Arcot retrace l’histoire de Nder et célèbre la dignité féminine

La Journée mondiale du Théâtre a été célébrée par l’Association nationale des artistes comédiens du théâtre sénégalais (Arcots) de manière originale, avec le choix d’un thème préoccupant : l’histoire des femmes de Nder qui se sont immolées au nom de la dignité et de la bravoure. Le spectacle « Nder en flammes », inspiré de l'œuvre d’Alioune Badara Bèye, a été joué.
L’Association nationale des artistes comédiens du théâtre sénégalais (Arcots) de Dakar a célébré la Journée mondiale du théâtre, ce 27 mars. Elle a rassemblé les acteurs pour un grand spectacle au centre culturel Douta Seck, où se trouve son siège. « Nder en flammes », inspiré de l'œuvre d’Alioune Badara Bèye, a été joué. Le choix de ce thème vise à montrer que l’Afrique a ses propres urgences, distinctes des agendas internationaux.
Le spectacle théâtral a été suivi de débats. Des spécialistes, des historiens et des chercheurs ont apporté leur éclairage sur la tragédie de Nder, notamment face aux contradictions récemment soulevées. "C'est important parce que notre histoire est notre miroir. Donc, il faut nous inspirer de ces valeurs de dignité pour donner à nos femmes et à nos hommes la culture de la non-violence. Le fait de se sacrifier est une forme de non-violence, au lieu de chercher à se venger. Faire un pas en arrière permet de montrer au monde comment l'homme peut résister sans être obligé de prendre les armes. C'était cela, le message fondamental", a déclaré le Président de l’Arcots, Pape Faye, qui a donc sollicité des chercheurs spécialisés - auteurs de thèses et publications sur le sujet - pour éclairer cet aspect du patrimoine sénégalais.
Cette transmission est vitale pour lui, d'où la présence d'étudiants de l'UCAD et de journalistes culturels lors de ces échanges. "C'est un acte de courage, de dignité que les femmes de Nder ont montré à la face du monde. Et aujourd'hui, c'est devenu un modèle de référence pour les autres femmes", a-t-il ajouté.
Pour sa part, juriste de formation, Mbaye Mbodj Cissé s’est beaucoup intéressé à cette histoire. Celle-ci a été transmise de génération en génération jusqu'à lui. "L'histoire de Talatay Nder est vraie. Il y a des sources écrites, il y a également des sources orales. Après avoir appris en suivant les sources écrites, ma source principale par rapport à la tradition orale, c'est la tradition de Seydany, l'unique rescapée de la tragédie de Nder qui a vécu chez ma grand-mère", a-t-il expliqué. "J'ai cette source-là. Il y a d'autres sources écrites. L'histoire de Talatay Nder est une histoire vraie qui a marqué le Sénégal, qui fait partie du patrimoine mondial immatériel", a ajouté Mbaye Mbodj Cissé.
En tant qu'universitaire, il pense que la représentation sur l’histoire de Nder doit être vulgarisée sur le plan national et international. "Ça doit être joué de manière originale, même à Nder, parce qu'il y a de l'espace là-bas. L'arbre qui est le témoin oculaire de cette tragédie existe toujours…", a-t-il dit.
La question de la subvention du théâtre et la réponse d'Abdou Sinbandi Diatta
Par ailleurs, cette Journée internationale a permis aux acteurs, aux comédiens et à tous ceux qui vivent autour de la scène de faire entendre leur plaidoyer. Le théâtre n'est pas subventionné, ce que déplorent les acteurs de la scène. Ils ont alerté à maintes reprises les autorités du régime précédent, mais leurs appels sont restés sans réponse. Aujourd’hui, avec le nouveau gouvernement, ils espèrent que les choses vont changer, contrairement aux années passées.
"Nous avons bon espoir que Mme la ministre, qui semble très engagée, prendra les mesures nécessaires. Certes, cette année, il n’y a pas eu de célébration officielle comme à Sorano, comme nous en avions l’habitude. Cependant, elle a pris des engagements pour les prochaines éditions, que ce soit pour la Journée mondiale de la danse, de la musique ou du théâtre. Elle a promis son soutien aux artistes, et je suis convaincu qu’elle tiendra parole", a renseigné Pape Faye.
D’ailleurs, hier, au-delà de la pièce de théâtre, les acteurs ont étalé des produits qui ont été traités et valorisés par les femmes. "Nous avons créé un système d'unité de transformation des produits de céréales, etc. Et ça, c'est fait par des artistes-comédiennes. Un artiste doit pouvoir se démultiplier, avoir d'autres ramifications. C'est la raison pour laquelle on a mis les moyens qu'il faut pour trouver des femmes spécialistes dans la transformation pour leur apprendre comment faire ces produits-là", a révélé le comédien et metteur en scène.
S’agissant de la question de la subvention, Abou Sinbandi Diatta, directeur de la Culture, soutient qu’il y a d’abord une injustice à corriger, mais aussi une réorganisation à faire. "Nous voulons d'abord discuter avec les acteurs, dans un premier temps. Moi, j’ai vu des acteurs qui sont à Fongolimbi, qui voient qu’il y a des fonds, mais qui savent en âme et conscience qu’ils ne toucheront pas ces fonds. Pourtant, ils font partie des acteurs culturels. Et d’autres acteurs qui ont 5 millions cette année, ils voient des fonds et disent que j’aurais 10 millions la prochaine fois et ils auront les 10 millions. Cette injustice-là, il faut que ça soit réglé d’abord. On doit discuter de l’économie culturelle", a-t-il fait savoir.
Poursuivant son propos, il a souligné que les acteurs culturels sont mal associés. "Comment voudrait-on avoir une association constituée seulement de peintres (même vision, même pensée, même revendication, mêmes intérêts) ? Ça, ce n’est pas bénéfique. Il faut essayer de trouver des synergies, de créer d’autres formes juridiques différentes des associations. Parce que l’association à but non lucratif ne donne pas aux associés de l’argent. C’est tout à fait le contraire. Ce sont les associés qui nourrissent l'association", a-t-il expliqué, demandant aux acteurs de penser globalement, ensemble.
BABACAR SY SEYE