Publié le 4 Feb 2015 - 21:01
FATOU JAGNE SENGHOR (DIRECTRICE ARTICLE 19, AFRIQUE DE L’OUEST)

 ‘’La Commission africaine doit arrêter de siéger en Gambie…’’

 

Il est temps que la Commission africaine prenne ses responsabilités en arrêtant de siéger en Gambie si elle ne peut pas exiger le respect des libertés les plus élémentaires. La conviction est de Fatou Jagne Senghor, directrice de l’ONG Article 19, bureau Afrique de l’ouest. Dans cet entretien, elle évoque avec amertume les représailles qui ont suivi le coup d’état avorté en Gambie

 

L’ONG Article 19 et d’autres organisations de défense des droits humains se disent inquiètes de la situation qui prévaut en Gambie après le coup d’état manqué du 30 décembre dernier. Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui se passe actuellement dans ce pays?

Le climat actuel est délétère. Une trentaine de personnes dont une femme de 80 ans et un adolescent de 16 ans ont été arrêtés par la National Intelligence Agency, (la police politique connue pour sa brutalité) et détenues  au secret. Ces personnes n’ont accès ni aux avocats ni à leurs familles depuis 30 jours. Le gouvernement cible des familles entières pour les punir et renforcer la peur déjà existante.

Comment peut-on s’adonner à la persécution des parents, amis et proches de personnes soupçonnées d’avoir pris part à un coup d’Etat ?  Ce qui est plus grave, c’est qu’aucune raison n’est rendue publique, les motifs réels de ces arrestations sont encore inconnus. Il a refusé de remettre les corps des personnes tuées à leurs familles. Aujourd’hui, la plupart des populations pensent être sur écoute et personne n’ose parler ou discuter des questions relatives aux détentions ou à la situation du pays en général. Le traumatisme de l’opération porte à porte est encore palpable au sein des populations. Personne ne sait qui va être le prochain !

Le gouvernement gambien se garde catégoriquement de communiquer officiellement sur la situation actuelle. Comment parvenez-vous à faire remonter l’information dans un pays aussi fermé ?

Le blackout est quasi-total ; les Gambiens sont isolés, le gouvernement ne communique pas sur le sort des détenus. Pire encore, les médias ne sont pas à même d’enquêter sur la situation et les avocats et les organisations de la société civile sont désarmés et sont sous des menaces perpétuelles. Une des radios communautaires de l’une des zones les plus peuplées du pays a été sommée, juste après l’annonce du coup d’Etat manqué, de ne plus diffuser ses programmes et de ne mettre que de la musique. Le propriétaire a été obligé par la police politique d’aller répondre tous les dix jours à des interrogatoires sur ses activités. Mais nous travaillons avec des sources fiables qui nous permettent de documenter la situation et de faire le suivi.

C’est certes difficile, mais il y a quelques personnes qui ont bénéficié des techniques d’utilisation des outils modernes de communication qui peuvent partager certaines informations importantes. Les victimes et les familles s’ouvrent de plus en plus, les persécutions ont atteint un niveau et deviennent de plus en plus vicieuses, le silence ne peut pas résoudre la situation. Nous encourageons les personnes à s’organiser pour créer des moyens d’expression efficaces pour exposer les atrocités en Gambie. Et parler est la seule façon de mettre fin à l’injustice. L’information permet de déjouer et d’alerter. Ça peut sauver des vies.

Des lettres ont été écrites à la CEDEAO et à la Commission africaine des droits de l’Homme et des peuples. Quel doit être, selon vous, le rôle de ces institutions sur la situation en Gambie ?  

Nous leur demandons de ne pas ignorer les violations massives qui se commettent en Gambie et de diligenter des enquêtes indépendantes sur ce qui s’est passé dans ce pays depuis 20 ans.  Nous demandons aussi à la Commission africaine de prendre ses responsabilités et d’arrêter de siéger en Gambie si elle ne peut pas exiger le respect des libertés les plus élémentaires.

Les organisations de défense des droits de l’Homme dont la vôtre, entendent mettre sur place un pôle judiciaire pour défendre les personnes détenues en Gambie. Pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce mécanisme ?

Le barreau gambien est assiégé, seuls quelques avocats acceptent de s’engager sur des procès qui concernent les droits humains. Ils sont souvent menacés directement, certains ont été arbitrairement arrêtés, maltraités, attaqués physiquement. Les juges dont la plupart sont des contractuels nigérians, sont aux ordres du système. Les juges qui ont tenté de respecter la loi ont été inquiétés et relevés arbitrairement.  Nous allons travailler avec des avocats africains pour soutenir  les avocats locaux et faire en sorte que pendant les procès, si procès il y aura, des observateurs de procès soient envoyés pour documenter le processus et alerter l’opinion sur les irrégularités.

Dans ce combat, quel doit être le rôle des médias sénégalais par rapport à ce qui se passe en Gambie  ?

Les médias, notamment sénégalais, doivent davantage s’intéresser à ce qui se passe en Gambie, et traiter l’information avec plus de profondeur et de manière équidistante.  Certains le font déjà sans état d’âme et ceci est à saluer. Ce qui touche la Gambie en bien comme en mal, aura forcément des implications pour le Sénégal; et les médias, la société civile et les décideurs doivent être plus conscients pour conscientiser les deux peuples. La plupart des Gambiens ont boycotté la télévision et les médias nationaux car la télévision nationale ne montre rien d’autre que le président et ses activités, les médias sénégalais sont bien suivis surtout les télévisions et les radios du fait des langues nationales et  des cultures partagées.

A votre avis, qu’est-ce qu’il y a lieu de faire, pour garantir davantage de liberté au peuple gambien ?   

Il faut renforcer les acteurs de la société civile au niveau national et dans la diaspora, créer des médias alternatifs, garantir un certain nombre de droits aux oppositions en exil. Ceci ne peut se faire qu’avec le soutien des autres acteurs notamment des pays africains comme le Sénégal. 

Par AMADOU NDIAYE

 

Section: 
SAINT-LOUIS : COLLECTE AU NOM DE L’HÔPITAL, LE DIRECTEUR PRÉVIENT : ‘’Que le collectif arrête ses agissements, sinon…’’  
PAPE S. KANE, JOURNALISTE-ÉCRIVAIN : “Il a été scientifiquement prouvé que ces jeux ont le même effet que la cocaïne ou l'héroïne”
B. SÈNE, COMMERÇANT EN FAILLITE : “Le jeu m'a totalement ruiné”
JEUX DE HASARD EN LIGNE : Le pari perdant des jeunes
PRÉSCOLAIRE : La langue anglaise bien accueillie à Ngor-Almadies
Complexe international Khadim Rassoul à sarcelles
SAINT-LOUIS - SE SENTANT TRAHI : Mb. Niang menace de mort son ex-petite amie
SÉNÉGAL - COOPÉRATION SOUS-RÉGIONALE : Entre la CEDEAO et l’AES, un équilibre à trouver
BIRAHIME SECK SUR LE POOL JUDICIAIRE : ‘’Il faut faire attention…’’
Bakel VBG
Plainte Moustapha Diop
Opérations gendarmerie
POUR LA SATISFACTION DE LEURS DOLÉANCES : Le SAES en grève aujourd’hui et demain
DRAME AU MAROC : Un compatriote tué par son ami
DIRECTION DES AFFAIRES RELIGIEUSES : Diomaye veut aller vers une Délégation des affaires religieuses ou du culte
DÉCLARATION EMMANUEL MACRON : Le PIT-Sénégal condamne et magnifie la maturité relations entre les peuples 
RETRAIT DES BASES MILITAIRES : La vérité sur les discussions entre Paris et Dakar 
DEUX COMITÉS MIS EN PLACE POUR LUTTER CONTRE LA MIGRATION IRRÉGULIÈRE : Kolda, une région pourvoyeuse de candidats
SAINT-LOUIS : DÉSACCORD À L’HÔPITAL RÉGIONAL : La direction et un collectif d’usagers à couteaux tirés
Faible nombre de donneurs de sang