« Il faut féliciter la CEDEAO »
Le retour de l’ordre constitutionnel à Bamako signifie-t-il que la fermeté de la CEDEAO a payé ?
Non seulement la fermeté de la CEDEAO a payé, mais il y a eu aussi la maîtrise par la CEDEAO des mécanismes qui permettent de régler les conflits. Parce que si ce conflit n’avait pas été éteint, c’est peut être toute la sous-région qui allait subir les contrecoups de cet évènement-là. Et franchement, il faut adresser des compliments à la CEDEAO et l’encourager à jouer ce rôle de veille pour éviter que des coups d’Etats se produisent parce qu’il ya des passions et des états d’âme.
Quelques jours après ce putsch, le président Ouattara a menacé le Mali de connaître le même embargo que la Côte d’Ivoire de Laurent Gbagbo il y a un an. Est-ce qu’on peut parler d’une jurisprudence Gbagbo ?
Il faut juste indiquer que l’embargo est une mesure extrêmement nocive pour les états et les populations. Les Maliens eux-mêmes ont souligné avec pertinence que si la Côte d’Ivoire avait tenu tant bien que mal, mais difficilement sous l’embargo, pour le Mali, cela n’aurait pas duré un an compte tenu de la situation géographique d’enclavement du pays, de sa dépendance du port d’Abidjan, du port de Dakar, et un peu du port de Lomé. Je pense que la raison a fini par prévaloir et la CEDEAO n’a pas eu l’occasion d’imposer l’embargo au Mali. C’aurait été catastrophique.
«Désormais, il faut que les oppositions puissent avoir les moyens de combattre les régimes lorsqu’ils sont dictatoriaux, comme cela vient de se passer au Sénégal»
Est-ce que la leçon de l’histoire c’est que l’on ne peut plus faire de putsch dans un pays enclavé, dont le ravitaillement dépend des voisins ?
Non seulement cela, mais on ne doit plus pouvoir faire de putsch militaire à la tête d’aucun pays africain. Regardez l’Amérique du Sud il y a une quarantaine d’années, c’était le terrain de prédilection Pronunciamiento. Mais aujourd’hui il n’y pas pratiquement plus de coups d’Etat militaire en Amérique latine. L’Afrique est sans doute entrain d’entrer dans cette ère de liberté et du droit et de la loi des gens. La leçon qu’il faut tirer de cela, c’est qu’un gouvernement militaire à la tête d’un pays ne peut rien faire de plus que ce que font les gouvernements civils. Il faut que les principes démocratiques soient respectés et que les oppositions puissent avoir les moyens de combattre les régimes lorsqu’ils sont dictatoriaux. Comme cela vient de se passer au Sénégal.
Mais franchement Moustapha Niasse, s’il y avait un putsch au Nigeria, est-ce que CEDEAO aurait les mêmes moyens de pression ?
Non. La CEDEAO n’aurait pas eu les mêmes moyens de pression compte tenu du chiffre démographique du Nigeria, de l’espace géographique du Nigeria. Mais la CEDEAO aurait eu les moyens non pas d’utiliser l’embargo, mais de mobiliser la communauté internationale, de faire intervenir les Nations Unies, l’Union Européenne et toutes les institutions du développement comme les instances commerciales notamment la vente du pétrole.