Le Sénégal se penche sur l’avenir de la communication à l'ère numérique

Le ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique a lancé des journées de concertation pour repenser le secteur de la communication au Sénégal. Pendant trois jours, les discussions se concentreront sur des thèmes cruciaux : la régulation des médias, l'intégrité de l'information et la gouvernance à l'ère du numérique.
Les journées de concertation dédiées au secteur de la communication ont débuté ce mercredi 18 juin. Elles se déroulent sous le thème ‘’Intégrité de l’information, régulation, gouvernance économique et cyberespace’’. L'événement rassemble divers acteurs : représentants des institutions publiques, professionnels des médias, chercheurs, partenaires techniques et financiers ainsi que des membres de la société civile. Ces discussions, qui se poursuivront jusqu'au 20 juin, visent à apporter des réponses aux défis majeurs rencontrés par le secteur de la communication sénégalaise à l'ère numérique.
Lors de l'ouverture officielle, Habibou Dia, directeur de la Communication au ministère de la Communication, des Télécommunications et du Numérique, a souligné l'importance cruciale de cette concertation. Il a déclaré que ces journées représentent “un moment fort de réflexion collective” pour le secteur des médias.
Monsieur Dia a insisté sur l'impact des transformations numériques touchant les médias, les réseaux sociaux et l'intelligence artificielle qui, si elles offrent des opportunités, soulèvent également des préoccupations en matière de régulation et d'intégrité de l'information.
Le secteur de la communication face à de multiples défis
Le secteur de la communication au Sénégal, comme ailleurs, est en pleine mutation. Face à l'explosion des réseaux sociaux, à la prolifération des contenus non régulés et à l'essor des technologies numériques, il doit faire face à des défis inédits. Le directeur de la Communication a affirmé, à ce propos : “Nous assistons à une transformation sans précédent, portée par la révolution numérique, qui nécessite une régulation et une gouvernance adaptées.” La question de l'intégrité de l'information a été un point central des échanges. L'invasion des fake news et des contenus mensongers sur les plateformes numériques a renforcé la nécessité de mettre en place des mécanismes de régulation robustes.
La responsabilité des journalistes, notamment dans le cadre de l'autorégulation, a également été abordée. Cela est d'autant plus pertinent que la révision du Code de la presse peine à s'adapter aux mutations actuelles du secteur. “Les entreprises de presse sont aujourd’hui confrontées à une précarité économique croissante, conséquence de la baisse des revenus publicitaires et de la concurrence des plateformes numériques”.
Moustapha Cissé, l'avenir de la presse et les réformes indispensables
Moustapha Cissé, récemment nommé à la tête du Synpics, a prononcé un discours poignant sur l'avenir de la presse sénégalaise. Il a mis en évidence les défis actuels qui menacent la viabilité du secteur et a appelé à une réforme radicale pour garantir une presse indépendante, moderne et respectueuse des principes démocratiques. “La presse n’est pas un appendice de l’État. Elle est le souffle même de l’espace public”.
Il a souligné que sans une presse libre, le citoyen perd sa capacité à juger et à comprendre le monde qui l'entoure. Cependant, le secteur traverse une crise profonde depuis plusieurs années. Les entreprises de presse sont accablées par des dettes, manquent de ressources pérennes et sont de plus en plus écartées des commandes publiques. “Nombre d’entre elles sont menacées de liquidation. Le fonds d’appui est inopérant. Les créances dues par l’État sont restées en suspens”, alerte M. Cissé.
Le secrétaire général du Synpics a insisté sur le fait que les réformes ne peuvent plus attendre. Il a évoqué le Code de la presse, adopté en 2017, mais largement obsolète, car il ne prend pas en compte les mutations numériques et sociologiques du paysage médiatique mondial. Il a déclaré : “Il faut refondre intégralement ce code, avec l’ensemble des parties prenantes, pour bâtir un cadre juridique qui protège la presse.”
Cissé a également déploré le manque de régulation et d'autonomie des institutions actuelles, comme le CNRA (Conseil national de régulation de l’audiovisuel). Il a demandé la mise en place d'une institution unique, indépendante et crédible pour superviser tous les supports médiatiques. “Il est urgent d’installer une institution qui puisse agir sur l’ensemble des supports dans le respect des droits fondamentaux”.
Une régulation flexible et harmonisée prônée par Meta
En matière de régulation, Balkissa Idé Siddo, directrice des politiques publiques pour l'Afrique subsaharienne de Meta, a exprimé l'ouverture de Meta à collaborer avec le gouvernement sénégalais. Elle a souligné que Meta n'est pas contre la régulation, mais qu'il est essentiel que celle-ci soit “précise, flexible et harmonisée”.
Les régulations doivent s’adapter à l’évolution rapide de la technologie. Citant des exemples comme l'intelligence artificielle et la réalité virtuelle, elle a ajouté que des régulations rigides pourraient devenir obsolètes face à l'avancée technologique. Elle a également insisté sur la nécessité de définir clairement les responsabilités des parties prenantes dans la régulation des plateformes.
Selon elle, une régulation harmonisée est essentielle pour éviter une confusion qui pourrait nuire à l'application des lois et des politiques. Elle a précisé que la régulation doit viser à limiter les abus tout en soutenant le bon usage des technologies. “Nous sommes ouverts à continuer à collaborer avec le gouvernement du Sénégal et à apporter notre expertise pour aider le pays à atteindre ses objectifs en matière de numérique”, a-t-elle terminé.
Mamadou Diop