Ils ont chassé des Roms et s'en expliquent...
Dans ce coin décrit par les habitants comme tranquille, une trentaine de riverains n'ont pas supporté l'installation d'un camp illégal de Roms sur le terrain laissé vacant par la démolition de trois des tours de la cité des Créneaux. Ils ont chassé eux-mêmes jeudi soir la quarantaine d'adultes et la quinzaine d'enfants roms qui s'y étaient installés.
Le lieu semble au bout du monde : une cité HLM en cours de démolition au fond d'une petite vallée des quartiers nord, presqu'à la fin d'un chemin se terminant au cimetière des Aygalades, en contrebas de l'autoroute nord. Dans ce coin décrit par les habitants comme tranquille, une trentaine de riverains n'ont pas supporté l'installation d'un camp illégal de Roms sur le terrain laissé vacant par la démolition de trois des tours de la cité des Créneaux. Ils ont chassé eux-mêmes jeudi soir la quarantaine d'adultes et la quinzaine d'enfants roms qui s'y étaient installés quatre jours auparavant avec voitures, caravanes et tout un enchevêtrement de meubles, matelas, objets divers…
La cité des Créneaux fait partie du programme de l'agence de rénovation urbaine. Il ne reste plus qu'un seul appartement occupé par trois frères handicapés. Ces derniers refusent le logement proposé par la Logirem, le bailleur social, et l'empêchent donc de démolir l'ultime tour de cette cité construite dans les années 1970 pour loger des immigrés maghrébins qui vivaient dans des bidonvilles.
«Nous avons tous été chassés alors qu'on ne voulait pas quitter notre cité. C'est pas pour que des Roms viennent tout pourrir», s'insurge Rachid, 50 ans, l'un des trois frères habitant encore les Créneaux. «Dès qu'ils sont arrivés, on leur a dit que s'ils se tenaient bien il n'y aurait pas de problème», poursuit Rachid. «Mais comme par hasard, il y a eu des vols. Ma cave a été cassée et mon vélo et mes caisses à outils, volés. Ils ont également fracturé les tôles mises sur les fenêtres au premier étage et se sont introduits dans la tour.»
Les problèmes ne se sont pas limités aux Créneaux. «Ils sont passés par-dessus les grillages et ont tout massacré à l'intérieur laissant un désordre pas possible», renchérit Gilles, la trentaine, qui travaille à la déchetterie toute proche. «Je n'habite pas le quartier mais je suis solidaire. Quand on a vu comment ça se passait, on s'est réuni entre voisins et on a décidé de leur demander de partir. On y est allé à une trentaine», ajoute-t-il. Leur détermination et leur nombre ont visiblement été efficaces. Étaient-ils armés? Ils le réfutent. «On est allés les voir trois fois de suite et on était prêts à revenir encore s'ils ne partaient pas. Ils ont compris qu'on ne se laisserait pas faire», explique Kamel qui est né aux Créneaux mais n'habite plus le quartier. «Je suis ami avec Rachid, je suis venu lui prêter main-forte pour faire partir les Roms.» Ces derniers seraient partis vers la cité Bassens, une autre cité des quartiers nord… «Là-bas, il n'y a pas de diplomatie!», prévient Kamel.
«Pendant les quatre jours où ils ont été là, ils ont fait comme s'ils étaient chez eux. Comme par hasard, il y a eu plusieurs cambriolages. Moi j'ai été cambriolé. Je ne sais pas si c'est eux mais on m'a volé ma télé et ma machine à laver», raconte Hakim, qui habite une maison dans une petite rue au-dessus de la cité. Fonctionnaire de la ville, il est né dans cette cité mais ses parents l'ont quittée quand ils ont acheté cette maison il y a vingt ans. Alors, il n'a pas hésité quand ses amis des Créneaux ont décidé de monter leur opération commando.
Tranquillité retrouvée
La police appelée en renfort n'a pu que constater le départ des Roms, qui s'est passé selon elle «sans incidents». Aucune interpellation n'a eu lieu «en l'absence de violence physique». Après le départ des forces de l'ordre, les riverains ont toutefois mis le feu au bazar laissé sur place. Vendredi à mi-journée, le quartier semblait avoir retrouvé sa tranquillité. Et les services de la mairie achevaient d'emporter les détritus, vieilles chaises, meubles bancals, bonbonnes de gaz et autres matelas que les Roms avaient abandonnés lors de leur fuite et que les riverains n'avaient pas brûlé. À quelques centaines de mètres, les enfants de l'école privée Notre-Dame-de-la-Viste s'égaillaient sur la place. «Franchement, ils ont bien fait!», lâchait Benjamin, 16 ans, élève de terminale, qui a grandi dans le quartier et qui était un des rares à savoir ce qui s'était passé la veille.
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