Publié le 30 Mar 2025 - 02:04
EXPULSION DE MIGRANTS EN MAURITANIE  

Des ONG de Droits de l’homme s’offusquent et s’indignent

 

Les expulsions de migrants en situation irrégulière continuent de susciter des vagues de protestation en Mauritanie, comme ailleurs. Des centaines d’étrangers ont été reconduits aux frontières en violation flagrante de leurs droits, ont soutenu ce 23 mars le Fonadh et le Groupe thématique des organisations de défense des Droits de l’homme.

 

‘’Des migrants sont expulsés de leurs lieux d’habitation et de travail de manière parfois violente, ne respectant pas leur dignité. Leurs biens sont pillés et ils sont conduits directement à la frontière où ils sont détenus dans des centres de rétention’’ ont exprimé, de vive voix, lors d’une conférence de presse, le Fonadh et le Groupe thématique des organisations de Droits de l’homme. 

Depuis le début du mois de mars, la Mauritanie s’est engagée dans une campagne d’interpellation, d’arrestation et de refoulement systématique des étrangers en situation irrégulière. Une opération qui s’apparente à une ‘’chasse à l’homme’’, compte tenu de son mode opératoire. Des rafles au faciès, ciblant principalement des Subsahariens, en particulier des Sénégalais, des Maliens, des Gambiens, des Guinéens et des personnes originaires d’Afrique centrale, sont effectuées quotidiennement à Nouakchott et dans sa banlieue.

Les réactions ne se sont pas fait attendre de la part des pays d’origine de ces migrants, qui dénoncent des conditions d’arrestation, de détention et d’expulsion, eu égard aux relations qui les unissent à la Mauritanie. C’est dans cette même optique que les organisations membres du Fonadh et celles du Groupe thématique des organisations de Droits de l’homme ont tenu à exprimer leur position.

Rappel des engagements internationaux de la Mauritanie

D’emblée, les organisations ont tenu à rappeler que la Mauritanie a ratifié, en 2007, la Convention de 1990 relative aux droits des travailleurs migrants et de leurs familles, et est signataire de nombreux traités internationaux et régionaux relatifs aux droits humains, à l’instar de la Déclaration universelle des Droits de l’homme, de la Charte africaine des Droits de l’homme et des peuples ainsi que de l’Opcat (Protocole facultatif de la Convention contre la torture et les traitements dégradants).

Ces ONG nationales ont démontré que ces pratiques sont dignes d’un autre âge, surtout pour des pays qui partagent tant de choses en commun. Mieux encore, les organisateurs de la conférence de presse précisent que ‘’de nombreux ressortissants mauritaniens sont des migrants dans le monde, notamment dans les pays subsahariens voisins, et nous devrions nous soucier de leur sécurité ainsi que de celle de leurs biens’’.

Ils fondent leurs arguments sur les témoignages recueillis auprès des ‘’migrants rencontrés’’, qui déclarent être victimes de violences physiques et de persécution de la part des policiers au moment de leurs arrestations, sous prétexte de vérification de la carte de séjour. Les conférenciers ont réitéré la Convention des Nations Unies sur le statut des réfugiés et celle de l’Union africaine sur les aspects propres aux réfugiés en Afrique, qui interdisent les expulsions collectives des demandeurs d’asile et des réfugiés.

Selon eux, ‘’des rafles massives et violentes persistent dans les quartiers d’El Mina et de Sebkha ainsi que sur les grandes artères de la capitale que traversent les travailleurs migrants, tant à l’aller qu’au retour de leur travail’’.

Les ONG recommandent…

Brisant le silence sur la situation intenable des migrants, le Fonadh et le Groupe thématique des organisations de Droits de l’homme ont d’abord souligné, sans ambages, les accords bilatéraux et multilatéraux signés entre la Mauritanie, la CEDEAO et d’autres pays d’Afrique, notamment le Niger, le Sénégal et le Mali, concernant les migrations.

Ainsi, elles ont soutenu que la Mauritanie, en tant que pays d’accueil et d’hospitalité, ‘’se doit de veiller à l’application des conventions et textes qu’elle a ratifiés en matière de droits des migrants, des réfugiés et des demandeurs d’asile’’.

De plus, les autorités doivent ‘’mettre en place les dispositions nécessaires pour faciliter l’obtention des documents aux migrants afin d’encourager la migration légale’’ et ainsi ‘’respecter les droits des migrants à la dignité, tout en veillant à la préservation de leurs biens matériels’’.

Sur un autre registre, les conférenciers ont demandé à l’État mauritanien de ‘’porter une attention particulière aux personnes en situation de vulnérabilité (personnes âgées, malades, femmes enceintes avec enfants)’’, mais surtout ‘’d’octroyer aux migrants et à leurs familles exemptés de la carte de séjour une période de trois mois minimum de séjour dans le pays afin de leur permettre d’obtenir les moyens financiers nécessaires pour se faire établir une carte de séjour’’.

Enfin, ils ont appelé au respect des droits des migrants arrêtés et à ‘’faire preuve de fermeté et de transparence en matière de traitement des dossiers des migrants, en combattant les actes de corruption qui gangrènent le processus d’enregistrement des migrants (un facteur favorisant la migration illégale)’’.

Face à la presse, Mamadou Sarr, président du Fonadh, Aicha Lalla, présidente du Comité de solidarité avec les victimes des violations des droits humains (CSVVDH), Aichetou Camara, présidente du Réseau de lutte contre la torture et les traitements inhumains et dégradants (SOS Exclus), Siniya Aidara Bocoum, présidente de l’ONG Femme et Résilience pour les droits humains, et Ahmed Salem Beyrouck, président de l’ONG Éveil de l’opinion, pour ne citer qu'eux, n’ont pas été avares en arguments pour interpeller l’État mauritanien sur cet état de fait.

D’ailleurs, ils ont déclaré qu’une commission sera constituée pour rencontrer les autorités compétentes, la Commission nationale des Droits de l’homme (CNDH), le commissariat des Droits de l’homme, le système des Nations Unies en Mauritanie, entre autres partenaires.

Tout compte fait, la migration est un phénomène social vieux de plusieurs siècles et les États ont l’obligation de l’organiser, de l’ordonner et de la sécuriser. C’est dans ce cadre que la Mauritanie a engagé cette campagne, mais malheureusement, elle se déroule dans un contexte difficile et de manière à nuire à l’image du pays, jadis connu pour son accueil et son hospitalité légendaire.

IBOU BADIANE, CORRESPONDANT EN MAURITANIE

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