La stratégie de la défense évite la prison au chroniqueur

Badara Gadiaga l’a échappé belle. Le célèbre chroniqueur de l’émission Jakaarlo sur la TFM a frôlé un placement sous mandat de dépôt. Sans la stratégie pour le moins risquée de ses avocats, qui ont choisi de boycotter l’audience d’inculpation, il aurait peut-être passé la nuit derrière les barreaux. En ligne de mire, plusieurs chefs d’inculpation graves, allant de la diffusion de fausses nouvelles à l’offense envers une autorité exerçant les fonctions présidentielles, en passant par des accusations de discours contraires aux bonnes mœurs. Le parquet a également visé l’article 80 alinéa 2 du Code pénal, un texte généralement invoqué dans les affaires sensibles liées à la sécurité publique et à la propagande financée.
Tout a basculé après le très médiatisé accrochage du 4 juillet entre Gadiaga et le député Amadou Bâ, membre du parti Pastef, lors d’une édition houleuse de Jakaarlo. Si les propos échangés n’ont pas laissé le public indifférent, ils ont surtout retenu l’attention de la Division spéciale de la cybersécurité (DSC), saisie pour enquêter sur de possibles dérives. À l’issue d’une première audition, Gadiaga est de nouveau convoqué. Cette fois, c’est l’origine de certains flux financiers, en lien avec une plateforme baptisée GSIE, qui a éveillé les soupçons. Les enquêteurs ont évoqué des transferts de fonds jugés suspects, que le chroniqueur a tenté de justifier comme de simples opérations de virement entre son compte bancaire et son compte Orange Money.
Mais au-delà des aspects financiers, c’est le contenu même des interventions publiques du chroniqueur qui pose problème, aux yeux du parquet. Le ministère public a confié le dossier au doyen des juges d’instruction, avec une batterie d’infractions passibles de lourdes sanctions. Face à ce tableau judiciaire préoccupant, les avocats de Badara Gadiaga, un collectif composé notamment de Mes Baba Diop, Moustapha Dieng, Alioune Badara Fall, et Aboubacry Barro, ont mis en œuvre une manœuvre peu courante. Ils ont invoqué l’article 101 du Code de procédure pénale pour demander un report de l’audience de première comparution, arguant que les conditions d’une défense équitable n’étaient pas réunies.
Le juge d’instruction a d’abord opposé un refus. Malgré une demande écrite de Badara Gadiaga lui-même, souhaitant être assisté de ses conseils, le magistrat est resté inflexible. C’est alors que les avocats ont claqué la porte du cabinet. La tension est montée d’un cran. Le juge a tenté de convaincre le mis en cause de faire revenir ses avocats. Ces derniers sont restés sur leur position. Ce bras de fer procédural a finalement abouti à un report de l’audience au lundi 13 juillet.
Une brèche précieuse qui permet à la défense de se préparer sereinement à la suite de la procédure, et à Gadiaga d’éviter temporairement du moins la case prison.Cette affaire, suivie de près par l’opinion publique, a rapidement pris une tournure politique et médiatique. À la DSC, une foule compacte s’était massée devant les locaux lors de la seconde audition du chroniqueur. Journalistes, amis, anonymes et partisans s’étaient réunis pour exprimer leur solidarité. Une mobilisation massive sur les réseaux sociaux, où des voix ont dénoncé une « justice à deux vitesses », rappelant que le député Amadou Ba, pourtant impliqué dans le même échange polémique, a été entendu puis libéré sans aucune mesure à son encontre.
MAGUETTE NDAO