement et simplement recyclés dans des œuvres d'art. ¨Ces ressources sont donc revisitées et ont une seconde belle vie, faite de forme et de couleur, leur est offerte. En chœur, ces créateurs, ces créatrices confient avoir donné la priorité à la sensibilisation, à la transmission de messages forts et non à l'esthétique¨, dit M. Pakula. Autrement dit, pour cette exposition, les artistes se sont donné du temps, se sont intéressés à l'environnement, aux actualités du changement climatique, à l'art et à la durabilité de celui-ci. ‘’Ils ont, dans ce sens, relevé le défi du développement durable à travers l'art et ont mis en place un processus de création afin de partager leur savoir-faire, leur technique de fabrication dans un endroit libre d'accès au public avec de simples matériaux de récupération¨, a-t-il conclu avant d’inviter le public à profiter d’un spectacle inédit.
Une prestation entrainante et des œuvres remplies de singularité
Tout est mis en évidence : le tambour résonne et le son qui en ressort fait le lien entre passé et présent. Le public s’échange des regards interrogateurs, intrigués. On cherche qui chante, d’où vient la musique. À côté, c’est une musique entrainante, enveloppée d’ancestralité. C’est puissant, c’est vibrant. Les coups de sifflet ajoutent une touche mystérieuse, presque indescriptible. Puis le masque tombe. Ils apparaissent : les danseurs et danseuses, vêtus de tenues traditionnelles typiques de la Casamance. Ils se dévoilent. C’est la danse du ‘’kumpo’’ qui est à l’honneur pour ce vernissage. Le public est bluffé par les acrobaties du danseur, habillé de raphia, la tête entièrement couverte d’un masque. L’émotion est palpable, le spectacle est captivant. Un moment suspendu, entre art, culture et spiritualité. Après une heure de prestation intense, portée par les rythmes envoûtants du ‘’kumpo’’, héritage vivant de la Casamance, place à l’exposition.
Un supplément de plaisir est alors offert au spectateur, prolongeant l’émotion et la découverte. Flagrante, est la mise en avant des couleurs. On ne s’imagine pas que ce sont des œuvres faites à base de matériaux recyclés. Un tableau, à l’honneur du Ngamou, dans celui-ci, on y voit des légumes, avec plusieurs couleurs, du vert, du rouge, du piment, etc., et juste en bas une œuvre en forme du maillot de l’équipe nationale des Lions du Sénégal. Un vieux tee-shirt, qui avait été jeté et qui reprend vie sous les pinceaux des artistes de la Casamance. C’est beau, c’est attrayant, c’est admiratif.
L’un des exposants, l’artiste-plasticien Joachim Bassène, diplômé de l'École nationale des beaux-arts du Sénégal, revient sur cette exposition. ¨Ces œuvres sont nos créations et quand vous regardez, il y a une diversité dans le travail, mais tout tourne autour du recyclage¨, dit-il. ‘’Ce maillot, par exemple, fait partie des vêtements qui sont recyclés, parce qu'il y a la friperie. Les gens apportent partout de la friperie et si l’on n'arrive même pas à les porter, ça finit dans les poubelles¨, explique-t-il.
¨Par exemple, dans ma démarche, je recycle ces vêtements qui sont jetés pour en faire des œuvres. C'est une manière de ressusciter ce qui est déjà créé, ce qu’on pensait déjà fini, déjà perdu¨.
En somme, pour lui, leur mission première est de conscientiser : ‘’Ne jetons pas tout et n’importe où quand on peut faire du recyclage. L'exposition s’intéresse aux questions environnementales, parce qu'on a constaté, en tant qu'artiste, que notre environnement a connu une très grande menace. Et maintenant, nous avons travaillé pour au moins conscientiser la société, dire aux gens la manière dont nous utilisons notre environnement, parce qu'on entend parler du réchauffement climatique et tout cela ce sont les actions des humains.¨
Autrement dit, pour lui, leur mission première est de conscientiser, ne jetons pas tout et n’importe où quand on peut faire du recyclage. ¨On a travaillé sur le thème de l’environnement pour dire aux gens, faites attention parce qu'on est en train de polir notre environnement et si nous continuons, nous allons laisser un environnement pourri à nos enfants. C'est pourquoi on s'attelle rapidement et on crie pour que les gens au moins soient conscients de tout ce que nous sommes en train de faire¨.
L’artiste-plasticien Abdoulaye Mané précise que certains créateurs préfèrent travailler à partir de déchets plastiques plutôt que de friperie, surtout avec la question du réchauffement climatique. ¨Comme cela a été souligné, nous explorons la thématique de l’environnement. Pour ma part, j’ai choisi de me concentrer sur les déchets plastiques. Dans nos villes, ces déchets sont partout. Et aujourd’hui, avec les discours sur le changement climatique, j’ai voulu m’engager en proposant un travail de recyclage, afin de redonner une seconde vie à ces matériaux¨, confie-t-il avec satisfaction, au vu de l’engouement du public présent.
Au cours de son explication, M. Mané a précisé que la plupart du temps, les matériaux recyclés ne sont pas nettoyés. ¨Ce que nous voulons, c’est que les spectateurs ressentent la pollution à travers les tableaux. Le plastique est une matière difficile à manipuler et une œuvre peut me prendre jusqu’à deux ans. Mais finalement, j'ai trouvé des techniques pour intégrer le plastique dans la peinture¨, explique l’artiste-plasticien.
Ainsi, l’exposition Educ’art, qui se tient jusqu’au 7 avril prochain, ambitionne de parler le même langage que la société, en protégeant l’environnement et en sensibilisant à sa préservation.
Thécia P. NYOMBA EKOMIE