Macky à l’épreuve d’une gouvernance juste
Les potentiels brigands «guillotinés» sous le régime du 25 mars dorment en prison, sont en liberté provisoire, demeurent intouchables ou, tout simplement, sont inaccessibles pour la justice. EnQuête vous en fait une revue de détails.
Dans son programme «Yoonu Yokkute», le président Macky Sall fait de la «gouvernance vertueuse» une sur-priorité. Une promesse qui s’est traduite par l’audition des dignitaires de l’ancien régime par les enquêteurs sur la base des rapports d’audit de 2008. Ils s’en sont tirés avec des fortunes diverses. Certains ont été inculpés et placés sous mandat de dépôt. Pour l'Agence de régulation des télécommunications et des postes (ARTP), sont concernés l'ancien directeur général Ndongo Diaw, l’agent comptable Mamadou Yaké Ba, et Léon-Pierre Sagna, le responsable financier de l’agence. Poursuivis pour «détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écriture authentique, corruption passive et concussion», ce trio de gendarme des télécoms n’a pu bénéficier d’une liberté provisoire.
Même sort pour Baïla Wane et Ibrahima Condetto Niang, respectivement ancien directeur général et ex-président du conseil d'administration de la Loterie nationale sénégalaise (LONASE). Placés sous mandat de dépôt depuis le 3 août 2012, ces deux pontes du régime de Wade ont été épinglés par les rapports d’audit de la Cour des comptes en 2004 et de l’Autorité de régulation des marchés publics (ARMP) de 2008. Ils sont poursuivis pour divers délits : «Détournement de deniers publics portant sur 300 millions de francs Cfa, association de malfaiteurs, faux et usage de faux, abus de biens publics et corruption.» Les demandes de liberté provisoire introduites par leurs avocats sont restées vaines.
Plus veinards, l'ancien patron de Dakar Dem Dik (DDD), Christian Salvy, et ses collaborateurs Alpha Zongo (directeur financier) et Aminata Ndiaye directrice du service juridique) ont recouvré la liberté après avoir séjourné en prison en juin 2012. Motifs : «Détournement de deniers publics, faux en écriture privée et corruption passive.» Une caution dûment payée est passée par là pour convaincre le juge.
Le même procédé a été utilisé par Amadou Kane Diallo, naguère directeur général du Conseil sénégalais des chargeurs (COSEC). Le maire de Ndioum (département de Podor) est poursuivi, en compagnie de ses collaborateurs, pour «détournement de deniers publics, corruption passive et faux et usage de faux en écriture publique.» Une consignation de 100 millions de francs Cfa dont une villa personnelle a permis son extraction de la prison de Rebeuss où il a passé plusieurs semaines. Son directeur de l’investissement, Karim Sèye et son directeur du système informatique et de promotion, Ameth Gaye, ainsi que la comptable Fatou Mbaye, ont également échappé à la prison grâce à une caution. Tous sont sous contrôle judiciaire.
Ces personnalités dans l’œil du cyclone
En revanche, il y a des personnalités dont le sort est suspendu à la décision de la Cour de répression contre l’enrichissement illicite remise en place par l’actuel régime. Une décision qui ne tomberait pas de sitôt si l'on en croit le Premier ministre Abdoul Mbaye qui, dans sa Déclaration de politique générale, déclarait que «le processus peut prendre plusieurs années». Critiquée par certains avocats, cette Cour a pour mission de traquer les «biens mal acquis» et «planqués à l’extérieur». Et selon Me Félix Sow, membre du Forum civil, ces biens sont évalués à «400 milliards». Depuis l’installation de ladite Cour, plusieurs autorités de l’ancien régime, dont les deux enfants de l’ancien président de la République, Karim et Sindiély Wade, ont été entendus soit par la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane, soit par la Division des investigations criminelles (DIC). De plus, l’immunité parlementaire dont jouissent opportunément des personnalités comme Ousmane Ngom, ancien ministre de l’Intérieur, Oumar Sarr, ex-ministre de l’Habitat, Souleymane Ndéné Ndiaye, serait un bon prétexte pour jouer la montre.
UN CHÈQUE EN BOIS...COMME CAUTION : Quand Moustapha Yacine Guèye se paie la tête du juge
Poursuivi pour «détournement de deniers publics, faux et usage de faux en écriture authentique, corruption passive et concussion», au même titre que Ndongo Diaw, Moustapha Yacine Guèye, présenté comme Directeur général de Magal Holding Limited (MTL), aurait remis un chèque sans provisions d’un milliard de francs à la justice pour bénéficier d’une liberté provisoire, comme l’avait révélé le journal EnQuête.
Depuis, il s'est «réfugié» à Dubaï. Une affaire qui a surpris plus d’un observateur qui ignorent s’il s’agit d’une «négligence» ou simplement d’une évasion dûment organisée...
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DAOUDA GBAYA