De la nécessité de se mettre à niveau
Loin de moi l’idée de vouer aux gémonies l’entraîneur des Lions du Sénégal et son staff. Mais les deux derniers matchs ont mis à nu les limites objectives qui coulaient de source, au moment de lui confier les destinées de la sélection nationale. J’ai toujours pensé et je continue de penser qu’on aurait dû lui adjoindre un bon coach chevronné, expérimenté et surtout adepte du beau jeu très prisé par les Sénégalais, qui lui aurait permis de faire ses gammes et d’apprendre le métier. Car, malgré toute son envie, sa bonne volonté, son vécu en tant que joueur professionnel et international sénégalais, l’actuel sélectionneur traîne des lacunes qui sont criardes. Et malheureusement pour lui, chaque match qui passe en révèle un pan. Devant les bonnes équipes bien en place, on n’y arrive pas.
Oui, le coach a de la ‘’poigne’’, c’est un ‘’guerrier’’, c’est peut-être un meneur d’hommes. Mais ce n’est pas suffisant. Et l’évolution du football mondial montre que deux facteurs sont devenus déterminants pour gagner des matchs, voire des compétitions. Avoir des joueurs d’exception, à l’instar des dynamiteurs de défense que sont un Neymar, un Messi, un Ronaldo, un Asensio ou un Sadio Mané (j’y reviendrai). Mais ce n’est pas suffisant. L’exemple du Real Madrid qui trône sur le football mondial nous le montre à suffisance. Leur actuel entraîneur Zinedine Zidane n’a pratiquement fait venir aucun joueur d’envergure. Pourtant, c’est l’équipe moribonde sous le technicien espagnol Raphael Benitez qui truste tous les titres, depuis 18 mois. Et il n’y a aucun hasard dans ce que fait la formation de Zidane. Le plan de jeu est bien pensé et bien exécuté, certes avec de joueurs de talent. Mais, Benitez les avait.
Donc, si nous nous arrêtons à l’exemple de Zidane et son entrée fracassante dans le giron des entraîneurs, on verra qu’il est allé apprendre, avant de prendre le Real. Qu’il a été à l’école de Carlos Ancelotti et José Mourinho dont il était l’adjoint. Il est allé apprendre auprès de Guardiola, de Conté et de tous les grands coaches du gotha européen, à travers des stages. Il a passé ses diplômes. Ensuite, il s’est parfait auprès des jeunes du centre de formation du Real. Peut-être que tout le monde n’a pas la chance d’avoir cette formation. Mais l’essentiel, ici, est la mise à niveau, l’acquisition de compétences. Car, il ne faut pas se voiler la face, le coaching est une science qui requiert un véritable savoir-faire et des connaissances. Et c’est le grand mal du football sénégalais, voire africain. Il voit comment les équipes passent de sacre en désillusion. Je veux parler de l’Egypte, du Nigeria, du Cameroun dont les résultats en dents de scie sont symptomatiques d’un véritable nivellement vers le bas. Actuellement, les CAN se gagnent au petit bonheur la chance. La forme du moment. Aucune suite dans les idées.
Pour en revenir à notre sélectionneur, les carences tactiques notées au match aller contre le Burkina Faso sont revenues comme un boomerang, lors du match retour. Il faut voir, par exemple, comment Sadio Mané, véritable pile électrique avec Liverpool, a erré comme une âme en peine, à l’aller. Au retour, c’était à peine mieux. Le jeu de l’équipe nationale est statique et, pire, stéréotypé. Les transitions sont lentes. Nos milieux portent trop le ballon. Ce qui donne le temps aux équipes adverses de se regrouper. Aujourd’hui, le Sénégal a une force offensive qui fait peur en Afrique. Les équipes qui viennent à Dakar n’ouvrent pas le jeu.
Que dire de notre organisation défensive ? Quand je ferme les yeux, je vois les deux lignes défensives d’Antonio Conté (5 joueurs en phase défensive) et les deux attaquants qui harcèlent le milieu et la défense adverse. Quand je les ouvre, je vois le cauchemar de Ouaga ; les sueurs froides à chaque offensive des Etalons, alors qu’on était en supériorité numérique. Des Lions laissant filer une victoire et une qualification au Mondial 2018 qui leur tendaient les mains. Pourquoi diable n’a-t-on pas densifié notre milieu pour empêcher les transmissions et les obliger à balancer de longs ballons au grand bonheur de nos défenseurs. Au lieu de quoi, les Etalons entraient comme un couteau dans du beurre dans notre défense. Il faut surtout s’interroger sur la fébrilité de nos joueurs en fin de match, rendant le cuir à l’adversaire comme s’il leur brûlait les pieds. Et funestement, donnant des minutions à des adversaires qui n’en demandaient pas tant.
Aujourd’hui, même si rien n’est irrémédiable, pour le coach autant que son staff, l’heure est venue de faire montre de compétences et surtout de les acquérir. Car le Sénégal a des diamants bruts qui peuvent faire des étincelles dans les mains d’un orfèvre de talent.
Gaston COLY