Publié le 26 Feb 2022 - 02:51
GUERRE EN UKRAINE

Nouvelles sanctions occidentales après une première journée d’offensive

 

Les Etats-Unis, l’Union européenne, le Royaume-Uni ou encore le Canada ont annoncé plusieurs sanctions économiques visant à faire de Vladimir Poutine « un paria sur la scène internationale ».

 

L’invasion russe a suscité une pluie de condamnations venant des Etats-Unis, de l’Union européenne, du Royaume-Uni ou encore du Canada. Des combats meurtriers entre Russes et Ukrainiens se déroulaient, jeudi 24 février, jusqu’aux portes de Kiev. La centrale nucléaire de Tchernobyl a été prise, à la suite du déclenchement par l’armée de Vladimir Poutine d’une attaque aérienne et terrestre massive contre l’Ukraine, à laquelle les Etats-Unis et l’Union européenne ont répliqué par de nouvelles sanctions.

« Il s’agit d’une attaque préméditée », a estimé le président américain, Joe Biden, devant la presse, à la Maison Blanche, ajoutant que son homologue russe, Vladimir Poutine, avait rejeté toutes les initiatives de l’Occident en faveur du dialogue. Le président américain a précisé que les relations russo-américaines sont désormais totalement rompues.

Joe Biden veut faire de Vladimir Poutine « un paria »

M. Biden a donc annoncé une série de nouvelles sanctions économiques visant les banques, élites et exportations russes, qui vont selon lui faire de Vladimir Poutine « un paria sur la scène internationale ». Le président américain a assuré que ces sanctions imposeraient un « coût sévère à l’économie russe, à la fois immédiatement et à long terme ».

Quatre banques russes supplémentaires vont aussi être sanctionnées et plus de la moitié des importations technologiques de la Russie supprimées, a-t-il affirmé. « Nous ajoutons également des noms à la liste des [élites] russes et des membres de leur famille qui sont sanctionnés », a fait savoir le locataire de la Maison Blanche.

Sanctionner Vladimir Poutine personnellement est aussi « sur la table », a encore annoncé Joe Biden, sans vouloir donner plus de détails. Couper la Russie du réseau interbancaire Swift, rouage essentiel de la finance mondiale, reste également « une option » selon le président américain. Une demande formulée, plus tôt dans la journée, par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky.

Il a toutefois souligné qu’« actuellement, cela n’était pas [une] position » partagée par les Européens, et assuré que les autres sanctions financières annoncées jeudi par les Etats-Unis et leurs alliés avaient « autant d’impact, voire plus d’impact » que cette option. Joe Biden a d’ailleurs une nouvelle fois tenu à répéter que les Etats-Unis n’agissaient pas seuls sur ce dossier. « Nous allons limiter la capacité de la Russie à faire des affaires en dollars, euros, livres et yens », a-t-il prévenu. Joe Biden a rappelé que les pays de l’OTAN se réuniraient vendredi pour débattre d’autres mesures.

Les Européens approuvent des sanctions « massives » contre Moscou

Les Vingt-Sept ont approuvé jeudi un nouveau train de sanctions contre la Russie, ciblant les secteurs de la finance, de l’énergie et des transports, et qui auront des « conséquences massives », selon leur déclaration. Approuvées par les dirigeants européens au début de leur sommet à Bruxelles, « en coordination étroite avec les partenaires et alliés » de l’Union européenne (UE), ces mesures couvriront également les biens à usage double (à la fois civil et militaire) et la délivrance de visas, précise le texte, sans détailler les sanctions.

Les Européens prévoient par ailleurs d’élargir leur liste de personnes privées d’accès au territoire de l’UE et dont les avoirs seront gelés. La présidence française a précisé :

« Ce document a été négocié en amont et adopté dès le début [du sommet]. La réunion commence à peine, et la conversation se poursuit sur les modalités du soutien politique, économique et humanitaire à l’Ukraine. »

Les chefs d’Etat et de gouvernement de l’UE veulent également « préparer et adopter de façon urgente des sanctions économiques et individuelles supplémentaires » contre la Biélorussie, accusée d’être impliqué dans l’invasion de l’Ukraine.

Londres interdit Aeroflot et sanctionne banques et hommes d’affaires russes

Le Royaume-Uni a, de son côté, imposé jeudi une nouvelle série de sanctions contre la Russie, interdisant la compagnie aérienne Aeroflot et ciblant le secteur bancaire, les exportations de technologies et cinq hommes d’affaires.

« Poutine (…) ne pourra jamais se laver les mains du sang de l’Ukraine », a déclaré le premier ministre, Boris Johnson, annonçant « le paquet de sanctions économiques le plus important et le plus sévère que la Russie ait jamais vu ».

La veille, le premier paquet de sanctions britanniques contre la Russie n’avait suscité que des critiques : il était jugé trop tiède, ne visant que des banques de second ordre et seulement trois oligarques – sur des dizaines ayant élu Londres comme la capitale la plus accueillante pour cacher leurs fortunes mal acquises.

Le Canada sanctionne 58 individus et entités russes

Le Canada va sanctionner « 58 personnes et entités » russes, en réponse à l’invasion de l’armée russe en Ukraine, a annoncé jeudi le premier ministre canadien, Justin Trudeau, évoquant des « sanctions sévères ». Les sanctions cibleront des « membres de l’élite russe », des « grandes banques russes » et des « membres du Conseil de sécurité russe » notamment, a précisé le premier ministre.

« Nous cessons tous les permis d’exportation pour la Russie », a ajouté Justin Trudeau, estimant que l’invasion russe de l’Ukraine représentait une « immense menace pour la sécurité et la paix dans le monde ».

La Russie ne veut pas être exclue du système économique mondial

La Russie ne veut pas porter atteinte au système économique mondial, ni en être exclue, a déclaré jeudi Vladimir Poutine, alors que son invasion de l’Ukraine a pétrifié les marchés et expose Moscou à des sanctions dévastatrices.

« La Russie continue de prendre part à l’économie mondiale, nous ne nous apprêtons pas à lui porter atteinte », a déclaré Vladimir Poutine devant des représentants russes du monde des affaires réunis sous les ors du Kremlin.

« Il me semble que nos partenaires doivent comprendre et ne pas se fixer pour objectif de nous pousser en dehors du système. »     Le Monde avec AFP

Guerre en Ukraine : la double dérive de Vladimir Poutine

ÉDITORIAL

L’intervention de l’armée russe en Ukraine, jeudi 24 février, est la conséquence du durcissement continu du régime en place à Moscou et de l’obsession de Vladimir Poutine contre l’évolution démocratique des pays voisins, explique Jérôme Fenoglio, directeur du « Monde », dans son éditorial.

La guerre, frontale, est de retour en Europe. L’offensive déclenchée, à l’aube du 24 février, par les forces russes sur de multiples sites du territoire ukrainien constitue une agression militaire d’une ampleur inédite sur notre continent depuis la fin de la seconde guerre mondiale. Elle est préméditée, soigneusement planifiée et assumée cette fois sans aucun faux-semblant.

Ce ne sont plus des soldats dépourvus d’insignes d’appartenance à une armée, comme en Crimée en 2014, qui sont entrés en action. Le déploiement de force ne se dissimule plus derrière les combattants des deux républiques fantoches du Donbass. La guerre est cette fois assumée dans chacun des mots du chef de l’Etat russe, Vladimir Poutine. Son objectif est limpide : briser l’Ukraine. Et ses menaces envers toute entrave à cette volonté sont également explicites : « Quiconque entend se mettre sur notre chemin ou menacer notre pays et notre peuple doit savoir que la réponse russe sera immédiate et aura des conséquences jamais vues dans votre histoire », a-t-il martelé dans sa brève allocution marquant le déclenchement des opérations – de fait une déclaration de guerre.

Il faut l’écrire aussi clairement qu’il l’assume en paroles : Vladimir Poutine est bien le responsable de ce conflit majeur. Aucune maladresse occidentale, aucune erreur historique, aucun des arguments avancés par le régime russe et ses défenseurs depuis des années ne sauraient justifier l’attaque qui vient de commencer.

Evolution clanique

Cette volonté d’imposer la loi du plus fort, ce mépris affiché du droit international trouvent en réalité leur origine dans la double dérive de Vladimir Poutine depuis son accession au pouvoir en 2000. La première est la tournure autocratique de plus en plus prononcée qu’a prise son régime, organisé autour de sa personne et de ses obsessions. Au fil des années et des mandats, Poutine a imposé un contrôle absolu sur la société civile. L’assassinat en 2006 de la journaliste d’investigation Anna Politkovskaïa portait déjà la marque de ce système. La tentative d’empoisonnement en août 2020 du critique du régime Alexeï Navalny, aujourd’hui emprisonné, et le harcèlement de ses soutiens, était un autre signe de cette dérive permanente. Début 2022, un humoriste a dû fuir la Russie pour avoir critiqué l’un des oligarques, proche du chef de l’Etat, Evgueni Prigojine, dont les mercenaires, les Wagner, se sont déployés de la Syrie au Mali en passant par la Centrafrique et la Libye, au prix d’exactions jamais assumées par Moscou.

Opposants, journalistes et aujourd’hui parlementaires, conseillers : au cours des années, tous les acteurs d’une vie politique tempérée par des règles et des contraintes ont été écartés, de plus en plus brutalement, d’un cercle restreint obnubilé par la défense de ses richesses et de ses privilèges. La seconde dérive découle directement de cette évolution clanique. Depuis sa « révolution orange » de 2004, la démocratie ukrainienne est devenue le repoussoir absolu du Kremlin. Ses évolutions sont vécues comme une menace existentielle. C’est à cette indépendance, de vue, d’esprit, de comportement, que Poutine entend aujourd’hui mettre fin par la force.

C’est donc bien le droit international qui est ici violé. C’est bien l’ordre européen de sécurité issu de la fin de la guerre froide qui est aujourd’hui défié. Que peut faire l’Occident ? Les pays démocratiques paient aujourd’hui la faiblesse de leur réaction aux précédentes violations du droit international par Vladimir Poutine.

Lorsque, sur ordre de M. Poutine, les forces russes ont occupé une partie du territoire géorgien en 2008, cette agression est restée impunie. Lorsque, en 2014, sur ordre de M. Poutine, la Russie a annexé la Crimée puis est intervenue dans le Donbass en appui aux séparatistes prorusses, la riposte européenne et américaine à cette violation flagrante de la souveraineté et de l’intégrité du territoire ukrainien s’est limitée à des sanctions certes inconfortables mais calculées, pour ne pas causer de dégâts majeurs aux économies occidentales.

On le constate aujourd’hui, ces sanctions ont échoué. Elles n’ont pas détourné Vladimir Poutine de son dessein profond, qui est de redessiner la carte de l’Europe en se réappropriant une sphère d’influence. Les démocraties occidentales doivent aujourd’hui prendre acte de cet échec et adopter contre le régime de M. Poutine des mesures beaucoup plus fortes, en assumant le coût qu’elles auront pour leurs propres économies. C’est le prix minimum à payer si l’on veut vraiment faire respecter les principes fondamentaux du droit international.

Le Monde

Jérôme Fenoglio(Directeur du "Monde")

 

 

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